Final Fantasy X
7.8
Final Fantasy X

Jeu de SquareSoft et Sony Interactive Entertainment (2001PlayStation 2)


Just, one more thing... the people and the friends that we have lost, or the dreams that have faded... Never forget them.



On n’oublie pas. Le temps fuit, les années passent mais le souvenir de Final Fantasy X demeure intact. Une simple composition d’Uematsu ou de Hamauzu, et c’est toute l’aventure qui resurgit comme un rêve. Ce jeu, je voudrais le refaire pour la première fois. D’ailleurs, s’il m’était donné ce pouvoir de la redécouverte pour une œuvre — une seule — c’est Final Fantasy X que je choisirais.


Pourquoi cette nostalgie ? Comme si je me remémorais une vie lointaine et révolue. Comment un jeu vidéo peut-il être à l’origine d’un sentiment si profond ?


Je crois qu’il existe des créations qui dépassent leur condition pour se hisser au statut de véritable chef d’œuvre. Des créations pour lesquelles le support n’est qu’un intermédiaire. Le « jeu vidéo » n’est alors plus que le simple vecteur de l’œuvre. Et à mes yeux, l’œuvre de FFX, c’est ce monde qui nous envoute, ces personnages qui nous bouleversent, cette histoire qui nous happe et nous embarque pour un long et beau voyage.


Sur SensCritique, j’ai déjà eu ce débat concernant le media. Peut-on juger un jeu vidéo sans le réduire à son ludisme ? Peut-on l’apprécier sans même parfois, comble de l’hérésie, évaluer son gameplay ? Pour moi, oui. Point de vue pas toujours évident à défendre, pas évident non plus à comprendre. Pourtant depuis FFX — puis d’autres après lui, — c’est une évidence. Car le but de ce jeu, ce n’est pas tant de nous divertir. C’est de nous toucher, de nous remuer. Il vise le cœur. Et s’il y parvient, n’a-t-il pas rempli ses objectifs ?


Faut-il comprendre que le gameplay de FFX est mauvais ? Surement pas. Il est même très bon. L’un des meilleurs de sa catégorie. Simplement, ce n’est pas ce que j’en retiens. Quand je pense à FFX, je ne me rappelle pas un « jeu », mais une aventure, une épopée. Je me rappelle l’indéfectible optimisme de Tidus, gamin projeté dans un monde inconnu, envoutant et inquiétant. Je me rappelle le terrible poids pesant sur les épaules de Yuna, qu’elle porte avec force et une infaillible résolution. Je me rappelle leur voyage empreint de joies et de tristesses. J’ai vécu leur voyage.



You’ll cry, you're gonna cry, you always cry. See? You're crying.



C’est vrai. J’ai pleuré. Pour la première fois sur un jeu. Parce que j’étais jeune, je suppose… La blague ! Je l’ai relancé, plus tard. Et j’ai pleuré à nouveau. Même aujourd’hui, j’écoute Wandering Flame, et je pleure encore. Comme bien d’autres joueurs et joueuses, en réalité. FFX incarne désormais chez beaucoup un véritable déferlement d’émotions, une puissance poétique brute, perforante comme une balle. Elle te traverse, s’inscrit dans ta chair et laisse une trace indélébile. En somme, FFX est le fruit d’un travail si passionné qu’il accouche d’une œuvre dotée d’une âme. Et c’est cette âme qu’elle transmet.


Une œuvre incroyablement dense, et plus ambitieuse encore. Spira s’y déploie, un monde magique et imposant qui frappe par sa beauté sauvage. Un monde cohérent, reposant sur une solide mythologie que l’on découvre peu à peu, à mesure qu’on en démêle les fils adroitement tissés par les développeurs. Et, à l’image de Tidus, plus on découvre Spira, plus on en dévoile les véritables enjeux et l’on prend conscience de la tragédie qui s’y joue. On réalise alors que FFX est un bijou d’écriture et de narration. On sera marqué par son scénario et ses rebondissements oui, mais pas seulement ; on le sera tout autant par ses scènes du quotidien, par la poésie de ces temps partagés et par la sincérité de ce couple fragile et touchant. D’aucuns n’y verront qu’une romance naïve comme ils l’ont fait pour le huitième opus. Pourtant, pour qui a capté l’essence de FFX, difficile d’y repenser sans se remémorer cette dualité omniprésente entre la technologie et la nature, cette opposition violente qui, vingt ans plus tard, n’a toujours rien perdu de sa pertinence. Difficile d’y repenser sans se remémorer la place qu’y tient la religion, fléau et salut tout à la fois, théocratie fallacieuse et puissant symbole d’espoir. Sans se remémorer que le sacrifice, les racines, le libre-arbitre, l’oubli et la mort sont autant de thèmes inhérents à l’œuvre, ancrés dans le monde de Spira.


FFX est un jeu profondément spirituel qui désarme, qui bouleverse, et qui forge.


Il n’a pas l’audace du XII qui lui succèdera, il ne se pose pas en révolutionnaire, mais en traditionaliste qui se conforme à l’habituel système du J-RPG tout en le perfectionnant. Ça n’en fait pas un jeu irréprochable ; quelques premières heures laborieuses, un antagoniste peu convaincant, une technique un brin vieillissante malgré la véritable claque qu’elle fut à l’époque. De menus défauts, factuels, mais bien vite balayés par la force évocatrice de l’œuvre.


Pourquoi cette nostalgie ? n’était évidemment qu’une question rhétorique. Parce que, je le sais bien pourquoi : FFX, je n’y ai pas « joué », je l’ai vécu, je l’ai éprouvé. Tenter d’exprimer par des mots cette expérience, c’est essayer de qualifier l’ineffable. À l’image d’un rêve, Final Fantasy X nous laisse complètement déconnecté, envouté par Spira, par ce monde d’abord étranger qui deviendra un véritable point d’ancrage. Et comme en écho à cette pensée, me viennent inévitablement ces quelques mots suite auxquels le quatrième mur a littéralement volé en éclats :



This, is your world now.


Gilraen
10

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le 7 sept. 2013

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