Shadows of Valentia est un drôle de comparse parmi ses deux autres collègues sur le même support. Remake d'un opus NES sorti en 1992 au Japon seulement, ce Fire Emblem ne s'inscrit pas du tout dans la continuité des mécaniques introduites jusque-là et renouvelle à sa sauce celles définies par le titre d'origine. Résultat rafraîchissant, mais non sans défaut. On y retrouve des tares communes à la série dont elle semble incapable de se séparer après tant de temps.

Les très gentils contre des méchants plus ambigus qu'à l'accoutumée



L'histoire met en scène deux protagonistes dont la région s'est fait envahir par la région voisine suite au régicide commis par le plus proche conseiller du défunt roi. Les deux héros décident de prendre les armes pour leurs propres raisons : Alm, jeune garçon fougueux, s'en va rejoindre la Résistance cherchant à bouter l'envahisseur hors des terres de sa patrie et Celica s'en va au temple de sa déesse en quête de solutions contre l'invasion. Chacun évolue en parallèle de l'autre, avec quelques rares réunions en début et fin de jeu. Le scénario est très classique, et la plupart des renversements se voient venir des kilomètres à l'avance. Certaines des actions de l'héroïne deviennent juste horripilantes lors du dernier chapitre, se jetant à bras ouverts dans les griffes du loup sans moyen de négocier. Les actions de l'empereur responsable de l'invasion laissent aussi à désirer, mais son charisme et son côté moralement plus ambigu allège un peu la lourdeur de l'histoire en comparaison de ses deux prédécesseurs. Coup à l'eau cependant pour le personnage de Berkut, antagoniste neveu de l'empereur dont la fierté mène à sa fin et celle de sa dulcinée. Lui et sa comparse semblaient destinés à une place importante dans le scénario, mais ne se voient relégués qu'au stade de double boss affreusement simple. Dommage, étant donné le nombre de scènes qui les mettent en jeu.



Coup de fraîcheur sensoriel



En remake d'un ancien opus, ce Fire Emblem se sépare drastiquement de la direction prise par Awakening et Fates, que ce soit pour sa présentation ou ses mécaniques. On a droit ici à un tout nouveau style artistique, les personnages sont dessinés avec plus de détails et de nuances dans leurs portraits. Là où Awakening avait un style très anime-esque, les personnages se limitent ici à généralement une couleur principale et parfois une secondaire, sans pour autant perdre en individualité via des faciès variés. Les cinématiques ont cependant pris ici un très mauvais coup en termes de budget et de réalisation. Fini les cinématiques complètement fluides, on se retrouve ici avec du 10fps, avec des modèles 3D aux animations malheureusement trop rigides pour porter l'action. La bande-son a changé de pratique pour cet opus. Awakening et Fates utilisaient deux variantes d'un même thème qui alternaient selon que les unités soient au combat ou au calme sur le champ de bataille. Ici, chaque héros dispose de son thème qui évolue à chaque chapitre quand les personnages sont au calme, laissant place à un thème secondaire pour les affrontements. L'évolution de ces thèmes au cours des chapitres est suffisamment subtile pour montrer l'évolution des enjeux et de la taille du conflit au fur et à mesure que les héros gagnent en assurance.



Nouvelle tambouille, mais toujours aussi exploitable



Concernant les mécaniques, on fait ici fi d'une bonne partie des acquis de la série : plus de triangle des armes, impossible de recruter des unités maniant des haches, plus d'inventaires à 5 emplacements pour les unités mais un seulement, on constate avec surprise que le jeu se joue bien différemment de nos habitudes. Les équipements accordent ici des bonus passifs aux statistiques et permettent d'obtenir des compétences spéciales, mais ne sont pas indispensables pour permettre d'attaquer. Ils peuvent être améliorés auprès de forgerons dans certaines villes explorées via des pièces obtenues en combat sur certains adversaires ou en exploration. Les archers ont ici bien plus de portée qu'à l'accoutumée, pouvant atteindre n'importe quelle cible jusqu'à 5 cases. Les mages quant à eux doivent désormais payer en point de vie chacun de leurs sorts, qu'ils soient de simples attaques ou du support. Chaque mage dispose de différents sorts d'attaques fluctuant les dégâts infligés, portée et précision pour un prix en vie supérieur, pouvant les rendre particulièrement fragiles. Cet opus réintroduit les invocations. Invoqués par groupes de 4 à 6, ils servent de boucliers humains fragiles pour vos troupes, détournant généralement l'attention des adversaires sur eux. Les ennemis en deviennent particulièrement friands au fur et à mesure que vous progressez, et n'hésitent pas à en abuser à répétition jusqu'à ce que vous les terrassiez. Si le nombre de classes a fortement diminué, elles y gagnent en individualité. Certaines d'entre elles sont néanmoins bien plus intéressantes que d'autres. Les archers et magiciens (ces derniers notamment avec l'aide d'un objet très puissant) prédominent le jeu avec des portées déraisonnables en comparaison de leurs collègues. Dans ma partie, j'ai pu oblitérer la section d'Alm de l'avant dernier chapitre avec tout juste une magicienne et un cavalier archer. On constate d'ailleurs une grosse baisse du level design : à l'exception de quelques boss, on a droit à des environnement très ouverts où les ennemis chargent sur le premier venu, le plus souvent dans une tentative de suicide collectif. On a quelque fois le droit à des renversements, avec des maps dans le désert ou le marais avec de fortes contraintes de mouvements ou des attaques nous mettant au centre d'une attaque en pinces. Pour compenser des maps parfois peu inspirées, le jeu regorge d'invocateurs invoquant infiniment des monstres visant à vous ralentir davantage, entraînant de longues sessions où le progrès se fait à pas de mouche. Les maps complexes de Conquête qui mettaient en place plusieurs fronts qui évoluaient avec le temps semblent néanmoins bien lointaines. On peut encore une fois abuser de l'IA et rouler sur toute son armée avec tout juste une ou deux unités, faisant passer le reste de nos troupes pour des figurants. Mention spéciale à ce fort en forme de fourchette où les ennemis s'alignent pour se faire exécuter par nos unités longue portée.


L'une des grosses nouveautés apportées par ce remake est l'introduction de donjons que l'on peut explorer dans des environnements 3D, regorgeant d'ennemis rôdant aléatoirement les lieux. S'ils sont plaisants les premières fois, les combats déclenchés à l'intérieur deviennent très vite pénibles, et la longueur des donjons vers la fin du jeu n'aide en rien ce constat. La seconde nouveauté est l'horloge de Mila, qui permet de remonter le temps jusqu'à n'importe quel étape de la bataille en pleine partie. Avec 3 usages par combat au début du jeu, on atteint d'ici la fin les 11 retours en arrière possibles. On finit vite par en abuser, tellement elle est pratique pour corriger nos erreurs et éviter de perdre 20 minutes à refaire entièrement une bataille. Elle permet aussi de nuancer les unités adverses capables de se téléporter, très imprévisibles. Elle rend cependant le jeu beaucoup plus simple, et l'absence de difficultés bonus après la fin du jeu limite quelque peu l'attrait d'un outil aussi puissant.



La fin de Waifu Wars



Parmi les retraits, on a ici une place très limitée pour les supports entre personnages. Il n'est plus possible de marier nos unités, et chaque personnage n'a un support qu'avec au plus 3 autres personnages, et le plus souvent 1 seul. Ce qui veut aussi dire la fin des pairing et des gosses sortis de nulle part. Il est intéressant de voir le jeu rejeter avec ferveur cette mécanique qui avait pris autant d'ampleur et avait sans nul doute fait la force marketing des deux précédents jeux. À noter que le succès de Shadows of Valentia est très limité en comparaison de ces deux béhémoths, la faute probablement à ce retrait mais surtout à une campagne de marketing presque inexistante.



Conclusion



Fire Emblem Echoes a le bon goût de changer drastiquement de ses prédécesseurs, et offre sans conteste une expérience différente de ce que nous avons eu jusque-là. Il évite la suite facile que s'est révélée être Fates et introduit des mécaniques qui seraient plaisantes à voir dans de futurs opus. Cependant, un level design en dessous des attentes et la possibilité d'abuser aisément du système mis en place laisse un arrière-goût amer. L'histoire n'offre pas grand-chose et la fin est relativement décevante. Toujours est-il que cela fait plaisir de voir un titre plus ambitieux et prêt à faire les choses à sa sauce, en espérant que les ventes plus limitées n’inciteront pas Nintendo et Intelligent Systems à faire du Awakening ad vitam eternam, mais rien n'est moins sûr.

Souv
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le 26 août 2017

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