Dans mon ordre personnel de l’enfer, après les jeux moisis il y a les jeux moisis que tout le monde trouve génial pour une raison totalement mystérieuse. Fire Emblem est de ceux-là. Mon premier contact avec son épisode Awakening avait été froid mais poli. Malheureusement pour son successeur Fire Emblem Fates, je me sens nettement moins conciliant après l’avoir fréquenté quinze trop longues heures.
Vous commencez à connaître mon sytème critique, j’écartèle tout ce qui révèle du ludique avant de me pencher sur la décoration. De ce point de vue-là Fire Emblem est sans surprise. Comme tout genre qui n’a pas évolué depuis vingt ans, son intérêt est proche du néant. Tous les systèmes n’ont qu’une seule vocation, vous donner l’impression de diriger l’armée la plus forte du monde. Pour ce faire le jeu amoncèle des montagnes de merdouilles plus inutiles les unes que les autres. Vous aimez les capacités? Vous pourrez vous vautrer dans une bonne centaine de bidules différents qui augmentent la défense, divisent l’attaque des ennemis, multiplient des critiques, soignent plus vite ou font varier d’improbables probabilités. Vous voulez des armes, des ingrédients, des potions, des items? Vous aurez de quoi vous doucher avec pour les dix prochaines années. Vous voulez réfléchir? Désolé Messieurs-Dames, va falloir changer de crémerie. Ici on fait des packs d’unités et on attend que les ennemis se jettent dessus. Après deux ou trois missions, votre armée devrait être suffisamment gavée de points d’XP pour rouler sur le reste du jeu les yeux fermés. Tous ces efforts pour nous désintéresser du jeu doivent bien avoir un sens. C’est alors que je me suis dit que l’intérêt devait se trouver dans l’histoire.
Pour ce qui est de la narration traditionnelle (entendez avec des cinématiques), malgré l’appel à un auteur de manga reconnu, son déroulé est à peu près aussi surprenant qu’un épisode de Goldorak. En gros, le méchant est très méchant et les gentils sont très gentils. Contrairement à ce que vous dit la publicité, ce ne sont pas les deux versions du jeu qui viennent y changer grand chose: que l’on choisisse l’une ou l’autre, le méchant est toujours le même et l’on tape dessus pour approximativement les mêmes raisons. Non, ce qui devrait être intéressant dans Fire Emblem Fates c’est la narration émergente. Depuis l’épisode Awakening, la série se donne des airs d’Hélène et les Garçons, ce qui n’est pas pour me déplaire tant Persona 4 avait su chambouler durablement mon petit coeur d’adolescent. Fidèle à son prédécesseur, Fates permet de jouer les entremetteurs de notre petite armée. Les unités combattant côte à côte construisent au fil des combats une relation amicale pouvant à terme déboucher sur une romance, voir une petite famille avec enfants à la clé. Une charmante structure qui se veut un support à une narration émergente sympathique à défaut de révolutionnaire. Dans un premier temps du moins, car rapidement l’historique système de mort définitive propre à la série vient lui faire un croche-patte envoyant tous ces beaux efforts les dents en avant sur le tapis.
Ma petite histoire personnelle me mettait dans la peau d’une rousse flamboyante aussi intense en combat qu’en amour. Rapidement, elle s’est éprise d’un ami d’enfance oublié, revenu à ses côtés pour tuer tous les méchants (oui, on compose avec ce qu’on a). Au fil des missions leur complicité grandissante semblait les mener tout droit vers un amour n’ayant d’autre limite que l’horizon. Malheureusement, l’élu de son coeur décéda brutalement en sauvant la veuve et l’orphelin. Alors que mon héroïne sombrait donc dans des abîmes de tristesse, je me réjouissais de ce rebondissement plutôt sexy généré par le gameplay. Seulement voilà, narration traditionnelle oblige, mon bien-aimé s’est mis à ressusciter régulièrement le temps d’une cinématique, niant simultanément mon deuil et mes efforts narratifs.
Alors j’entends d’ici l’habitué de la série me rappeler que les personnages ne meurent pas mais sont blessés. Un argument auquel je répondrais par une question: « Certes cher ami, mais alors comment expliques-tu dans ce cas que ma belle rousse ne puisse pas poursuivre sa romance malgré ces blessures? ». Finalement, devant l’obligation à justifier cela par une aversion aiguë et soudaine des handicapés, je me suis abandonné à l’envie lancinante qui me tiraillait depuis dix bonnes heures: j’ai jeté l’éponge.
Comme dit le proverbe: faisons contre mauvaise fortune, bon coeur. Certes ces longues heures passées en compagnie de Fire Emblem Fates ne m’ont malheureusement apporté aucun indice sur le plaisir que l’on peut éprouver à y jouer. Par contre, je dois avouer être rassuré de constater qu’au vu de son design sans queue ni tête, les créateurs du jeu aussi n’ont pas l’air d’en avoir la moindre idée.
Publié sur: uncoindepixel.ch