Tired Emblem
Entre les temps de chargement aussi interminables que les dialogues, et ces derniers étant aussi insipide que les phases d'exploration du monastère, il n'y a pas grand chose à sauver de ce Fire...
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le 13 oct. 2019
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Jeu de Intelligent Systems, Koei Tecmo Games et Nintendo (2019 • Nintendo Switch)
Après avoir vécu une nouvelle ère couronnée de succès sur la 8ème génération de consoles avec les épisodes inédits et remakes de la 3DS et l’épisode mobile Heroes, la saga de Tactical-RPG Fire Emblem se poursuit tout naturellement sur Switch et dans la continuité de Fates avec pour concept central une campagne divisée en 3 grands embranchements, cette fois-ci sur une seule cartouche d’office par ailleurs. Le passage d’une génération à une autre, la confiance dans le succès potentiel du titre et le concept ambitieux sont autant de facteurs qui permettent d’expliquer pourquoi ce jeu fut l’un des premiers titres pour lesquels j’ai eu envie d’une Switch dans l’espoir d’y voir un nouveau pallier qualitatif pour la franchise en grande forme.
Je vous propose de découvrir si le jeu fut à la hauteur de mes attentes en écoutant la version complète de The Apex of the world.
Le principe narratif de 3 campagnes associées chacune à une civilisation du monde dans lequel nous évoluons est au cœur de la proposition scénaristique et narrative avec le choix de la faction à suivre pour notre protagoniste dès la première heure de jeu alors que la paix de cet univers semble bien fragile. La promesse est ultra-alléchante en s’inscrivant dans la continuité de la saga tout en élevant toujours plus haut ses ambitions, même si le défi reste de taille pour un trio de scénaristes issu de Fire Emblem Warriors et pour lesquels c’est ainsi le premier Fire Emblem canonique, et ça se sent à plus d’un titre.
Le concept de l’école réunissant les différents protagonistes des civilisations et accordant à notre personnage le rôle de nouveau professeur est plutôt une bonne idée mais je ne la trouve pas très bien exécutée. Je regrette un peu le manque de cohérence sur l’idée de départ faisant que notre jeune personnage se retrouve professeur alors que son manque d’expérience devrait en faire un élève, apprenant autant que les autres pour plus de cohérence, justifiant toute la découverte de l’univers… Là, Byleth peut enseigner dans des domaines dans lesquels ses statistiques sont nulles, n’est pas beaucoup plus forte que ses jeunes compères… ça ne colle pas vraiment.
Ce ne sont d’ailleurs pas les seules incohérences qui entacheront le récit, le pouvoir de remonter le temps de Byleth lui permettrait par exemple d’empêcher bien des événements tragiques du récit et il n’y a pas toujours les justifications scénaristiques nécessaires pour comprendre pourquoi la tragédie se produit de toute manière. Le fait de voir le positionnement des unités au tout début d’une mission avant de voir les dialogues expliquant le contexte ayant amené à tel ennemi, telle situation… est une autre erreur de narration maladroite et un peu idiote tant il aurait suffi de déclencher la cinématique avant la préparation de la bataille. Même si ça ne spoile jamais rien de très important, ça suffit à démontrer à mes yeux un manque de maîtrise certain.
La romance semble quant à elle avoir été intégrée au chausse-pied, comme pour répondre à un cahier des charges en raison des épisodes précédents, mais elle est ici tellement anecdotique qu’elle en devient ridicule. Les nombreuses relations d’amitié entre deux persos jouables hors Byleth semblent quant à elles avoir été conçues comme des romances par moment avec des tensions romantiques qui n’aboutissent jamais. J’ai vraiment l’impression d’un travail à moitié fait. Ce n’est pas dramatique mais j’aurais aimé soit un travail complet sur la question pour se hisser au moins au même niveau que les meilleures références passées, soit un choix plus assumé avec le retrait de ce système, d’excellents Fire Emblem en ont déjà fait abstraction.
Si la possibilité de choisir une civilisation et donc toute une campagne est extrêmement importante, les différents choix de dialogue sont le plus souvent parfaitement fictifs pour influer réellement sur la trame principale, ils influent juste légèrement sur l’affinité qui nous lie à certains personnages qui pourront se tisser autrement de toute manière. Pour les campagnes en elles-mêmes, elles réservent leur lot de moments tragiques de bonne facture, quelques retournements de situation bien sentis et le minimum de souffle épique que l’on peut en attendre. Cependant, elles peuvent être aussi par moment d’un classicisme presque rétrograde pour la franchise avec des parcours émotionnels très archétypaux dont les éléments perturbateurs sont assez brusques et sans subtilité.
Ça se suit plutôt bien mais nous ne sommes pas du tout sur un sans faute. De plus, l’extrême durée nécessaire pour tout faire, environ 200 heures de jeu hors extension, nuit au rythme de l’ensemble, mais là c’est vraiment le concept qui l’induit, je ne connais pas de jeu bien rythmé scénaristiquement sur une telle durée, je ne vais donc pas trop le reprocher malgré que je dois avouer ne pas être allé jusqu’au bout. Je reprocherai peut-être un peu plus la sous-exploitation de l’idée de plusieurs campagnes révélant des informations à assembler pour reformer le puzzle global, les campagnes ont plutôt tendance à explorer des directions différentes et ne s’entrecoupent pas tant que ça, même si je reconnais cet exercice très difficile là encore.
En revanche, l’une des plus grandes forces scénaristiques de Three Houses est son casting efficacement resserré autour d’une trentaine de personnages jouables, permettant à Fire Emblem de retrouver une excellente qualité d’écriture bien homogène qui était devenu impossible avec la surpopulation des précédents opus, Fates en tête qui contenait le double de persos jouables, ça sauve la plus grande partie des problèmes précédemment cités car ça occupe une place première dans l’ensemble des dialogues du jeu et là pour le coup d’une réussite incontestable avec une réelle progression prenant en compte les erreurs et limites du précédent opus. Si je n’ai pas été particulièrement élogieux sur l’ensemble de ces points malgré des qualités réelles, j’ai bien peur que ce ne soit que le début.
Je ne vais pas trop revenir sur les bases du système de jeu qui sont très bien établies depuis un moment dans la franchise. Pour faire simple, elles sont bien là et garantissent à elles-seules une expérience de jeu qualitative et confortable mais certains petits défauts récurrents à la formule persistent par contre et malgré le changement de génération. Je peux citer comme exemples le comportement suicidaire de notre allié provoquant la défaite alors qu’il lui aurait suffi d’attendre sagement que je fasse le boulot, l’ennemi attaquant systématiquement même quand il ne peut faire aucun dégât et que l’embuscade tendue est évidente, notre personnage qui ripostera automatiquement s’il le peut même avec une arme sans effet et du coup l’abîmant inutilement, les astuces parfaitement sans intérêt avec des captures d’écran de la première heure de jeu répétés en boucle sur les écrans de chargement après des centaines d’heures de combat…
Mais ça je m’y attendais et ce n’est pas un vrai problème, concentrons-nous sur les spécificités de cet épisode. En ce qui concerne le système de progression, les certificats, soit les classes de personnage, laissent beaucoup de liberté, plus qu’à l’accoutumée, dans l’évolution de nos combattants avec beaucoup de progressivité. Ça me va très bien dans l’idée mais j’aurais aimé plus de diversité pour les classes dites suprêmes, celles de haut niveau, que je ne trouve pas suffisamment nombreuses. Une idée intéressante qui manque de maîtrise ? C’est assez à l’image de l’ensemble.
Parmi quelques choix forts, Three Houses a considérablement mis en retrait le principe de triangle des armes, et c’est très bien que la formule centrale soit bousculée / remaniée de temps à autre, et en a profité pour ajouter une toute nouvelle catégorie d’armes : les gantelets. Elle récompense largement l’initiative au combat plutôt que le contre. Ça a le mérite de changer un peu la formule sans non plus apporter un déséquilibre trop important, donc pourquoi pas ? Mais pour être franc, ce n’est pas la façon de jouer la plus efficace et j’ai assez vite mis de côté cet armement dans mes parties, notamment les plus difficiles, d’ailleurs…
L’équilibrage ne m’a pas permis d’avoir une difficulté idéale pour moi. En difficile, il m’a fallu attendre la toute dernière mission d’une campagne pour que je sois réellement mis à l’épreuve et beaucoup de missions secondaires ne présentait aucune forme de challenge. En expert, la toute première partie du jeu m’a été quasiment impossible, puis la difficulté s’est fortement atténuée jusqu’en moitié de partie hors pics lors des quêtes secondaires, assez curieusement, avant d’atteindre de nouveau des sommets qui m’ont découragé avec des statistiques tout simplement délirantes. Le juste milieu n’existe pas à mon niveau, vraiment dommage.
De plus, si quelques cartes sont très bien travaillées avec des événements dynamiques modifiant le level-design durant la partie, comme la bataille des 3 qui exploite très bien le concept de 3 armées s’affrontant simultanément, réserve des surprises avec des pièges tendus jamais vus jusqu’ici… La plupart sont des cartes de jeu de petite taille et sans grandes particularités en dehors des variations de topographie très classiques avec les bâtiments, forêts… et ça saute vraiment aux yeux quand les quêtes tertiaires, j’entends par là non scénarisées, nous y ramènent encore et encore, une cruelle déception pour le coup qui se mêle si mal à la durée de vie du titre.
Pour les défauts plus secondaires mais qui témoignent bien du manque de qualité de la proposition dans sa globalité, plusieurs quêtes à l’école sont d’un intérêt ludique tout simplement nul, consistant à ramasser un objet pour un personnage alors que c’est à littéralement 3 mètres devant lui et que nous y amener est parfaitement inutile. Mais quand on commence à s’attarder sur ces détails c’est que l’on a plus grand-chose à dire, je vais donc passer à ce qui m’a le plus déçu, parce que oui jusqu’à maintenant nous étions dans la partie la plus positive de cette critique et ça me désole.
L’apparition à l’écran de PNJ après plusieurs dizaines de secondes, le tremblement de l’image sur les textes lors des mouvements de caméra, le moteur de collision des plus sommaires quand il nous fait l’honneur de sa présence, des animations faciales on ne peut plus basiques, des temps de chargement notables entre les sessions d’un environnement en 3D pourtant pas bien grand, des arrière-plans lors des dialogues de très basse résolution, des micro-saccades quand les maps sont trop chargées, des chevauchements de texture sur les modèles 3D… les carences techniques ne manquent pas pour un bilan technique à la limite de l’acceptable pour un jeu de 2019, même pour la Switch.
Même les cinématiques ne volent pas bien hauts pour compenser, elles sont très peu animées avec un style de dessin que je trouve assez peu détaillé dans des décors souvent en plan serré ou simplement vides, même pour des moments assez importants de l’intrigue. Seules quelques rares idées de mise en scène y sont intéressantes avec la vue subjective d’un personnage que l’on exécute, bien peu de choses pour justifier la contrepartie principale à ces cinématiques, c’est qu’il est impossible de personnaliser l’apparence du, ou de la, protagoniste. De jolis artworks parfaitement fixes auraient été presque plus appropriés à ce compte-là, il n’y a qu’à voir la qualité des artworks finaux de certaines romances qui eux valent le détour, même si ce n’est même pas le cas pour tous, et qu’ils sont aussi un peu dissonants avec le reste.
En effet, entre les modèles 3D, les portraits en haute-définition, les icônes façon pixel-art et les modèles animés lors des cinématiques, le chara-design est un peu éclaté et c’est bien dommage car la qualité des portraits en haute-définition est bien au-dessus du reste à mes yeux. J’aurais préféré un style qui les aurais mis davantage en avant, même comme a pu le faire très modestement Heroes sur mobile quelques années plus tôt. C’est tout de même dramatique de prendre en référence un jeu mobile pour montrer les limites d’un jeu sur une console se prétendant quand ça l’arrange console de salon.
Et ce n’est pas du côté des environnements que le niveau sera particulièrement relevé en raison d’une direction artistique très commune pour une grande partie d’entre eux, efficace certes, sans fausse note mais avec beaucoup trop de prairies, forêts et villes au détriment de décors plus exotiques. Les Fire Emblem nous ont habitué à des voyages plus mémorables à mon sens. Il en va de même pour les créatures surnaturelles qui ne sont pas très originales dans leur design par rapport aux standards de la franchise, idem pour les armes et les tenues pas spécialement différentes d’une faction à l’autre.
Tout n’est pas à jeter non plus sur le plan technique, le soin du détail peut tout de même être apprécie ici et là, comme avec les animations en combat des personnages les plus importants qui sont bien distinctes des autres et en lien avec la personnalité qui s’y rattache, Claude s’amusant à faire tourner sa flèche en accord avec son attitude nonchalante, Edelgard maniant élégamment sa hache comme pour refléter sa noblesse alors que Dimitri dresse sa lance aussi sèchement que son caractère intransigeant. C’est bien peu pour se consoler de toutes les limites précédemment évoquées.
Si les partitions très électro de certains thèmes, incluant le thème d’introduction mais pas seulement, peuvent surprendre, le registre épique de l’OST est tout à fait réussi et les cœurs mystiques fonctionnent très bien pour conférer une identité au thème principal au sein de la saga, comme ceux que je vous ai proposé en écoute pour cette critique. Mais franchement, là encore bien d’autres épisodes de la franchise m’auront bien plus marqué avec des thèmes bien plus mémorables. Passons à la conclusion si vous le voulez bien, cette critique m’est assez pénible
Si tous les ingrédients semblaient réunis pour un grand festin, Three Houses me laisse sur ma faim malgré sa générosité et ses qualités. Rendu presque indigeste par une durée de vie dantesque, s’embourbant dans une recette narrative trop ambitieuse, mis à mal par une présentation des plus bancales, ajoutant des ingrédients finalement peu savoureux… Si j’ai tout de même apprécié l’expérience globale en raison de la base toujours aussi solide de ses mécaniques de jeu, d’un chara-design aux fulgurances toujours aussi plaisantes et de qualités scénaristiques indéniables par moment, la sauce n’a pas pris comme je l’espérais. Et oui, à force d’engloutir 10 repas par jour pour discuter avec tous les alliés, je ne pense plus qu’avec de la nourriture.
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Créée
le 2 sept. 2023
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