Sorti en 1994 sur Super Famicom, Final Fantasy VI est souvent considéré comme l'un des joyaux de la saga Final Fantasy, voire comme un incontournable de l'histoire du jeu vidéo. Ce sixième opus, développé par Square, a marqué les esprits grâce à son scénario profond, ses personnages mémorables et son mélange unique de fantasy et de steampunk. Il continue d'influencer des générations de joueurs et de créateurs.
Quand magie et technologie fusionnent
Contrairement aux épisodes précédents, le cadre de Final Fantasy VI présente un monde inspiré de la période de la révolution industrielle, avec une esthétique steampunk où le concept de magie est intégré. Bien que l'on retrouve une structure civilisationnelle de type médiéval-fantastique comme autrefois, l'univers s'écarte des termes classiques comme le "cristal", et met en avant des éléments de science-fiction, ouvrant la voie aux futures œuvres de la série, comme Final Fantasy VII. Ce monde unique combine des éléments modernes comme les technologies de l'ère industrielle et des éléments fantastiques comme les pouvoirs magiques provenant des invocations. La magie, autrefois perdue, est désormais une force légendaire, un élément central à la fois pour l'histoire et le gameplay.
En effet, celle-ci est intégrée dans le système de développement des personnages, fusionnant parfaitement avec le scénario et les mécaniques de jeu. Une arme emblématique, le "Magitek Armor" (armure fusionnant technologie et magie), introduite dès le début du jeu, symbolise d'ailleurs parfaitement cet univers singulier.
Une narration révolutionnaire entre complexité émotionnelle et liberté d'exploration
Le récit principal met en scène l'opposition entre l'Empire de Gestahl, qui cherche à envahir le monde, et une organisation résistante qui tente de l'en empêcher. Contrairement aux jeux précédents, déjà très développés depuis le quatrième opus mais qui adoptaient une approche plus manichéenne, Final Fantasy VI introduit une complexité émotionnelle beaucoup plus poussée, notamment à travers des personnages confrontés à des deuils et des pertes, renforçant ainsi l'impact dramatique.
Un point marquant du scénario, par exemple, est la transformation radicale du monde en milieu de jeu, où la structure de base opposant l'Empire aux rebelles se trouve totalement chamboulée. Ce retournement a laissé une impression durable sur les joueurs, en raison de sa nature innovante pour l'époque. Ainsi, l'une des forces du jeu réside dans la liberté laissée au joueur dans l'exploration du scénario, notamment dans cette deuxième moitié. Alors que le début suit une trame narrative plus traditionnelle, la deuxième partie permet au joueur de se concentrer sur la collecte des membres du groupe, avec de nombreuses quêtes secondaires, jouables dans l'ordre souhaité. Il est même possible d'ignorer ces quêtes et de finir le jeu avec une équipe réduite à trois personnages seulement.
Le nombre de personnages jouables atteint 14, un record dans l'histoire de la série. Bien que tous les personnages ne soient pas traités de manière équitable en termes d'importance narrative ou d'événements, chacun d'eux possède un thème musical unique (à l'exception d'un duo qui partage une mélodie). Ce choix contribue à rendre la fin du jeu particulièrement mémorable grâce à une reprise orchestrée de ces thèmes. Les personnages sont également dotés de données personnelles très détaillées, ce qui renforce l'attachement des joueurs. Même les antagonistes, comme Kefka, sont finement construits. Derrière son apparence puérile et cruelle se cache un stratège redoutable qui provoque des changements majeurs dans le monde du jeu. Ce type de méchant, en apparence frivole mais en réalité très rusé et dangereux, a lancé la vague des "méchants stylés" comme Sépiroth et Kuja.
Les combats dans Final Fantasy VI : un système entre liberté et rôles fixes
Le système de combat du jeu propose désormais des rôles fixes pour chaque personnage (un peu comme FFIV). Il semble donc plus limité que celui de FFV, connu pour sa liberté, mais offre tout de même une grande flexibilité dans la personnalisation. Bien que la personnalisation des personnages à travers les compétences et les spécificités de chaque rôle n'atteigne pas la liberté de l'épisode précédent, certains accessoires permettent de reproduire partiellement cette flexibilité. En particulier, les bonus des magilithes permettent une personnalisation des statistiques des personnages. Les magilithes sont des joyaux légués par les invocations qui permettent d'apprendre des sorts exactement de la même manière que le ferait une matéria. Grâce à elles, tous les personnages peuvent apprendre toutes les magies sans restriction (à l'exception des personnages cachés), ce qui permet une grande flexibilité dans la répartition des rôles au sein du groupe. Comme précisé ci-dessus, cet excellent système donnera naissance à celui des matérias de FFVII, le plus populaire de la saga.
L'introduction de la fonction "skipping" des tours améliore aussi la stratégie des combats. Elle permet au joueur de choisir quel personnage doit agir dans l'ordre souhaité pour peu que sa jauge soit remplie, offrant des possibilités comme attendre le bon moment pour attaquer ou se défendre. Cette fonctionnalité a été adoptée dans les titres ultérieurs utilisant l'ATB et est devenue un pilier du système.
Une maîtrise artistique et musicale au sommet
Passons maintenant à tout ce qui concerne la réalisation. La maîtrise des graphismes en pixel art de Square atteint son apogée avec Final Fantasy VI. Les personnages, alliés ou ennemis, sont représentées avec une grande précision. Les grandes créatures et boss impressionnent particulièrement, avec des animations détaillées qui ont marqué les esprits. Les expressions et les réactions des personnages ont également gagné en diversité, offrant une plus grande clarté dans l'interaction entre le joueur et l'histoire. D'autres jeux, plus beaux encore, sortiront sur Super Famicom, mais il n'empêche que nous atteignons ici des sommets de beauté.
La musique composée par Nobuo Uematsu est un autre point fort du jeu. Elle accompagne et magnifie les scènes narratives importantes, créant des moments inoubliables. Parmi les morceaux les plus marquants, "Searching for Friends" (utilisé lors du lancement de l’aéronef) est encore aujourd’hui l’un des cinq titres les plus populaires de la série. De plus, l'opéra "Aria" et sa mise en scène restent gravés dans la mémoire collective des joueurs, étant l'une des séquences les plus célèbres de l'histoire du jeu vidéo. Le thème de Terra sera le seul dans l’histoire de Final Fantasy à être à la fois un thème de personnage et un thème de carte, reflétant à la fois sa personnalité complexe et le monde du jeu. Enfin, la musique de combat final, "Dancing Mad", est une pièce monumentale de 17 minutes, tandis que le thème de fin, "Balance is Restored", dépasse les 20 minutes, concluant le jeu sur une note épique. En un mot: sublime.
Conclusion
Avec une bande-son exceptionnelle, des visuels impressionnants et un scénario grandiose, Final Fantasy VI se classe parmi les œuvres les plus marquantes de la Super Famicom. L’interface améliorée, la maniabilité des combats et des menus, ainsi que leur clarté, atteignent des niveaux de qualité parmi les plus élevés des RPG de l’époque. En outre, la liberté d’exploration et les nombreuses possibilités de personnalisation renforcent les éléments déjà appréciés dans les précédents jeux de la série, en les perfectionnant. Bien que certains puissent critiquer l’équilibre du jeu vers la fin, avec des combats où les dégâts deviennent parfois excessifs et des astuces rendant la difficulté moindre, ces défauts ne compromettent pas significativement l'expérience de jeu. Un chef d'oeuvre.