Un petit cri de plaisir éloigné
Au début, Far Cry 3 ne m'avait pas émerveillé. Il faut dire que l'histoire ne commence pas forcément de manière très passionnante : on sent qu'il y a des qualités, mais pas grand chose transpire l'originalité. Mais au final, l'aventure proposée par l'équipe d'Ubisoft Montréal est suffisamment variée et monte en intensité pour nous tenir en haleine pendant une vingtaine d'heures, malgré quelques idées bancales.
Le gameplay est un gros melting-pot de plein de jeux : un peu de Just Cause (open world sur une île tropicale, véhicules, conquête de territoires...), un peu d'Assassin's Creed (les tours à grimper pour découvrir des zones, des finishs avec un couteau...), quelques éléments tirés des RPG (système d'XP et arbres de compétence) et quelques reprises des bonnes idées du 2ème épisode (la gestion du feu, la faune riche et variée). Le résultat ne brille pas d'une originalité folle, c'est clair, mais l'ensemble est complet et cohérent. Des petites trouvailles rendent le jeu équilibré, plaisant et facile à prendre en main.
D'un point de vue purement FPS, le jeu est pourtant loin de ce qui s'est fait de meilleur, avec les mêmes armes qu'on voit dans tous les shooters depuis 10 ans qui ne sont d'ailleurs pas hyper sensationnelles à essayer. Mais globalement, les level designers ont su créer des missions variées qui montent en intensité au fil de l'aventure, certains moments deviennent vraiment épiques avec des explosions et des tirs qui fusent dans tous les sens. L'aspect open-world prend tout son intérêt ici et on court partout pour s'en sortir le mieux.
Dès que Far Cry 3 s'éloigne de son postulat de base, c'est-à-dire la liberté d'action, on sent que ça baisse en qualité. Les quelques niveaux linéaires en intérieur sont souvent ratés et ennuyeux. Les pires étant pour moi ceux où on s'aventure dans des ruines anciennes façon Indiana Jones qui ressemblent vraiment à un Uncharted du pauvre. La tentative était louable, mais le résultat ne suit pas vraiment (d'autant plus qu'on se demande ce que des ruines chinoises foutent sur une île comme ça).
On sent que le game designer a voulu bien équilibrer l'ensemble pour que différentes approches soient possibles au sein d'une même mission, mais le pari n'est pas toujours tenu. L'infiltration peut se révéler souvent assez basique et peu intéressante, à cause d'une IA assez bête et aveugle qui enlève toute notion de challenge. Le 90% du temps, il suffit de balancer un caillou, attendre qu'un ennemi s'en approche et le tuer avec le couteau.
Néanmoins, on peut noter quelques subtilités comme la possibilité de désactiver les alarmes, planter le couteau sur un ennemi en sautant d'un rebord et ensuite enchaîner sur un autre ennemi à proximité, détruire la cage d'un animal féroce pour le libérer et semer la pagaille, se cacher derrière une boîte et poser l'arme dessus pour avoir plus de précisions, exploser un molotov en tirant dessus avant que l'ennemi le lâche de sa main etc... Ça rajoute quelques tactiques intéressantes sans non plus révolutionner le cœur du gameplay.
Ce n'est pas pour supporter le parti du CPNT, mais la chasse est assez amusante quoiqu'un peu répétitive. Traquer les prédateurs pour leur retirer la peau devient plus intéressant que de tuer les pirates, grâce à une faune riche aux comportement variés et agressifs, parfois même imprévisibles. Ça offre une expérience immersive avec un challenge un tout petit peu plus corsé.
L'histoire commence un peu comme un Disney sauce New Jersey, avec un héros gentil qui veut sauver tous ces copains. Mais plus l'aventure avance, plus le héros subit une transformation mentale, en parallèle avec son tatouage au bras qui s'agrandit. Far Cry 3 illustre le parcours d'un touriste paumé et un peu léger qui est forcé à devenir un véritable guerrier afin de survivre et sauver ses proches. Même s'il ne déborde pas de charisme, le héros devient attachant avec le temps, avec une véritable personnalité et une conviction. Ca change de tous ces persos muets insipides qu'on se tape à la chaîne dans les FPS modernes (n'est-ce pas, Corvo ?)
Cette histoire aurait pu avoir un traitement un peu moins conventionnel ceci-dit, car l'ensemble manque un peu de folie, d'une touche de génie qui rendent les situations vraiment marquantes. Le tout est filmé avec un shaky cameras un peu agaçante et des QTE pas très passionnants qui reviennent mine de rien régulièrement à des moments clés de l'histoire. L'ensemble parait un peu léger alors qu'il y avait un gros potentiel. Globalement, au début du jeu, pas mal de passages paraissent ennuyants car le jeu baigne dans ce côté un peu "formaté", et on progresse sans vraiment s'impliquer dans l'histoire. Mais heureusement cela s'améliore au fil de l'aventure.
Certains personnages intéressants apportent un peu plus de cachets à cet ensemble parfois mou, notamment Vaas, incarné par Michael Mondo, un pirate sadique avec un véritable sens de mise en scène malsain qui rappelle vaguement Joker. On aurait vraiment voulu le voir mis en avant davantage, car il reste très peu exploité en fin de compte.
Les quelques passages où le personnage principal délire à cause des substances hallucinogènes offrent des situations un peu plus osées et sortent du lot, même si parfois c'est un peu gratuit. La fin du jeu est plutôt surprenante et termine cette aventure en beauté. Dommage que la toute fin est vite expédiée.
Le jeu laisse le choix entre la VO et la VF, ce qui est quand même une très bonne chose venant d'un éditeur comme Ubisoft qui aime bien tout imposer dans leurs jeux. Ayant testé les 2, la VO est sans surprise d'une meilleure qualité, même si la VF se laisse écouter (Vaas a d'ailleurs été doublé par le même acteur qu'en VO, dû à ses origines canadiennes). Les sous-titres FR sont en revanche assez décevants, certaines phrases originales sont parfois totalement dénaturées à cause d'une traduction plus qu'approximative.
Techniquement, le jeu s'en sort plutôt bien avec une variété de couleurs et d'animations qui rendent les décors très vivants. Les effets de lumière sont souvent jolis, et les personnages sont bien modélisés, du moins pour les principaux. Cependant, il n'y a pas non plus à se taper les fesses par terre, le jeu reste loin visuellement à ce qu'on voyait sur les screenshots officiels retouchés autant que le corps de Paris Hilton. D'autant plus que cette version PC reste assez mal optimisée : ça ramouille pas mal sur mon ordi qui fait tourner Skyrim et Battlefield 3 en ultra. Un peu plus de physiques et de destructions n'auraient pas été de refus non plus. L'SSAO est assez mal maîtrisé ici, et on a souvent droit à un espèce de halo noir autour des objets et des personnages assez désagréables à regarder.
Artistiquement, je suis également un peu partagé. Le côté île tropicale paradisiaque est bien rendu, mais ça reste assez répétitif à visiter. Contrairement à Skyrim où on prenait plaisir à découvrir des ruines magnifiques, des villes aux architectures variées etc... là on passe notre temps devant des jungles, cabanes et plages pas très originales qui se ressemblent tout le temps.
Le coop' fait surtout acte de présence, il a l'air plutôt complet et sympa au départ quand on regarde le système d'upgrades et la jolie cinématique d'intro, sauf que l'intérêt par rapport au solo s'efface rapidement quand on s'aperçoit que les niveaux sont en fait des couloirs et on ne peut plus contrôler les véhicules, les mitrailleuses fixes etc... On suit donc bêtement une ligne droite pour abattre des ennemis à la chaîne et accomplir des objectifs pas très intéressants comme "apporter l'objet A vers point B" "protéger l'objet C pendant X temps"... Après l'expérience coopérative de Borderlands 2, ça fait sacrément tache...
Les musiques sont vraiment discrètes. Ce n'est pas plus mal car les rares fois où on les entend, ça ne vole pas très haut.
Far Cry 3 est au final un FPS open-world sympathique qui propose un véritable solo long, fun et riche, dans une époque où on se tape à la chaîne des jeux qui durent 4 heures, histoire de tout miser sur le multi et les vingtaines de maps DLC. C'est vraiment dommage que l'aventure proposée soit si inégale, certaines missions sont vraiment plaisantes alors que d'autres beaucoup trop conventionnelles, pour ne pas dire cliché. Avec un peu plus de folie, l'équipe d'Ubisoft aurait pu sortir un jeu encore bien meilleur, car à plusieurs reprises, on a l'impression qu'ils ont eu peur de se lâcher et sortir un truc vraiment marquant. Cependant, le jeu recèle des qualités indéniables, et il serait dommage de passer à côté.