Génèse d'un gamer
Ma passion pour Final Fantasy VI est très ancré en moi et la découverte de ce jeu à de toutes évidences été un jalon primordial dans ce qui m'a servi à identifier et apprécier un jeu-vidéo. En effet, la découverte de ce jeu est lié à une période ou j'étais en pleine découverte du média jeu vidéo, découverte elle même qui a coïncidé avec mon vécu, mes connaissances culturelles et mon état d'esprit. Aussi plutôt que de vous parler des qualités du jeu, que vous trouverez bien mieux mis en avant dans d'autres critiques, bien mieux écrites, je tenais plutôt à essayer d'expliquer pourquoi ce jeu m'est si cher et ce qu'il m'a apporté.
J'ai découvert Final Fantasy VI plusieurs années après sa sortie américaine, en l'an de grâce 1998 (au mois de Mai pour être précis). A l'époque la super Nintendo était déjà morte, la Playstation de Sony cartonnait dans les ventes, face à elle la Saturn de Sega et la Nintendo 64 essayaient de sortir la tête de l'eau. Mais à l'époque tout cela je m'en fichais éperdument, lecteur de BD et cinéphile, je ne jouais pas aux jeux vidéos. J'attendais avec impatience la fin d'année scolaire 1997/98 sachant déjà que la rentrée scolaire 98/99 serais morose, je redoublais ma seconde.
Ainsi, si les belles histoires commencent par il était une fois, dans mon cas l'histoire commence par un Vendredi soir de Mai dans la ville de Rennes. Par un hasard fortuit, un inconnu a abordé mes parents qui se promenait dans la rue avec ma soeur, il avait un sac en plastique à la main :
- Vous avez des enfants ? (il voit ma petite soeur)
- Oui.
- J'ai une console dont personne ne veut...
Au sixième jour de la semaine...
Le lendemain matin, un Samedi de Mai, en rentrant du Lycée : La maison est vide. J'ai quatre frères et soeurs, mais je ne les entends pas. Je passe dans le séjour, ils sont tous assis devant la télé. Sur la table du séjour, il y a une super nintendo... UNE SUPER NINTENDO CHEZ NOUS !!!
Mes parents, qui ont toujours refusés de nous offrir une console, (C'est cher et vous allez vous battre pour y jouer ! Nous disaient-ils) sont rentrés de nuit avec cette console; je suis passé le matin à côté de cette machine sans la voir (!) pour aller au Lycée et finalement la découvrir à mon retour vers 13h30 !!!
Je m'assois avec eux. Sur la table, à côté de la console, il y a quatre jeux : Star Wing, F-Zero, Street Fighter 2, un certain Final Fantasy III et un drôle d'accessoire, avec deux entrées et une sortie, labellé Fire 2 Turbo. Tout les jeux marchent à merveille, très vite avec mes frères et soeurs nous faisons le tour des braderies et autres brocantes.
Durant l'été qui suit, nous achetons : Zelda a Link to the Past, Donkey Kong Country, U.N Squadron, Megaman X, Secret of Mana, Super Mario World, Super Metroid (a cette période ces jeux ne valent pas plus de 15 francs en boite et avec notice) et quelques horribles jeux infogram (Astérix, Spirou, je me souviens de vous !).
Tout va pour le mieux, nous passons un été ensoleillé dans Donkey Kong Country, les pouces tuméfiés par Street Fighter 2, mais le glaive levé bien haut dans Zelda a Link to the Past. Une seule ombre au tableau cette étrange cartouche de Final Fantasy III. Elle ne rentre pas dans la console, elle n'a d'ailleurs pas la même forme, ni la même couleur. La cartouche m'intrigue. L'image de couverture présente un chat avec une épée sur un fond violet uni. J'imagine alors une sorte de Zelda avec un chat...
Après plusieurs semaines à essayer de faire marcher cette cartouche dans la console, un Dimanche soir, un des derniers jours du mois d'Aout, le miracle se produit, le jeu se lance. Parlant peu l'Anglais, je commence avec un dictionnaire à mes côtés... cette année 98-99 ne sera peut-être pas si horrible que je l'imaginais...
Le septième jour...
Je lance donc ce jeu, un soir de Dimanche d'Aout.
A l'extérieur la nuit va tomber et un orage se prépare.
Sur l'écran la nuit est déjà tombé et le tonnerre est déjà là.
J'avance dans ce jeu sans connaître le genre qu'il représente. Surexcité, j'appelle mes parents, mes frères et soeurs : le Jeu s'est lancé. La scène d'ouverture se déplie sous mes yeux. Je ne comprends pas grand chose à ce qui se passe, j'en perds un morceau je parles avec mes parents, une musique se lance et des robots se mettent en marche vers une vallée lointaine enneigé, les visuels sont magnifique, bouche bée, je m'assois, les yeux rivés vers l'écran, je prends la manette. Je ne bougerais pas, pour les 10 prochains mois. Le jeu se poursuit, l'ambiance est incroyable, l'histoire est riche et remarquablement écrite. L'amateur de cinéma que je suis essaye d'établir des liens, ouvertement ça ne ressemble à rien de ce que je connais.
En vérité je vous le dis
J'en parle autour de moi, au Lycée, a des connaissances. Un ami réagit. Il a joué à Final Fantasy VII, incrédule, il me dit que Final Fantasy III est sur Nes et que le mien doit être une copie. Il me dit que l'un des plus réputés et des meilleurs RPG serait Final Fantasy VI. Désarçonné, je rentre chez moi. Peut-on faire mieux que ce jeu ? Plus beau ? J'ai du mal à le croire, pour moi ce jeu est le meilleur... Mais mon imagination s'enflamme, je me mets à imaginer un jeu qui n'existe pas, avec une 2D ultra lisse sans pixels doté d'une musique orchestral. Le suspense ne durera pas, quelques jours plus tard il m'annonce : Tu a Final Fantasy VI dans sa version Américaine.
Je suis déçu et rassuré, effectivement ce jeu je le trouve parfait.
C'est à partir de cette expérience que le jeu vidéo à révélé pour moi tout son potentiel narratif, la variété de ses genres et toutes les formes de possibilités d'interactions qu'offre ce média avec son spectateur/acteur. Révélateur d'un tout nouveau monde, Final Fantasy VI est mon Alpha et Oméga vidéoludique. Ainsi depuis ces vingt dernières années, je rejoue très très souvent à Final Fantasy VI sans jamais avoir senti le besoin de le terminer. En vingt ans je n'ai toujours pas fini ce jeu, non, je en suis pas bloqué par un quelconque Boss, il ya juste que je ne voie pas l'intérêt de finir ce jeu.
D'ailleurs je connais la fin, mais le finir ne m'intéresse pas. Pour moi le parcours est plus important que le lieu ou l'on va.
Vingt ans après c'est toujours la même histoire mais ce n'est plus le même joueur. Je suis toujours surpris par la densité de cette histoire, les thématiques qu'ils soulèvent. Je m'étonne de la modernité du propos écologiste (bien plus développé dans le septième volet) et des sous-textes qui surgissent encore aujourd'hui. Même à l'heure de "Balance ton porc", Terra résiste et continue de renvoyer Edgar dans les cordes. Ce jeu a très largement contribué à créer le joueur que je suis aujourd'hui, je n'oublie pas les premiers jeux : Donkey Kong Country, Bomberman, F-Zero, Megaman X, Samurai Shodown 2 mais celui-ci est très clairement le moment ou mes yeux se sont ouvert pleinement. J'ai vécu dans dans ce jeu et j'y vit encore.
Gloire à toi...
Toutes les anecdotes que je raconte ici sont réelles, cette première critique a été écrite en 2010, aujourd'hui (14 Février 2021) je la complète/corrige/l'augmente. J'ai essayé de n'omettre aucun détails, de ne rien enjoliver, même si je crains quelquefois que tout ceci ne fut qu'un rêve. Je pose mon regard sur ma collection de Jeux, Final Fantasy VI est toujours là. Depuis je suis un père de famille, je partage, transmets à mes enfants la passion du Jeu Vidéo et du RPG en particulier. Final Fantasy, Dragon Quest, Ys, Kingdom Hearts sont leurs quotiien. N élisant pas encore l'Anglais, ce jeu mes enfants n'y ont malheureusement pas encore jouer. Serons t'il un jour intéressé (par exemple au travers de la Snes Mini) je ne le sais pas.
La technique a évolué, les goûts de mes enfants ne sont pas les miens. Que sont-ils capables de supporter ? Plus largement je me pose la question de la culture vidéoludique à l'échelle de notre société. Mario, Pacman et même Space Invaders sont des classiques connu des jeunes générations. Leur Gameplay orienté arcade offre vite une récompense au joueur qui s'y penche mais un jeu comme Final Fantasy VI s'apprécie dans la longueur et le développement de ses péripéties. Et d'ailleurs qui joue encore à la série Final Fantasy, sinon les joueurs qui ont découvert cette série sur Playstation : des quadra, quinquagénaires. Final Fantasy VI est -il amené à enter dans un panthéon poussiéreux comme l'on en construit pour le cinéma muet pour y ranger Murnau, Chaplin et Fritz Lang. Mes enfants aiment Chaplin et Fritz Lang, l'espoir est peut-être permis.
J'aimerais dédier ces dernières lignes à cet inconnu qui a offert cette console à mes parents :
Toi, l'inconnu qui nous a donné cette console et ce jeu, sois bénis.
Quel folie, quel ignorance ou quel bonté t'on conduit à te séparer de Final Fantasy VI ?
PS : En Juin 1999, le verdict du conseil de classe tombe : Mes notes sont trop basses pour passer en 1ereL, mais tout le monde salue le fait que j'ai fait d'énormes progrès en Anglais...