Après avoir achevé la mamie de The Graveyard, je me suis lancé dans Fatale. Autre production des arty chauds de Tale of Tales.
Bon, en vrai, j’ai joué à The Path aussi, mais comme il est à des années-lumière des deux autres, je le garde pour plus tard.
Fatale donc.
Fatale nous parle de Salomé. Plus précisément, c’est une visite picturale d’une adaptation du Salomé d’Oscar Wilde.
La référence claque.
Le produit aussi tant son gameplay est en adéquation avec le propos.
Ou pas.
Le jeu se divise en trois parties et se déroule en vue à la première personne. Car oui je vais utiliser le mot jeu, même s’il est discutable. Il y a en effet des mécaniques de gameplay (ce qui tend à en faire un jeu), mais l’aspect ludique est inexistant comme vous allez le constater.
Durant la première partie, nous nous retrouvons dans un souterrain humide, un sous-sol, une geôle. Pour seule lumière, une grille perce le plafond. Les décors ont la qualité (!) d’un Penumbra (l’ambiance oppressante en moins).
Je comprendrais plus tard qu’on incarne Saint-Jean Baptiste “attendant” son bourreau. Pour le moment, j’explore.
La pièce doit faire 50-60 mètres carré. Au sol, par endroit, se trouvent des caisses. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle j’utilise le mot jeu. Des caisses dans une cellule ? Ça n’a aucun sens. Sauf dans un jeu vidéo quand on peut les casser ou les entasser pour grimper en hauteur.
D’ailleurs tiens, je vais essayer de les ramasser. Hmm. J’arrive à les pousser, je ne trouve pas de bouton pour saisir.
Un tour dans le menu (oui il y a un menu, ce qui est normal pour un jeu). Je ne peux pas reconfigurer les contrôles mais ils sont indiqués. Et il n’y a pas de commande pour soulever / porter / agir... Bon, ben voilà... Au moins c’est clair.
En m’approchant d’un coin de la pièce, un message flottant, une citation du Salomé de Wilde donc, apparait. D’autres surgissent à d’autres endroits. Au bout de deux minutes, j’ai fait le tour. Il y a une porte - qui me confirme que je suis dans une geôle - 7 ou 8 caisses et 5 ou 6 textes flottants.
Palpitant. On dirait du Dear Esther moche.
Alors que je commence à m’emmerder sévère, je remarque une sorte de barre en bas de l’écran qui progresse. Un timer. J’en suis... à la moitié.
Je décide donc d’aller me chercher un truc à bouffer dans la cuisine et de remplir une bouteille d’eau.
Quand je reviens, la barre a encore progressé.
Je refais le tour de la pièce, des fois que... Peine perdue.
J’imagine qu’on est censé ressentir l’isolement et l’oppression... Comme pour The Graveyard, je m’interroge. What’s the point?
Penumbra, Amnesia, Silent Hill, Dead Space, System Shock... Même Doom 3 réussit mieux à provoquer ce sentiment...
A force de me perdre dans mes pensées (et non, ne me racontez pas que c’est exactement le but: faire réfléchir), la barre de progression arrive au bout de l’écran.
La porte s’ouvre.
Un homme enturbanné, armé d’un cimeterre, rentre.
Je recule.
Je me cache derrière une colonne.
Il passe à travers (sérieux...).
Arme son bras.
Du sang est projeté sur l’écran.
Je tombe.
Fin de la première partie.
Je m’élève tel un esprit libre des attaches terrestres et m’envole via la grille. Je me retrouve alors sur une terrasse.
Il me faudra 5 bonnes minutes pour comprendre comment me déplacer et pouvoir faire le tour de ce nouveau lieu baigné par la lune.
La terrasse est à peu près aussi peti... grande que la cellule.
On y trouve une table, des tissues, quelques instruments de musique dans un coin, dont une anachronique guitare. Le bourreau qui nous a exécuté. Une statue de femme dans une alcôve. Salomé, accoudé à une balustrade et à côté d’elle, la tête de Saint Jean Baptiste, ma tête, sur un plateau.
Autre anachronisme d’ailleurs, Salomé porte un lecteur mp3 à sa ceinture et a des écouteurs filaires. Quel génie !
On pourrait penser à Morrissey parlant de Jeanne d’Arc et de son walkman fondant dans le bucher (Bigmouth Strikes Again des Smiths), y chercher une interprétation intellectuelle relevée.
Mais en fait non. Non, parce que ça n’apporte rien et n’a aucun sens. Ce n’est ni drôle, ni subtil, ni intelligent. C’est de la branlette pipo intello. Et c’est tout.
Revenons à la terrasse.
Là, je crois qu’il m’a fallu 10 minutes au moins, pour comprendre que je pouvais vaguement agir.
En maintenant le bouton gauche enfoncé (ou espace ou shift, mais les boutons ne sont pas totalement équivalents rendant l’apprentissage fastidieux et démontrant encore un relent de pas fini, pas testé, pas réfléchi) on peut “zoomer”. Une sorte de bidule doré apparait à l’écran (lentement - pour faire durer la torture j’imagine) et disparait quand on relâche le bouton.
Après encore quelques minutes d’expérimentations infernales, je comprends qu’en le faisant sur une source de lumière (il y a des bougies) et en relâchant, je m’approche de la source et contrôle une petite fumée noire qui, si je la place maintient sur la flamme, va progressivement l’étouffer. Serait-ce un gameplay ?
Après avoir éteint les premières bougies visibles, je m’en rends compte qu’une autre est apparu sur la terrasse. Je vais l’éteindre. Une autre apparait ailleurs.
Et ainsi de suite, une bonne dizaine de fois.
Test d’endurance, de pugnacité et de masochisme.
C’est long, chiant, pas drôle, inutile.
A la différence de The Graveyard, ici je ne ressens pas d’ennui. Juste de la rage.
Une fois toutes mes bougies éteintes, je me sens perdu. J’espère qu’un truc va se passer. Le voile de Salomé est tombé (référence foireuse à sa danse des 7 voiles... avec un seul voile). J’attends un peu. Je remarque que la statue dans l’alcôve a bougé. Je m’approche, espérant une interaction.
Rien.
Et puis soudain, le soleil se lève. La musique change.
Mon esprit s’envole vers le Soleil.
La lumière envahit l’écran.
Et c’est fini.
Voilà.
Cinquante minutes de ma vie viennent de disparaitre à jamais.
Je n’avais pas aimé Dear Esther mais au moins c’était joli et on pouvait presque ressentir le vent salé sur nos visages. Heavy Rain de son côté a le mérite de raconter une histoire. Okami est un vrai jeu, esthétique, avec une vraie patte et de jolies références. Et je ne parle pas des cinq niveaux de lecture de Far Cry 3…
Ici, on n’a rien.
Loin d’une œuvre d’art par son manque d’esthétisme et son absence d’adéquation entre l’interactivité et le propos... enfin d’ailleurs y a-t-il un propos ?
J’ai déjà parlé du terrible sentiment d’oppression et de solitude de la première partie. Du vague et insupportable gameplay de la terrasse. Des anachronismes arty moisis. Que reste-il ? L’interprétation ?
Oui, ben voilà, on incarne Saint Jean Baptiste. Il est dans une geôle, se fait exécuter, devient pur esprit. On éteint alors des bougies. Acceptation de la mort ? Refus de voir le visage de Salomé ?
Sincèrement, on s’en branle. Et avec violence.
Là encore, Tales of Tale nous dit qu’il ne s’agit pas d’un jeu, mais d’un tableau vivant inspiré de l’histoire de Salomé.
Ok.
Un tableau moche où on poireaute 10 minutes dans une cave humide avec des caisses qui n’ont rien n’à y foutre. Puis, où on passe 15 minutes à comprendre ce qu’on peut faire sous forme d’esprit. Puis où on passe 20 minutes à éteindre des bougies d’une manière si intéressante que le gameplay de Diablo devient subtil et varié.
Si au moins, il donnait envie de lire Oscar Wilde... mais non. Si au moins il faisait ressentir autre chose que de l’incrédulité et de la rage envers les développeurs et de la frustration envers le gameplay... mais non.
Pire encore que The Graveyard (en plus il est vendu 8 dollars... une paille), Fatale est carrément une insulte à l’intelligence. De la branlette arty de bas étage. Une perte de temps frustrante, honteuse et à la limite du vomitif dont le seul mérite est de se faire se rendre compte qu’au final, Call of Duty ce n’est pas si pourri.