SPOILER ALERT
Les simulateurs de randonnée ont le vent en poupe du côté indé. Faisant souvent fi du gameplay, ces jeux misent avant tout sur leur univers et leur narration pour marquer les esprits.
Firewatch s'inscrit particulièrement bien dans cette mouvance, et parvient à se hisser dans le haut du panier. Son esthétique particulière, usant d'aplats de couleurs, de modèles simples et de jeux de lumière soignés, nous plonge sans tarder dans l'ambiance à la fois belle et oppressante d'un parc naturel américain.
Nous sommes Henry, homme déchiré par la destruction progressive de l'embryon de famille qu'il avait tenté de construire avec sa femme Julia, atteinte d'Alzheimer. C'est lorsque sa femme est ramenée en Australie par ses parents qu'Henry décide de partir travailler dans une firewatch, ces miradors servant à surveiller les forêts et à prévenir les incendies. Isolé, il va devoir surveiller en permanence les alentours durant tout l'été. Pour l'aider dans sa mission, Delilah, une autre surveillante, va lui indiquer la marche à suivre chaque jour via talkie-walkie.
Henry est rapidement confronté à une succession d'événements étranges. L'intrigue vous fera douter en permanence pendant la première moitié du jeu, vous faisant hésiter entre les hypothèses d'enlèvements extraterrestres, de surnaturel, de complot, de criminel(s)... La région dans laquelle se déroule le jeu est peu étendue (malgré l 'impression qu'on peut en avoir au début) mais elle a été suffisamment travaillée pour nous faire découvrir ses secrets tout au long du jeu. L'ambiance naturelle est très bien rendue, et on se prend à guetter le moindre élément suspect, sonore ou visuel, permettant de faire avancer notre compréhension de l'histoire. A ce titre, le jeu se rapproche de The Forest pour son atmosphère anxiogène et très naturelle.
La relation avec Delilah se construit très efficacement à travers la communication quasi-constante des talkie-walkies, vous proposant généralement des réponses multiples (n'ayant apparemment pas d'impact sur le scénario). Firewatch se rapproche de Walking Dead (Telltale) pour l'efficacité de son écriture et la vraisemblance de ses dialogues, permettant de caractériser parfaitement des personnages qu'on ne verra pas une seule fois du jeu (ou presque). En effet, jusqu'au dernier instant Henry évoluera seul dans la forêt, ne voyant jamais le visage de quiconque. Cet effacement des visages n'est pas sans rappeler la maladie de sa femme, et l'homme seul dans sa tour semble oublier peu à peu le reste du monde, plongé dans son introspection et dans la résolution des événements dont il est le témoin.
Malheureusement le scénario perd en intensité vers le milieu de l'aventure, alors que petit à petit la menace qui plane sur nous semble se préciser. Firewatch réduit alors nos hypothèses à peau de chagrin, nous faisant tout à coup sentir sa construction en couloirs. Là où nos errances laissaient la place à la réflexion dans la première moitié du jeu, la simplification apparente du scénario nous fait prendre conscience du level design. Beau mais répétitif à souhait et construit uniquement en une succession de quelques couloirs, le jeu nous oblige régulièrement à revenir sur nos pas, escalader et descendre sans cesse les mêmes corniches, etc. D'où un sentiment de lassitude lié à l'exploration qui survient en synchronisation totale avec le relâchement de l'intrigue. On ajoutera à cela l'inutilité de la majorité des objets que l'on trouve : pierres, balle de baseball, bidon de détergent... Tout est manipulable, tout est inutile. Pourquoi avoir rendu ces objets interactifs si le joueur ne peut rien en faire ? Il n'y a pas la plus petite trace d'un système de crafting (ce qui est justifié) mais la présence de ces nombreux objets est un vecteur de frustration.
Tout s'achève après 4/5h de jeu. Nous étions arrivé 80 jours auparavant au pied de cette tour qui se découpait sur un magnifique ciel étoilé, la forêt baignée par la lune ; nous repartons en plein jour, dans la fumée et les craquements du bois. Le personnage n'est pas certain d'avoir trouvé une réponse aux problèmes qui l'agitent ; Delilah apparaît brisée, elle qui était si enjouée au début de l'aventure. Il n'y a aucune raison de revenir ici : basé uniquement sur son intrigue, ne proposant aucun embranchement scénaristique, Firewatch se consume dans ses derniers instants. Nous avons vécu l'expérience qu'il avait à offrir, il est temps de partir.