Le TPS, ou jeu de tir à la troisième personne, est un genre de jeu populaire ces dernières années mais il n’est pas apparu de nul part. Si Max Payne ou Resident Evil 4 le précèdent, la saga Gears of War de Cliff Bleszinski et plus particulièrement son premier épisode est souvent cité comme l’un des pionniers du genre dans sa démocratisation. N’ayant jamais eu de Xbox 360, ce n’est qu’avec beaucoup de retard que je m’attaque aux Locusts avec le frère d’armes Francisravage que je salue au passage. Pour information, c’est à la version console originale à laquelle j’ai joué et non à la remasterisation, en coop local tout du long. La critique étant longue, je vous propose d’écouter le thème principal du jeu pendant la lecture.
GAMEPLAY / CONTENU : 6 / 10
Populariser tout un genre de jeu et en indiquer une nouvelle direction à suivre pour tous ceux qui voudront s’en inspirer n’est pas chose facile mais c’est bien là ce que j’attendais de ce Gears of War auquel on attribue tant de mécaniques désormais fondamentales telles que le cover system (même si Kill Switch de Namco en arborait déjà un 3 ans avant) qui laisse la possibilité de se planquer derrière un abri en plein combat, de tirer en restant un peu planqué... Ça marche ici déjà très bien, les abris sont plus ou moins fiables en toute logique avec des éléments destructibles plus ou moins rapidement, on peut intuitivement se mettre à couvert ou s’en dégager avec une ergonomie efficace... c’était une mécanique intelligente et bien exécutée alors qu’elle était loin d’être un standard à l’époque.
Ce n’est d’ailleurs pas la seule mécanique originale et pertinente sur laquelle le jeu peut compter puisque le rechargement d’une arme devient une mécanique de jeu plus poussée que d’habitude avec le rechargement rapide qui enraye l’arme si mal exécuté ou accorde un bonus s’il l’est parfaitement. Toujours dans les points forts, on peut citer au moins une grande idée par acte du jeu pour une aventure assez diversifiée dans laquelle on ne se contente pas de se déplacer et de tirer sur une succession de vagues ennemis. On doit par exemple utiliser des sources de lumière pour se protéger d’ennemis n’attaquant que dans le noir, alors petit à petit on doit créer nos propres sources en déclenchant des explosions, puis la coop est habilement mise à profit en demandant à un joueur d’éclairer le copain au projecteur pour qu’il puisse progresser et débloquer le chemin... Il y a quelques idées comme celles-là qui s’avèrent très efficaces.
Il y aussi des problèmes malheureusement. La rigidité des mouvements induit une certaine difficulté que l’on a réduit après avoir découvert la petite option permettant d’améliorer la sensibilité de la visée au joystick pour compenser. Néanmoins, le jeu est loin d’être facile et j’irais même jusqu’à dire que son mode intermédiaire nommé vétéran est trop difficile avec des ennemis de base tellement résistants que j’avais l’impression d’essayer de les abattre avec un pistolet à billes. On a donc du finir le jeu en mode facile dit recrue alors qu’on était deux et qu’on ne manque ni l’un ni l’autre d’expérience dans le genre. J’ai déjà terminé seul des TPS au niveau de difficulté maximale et j’ai été un peu déçu de ne pas trouver un mode normal bien calibré, là c’est soit trop facile, soit trop difficile et dès Gears of War 2, que j’adore, je ne retrouverai plus ce problème, donc c’est bien un soucis propre à ce Gears 1.
Plus objectivement, j’ai trouvé qu’il y avait un manque de lisibilité assez important dans certaines zones où l’on voit très mal les ennemis à combattre ou le chemin à emprunter. Certes on jouait en écran splitté mais à un jeu pensé pour la coop et sur une grande télé donc il n’y a pas d’excuse de ce côté-là. Les objectifs ne sont également pas très clairs pour progresser avec par exemple une porte simplement d’un marron plus clair que les autres devant laquelle on passe trois fois avant de se rendre compte que celle-ci on peut la défoncer, ça plombe inutilement le rythme du jeu et c’est arrivé bien plus d’une fois.
L’IA alliée est également aux fraises, car même en jouant avec un pote on se coltine des bots vraiment pas futés qui peuvent aussi bien foncer tête baissée dans le tas et nous contraindre à leur porter secours pour ne pas être frappé d’un game over, ou ne pas réagir et rester bêtement devant un locuste qui n’y prêtera pas plus attention que ça, c’est assez drôle à voir mais c’est surtout pas très bien fichu. Le gameplay est innovant et globalement réussi, le contenu dans la moyenne de ce genre de jeu mais il y a quand même pas mal de petits défauts ici et là qui une fois accumulés empêchent le jeu pour moi d’être vraiment abouti sur ce point. Ajoutez à cela la difficulté qui ne m’a pas convenu...
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 6 / 10
Gears of War est l’un des tout premiers grands jeux de la septième génération de console et je considère le jeu plutôt joli ayant ce contexte en tête, notamment au niveau de certains décors à l’image des cavernes de l’acte 3 qui offrent quelques très beaux plans. Que ce soit les reflets sur les surfaces mouillées, les sources du lumière dans la nuit, le niveau de détail des textures, la modélisation des visages, le démembrement des ennemis... le jeu a un rendu visuel toujours convaincant aujourd’hui et j’imagine que c’était une sacrée claque en 2006 qui était encore bien ancrée dans la génération précédente.
Il y a tout de même bon nombre de soucis techniques qui ont du mal à passer. J’ai eu l’impression de jouer à un jeu non fini à plus d’une reprise avec un bug de script qui empêchait purement et simplement la progression sans provoquer un respawn, une sortie de mon personnage de la map après une cinématique qui ne s’est résolu que par ma mort incompréhensible... Il y a également des problèmes de mixage audio sur certaines cinématiques où l’on n’entend tout simplement pas les dialogues parce que les bruitages ou la musique sont trop forts et même en essayant d’ajuster dans les paramètres le problème demeurait.
Je suis tout aussi partagé sur l’esthétisme du jeu qui a de belles choses à faire valoir avec un bestiaire qui a de la gueule, de l’identité, une certaine taille imposante des fois... Le ton assez grisâtre dans la palette de couleurs très marqué au début de l’aventure laisse place à des couleurs plus vives de temps à autre dans les décors qui suivent et ça marche très bien. J’ai bien apprécié parcourir un petit jardin aux belles plantes après m’être tapé du béton et du béton, le contraste a assez bien marché.
Pourtant, il y a des choix esthétiques auxquels j’adhère un peu moins, notamment le chara-design de nos soldats qui ressemblent à des gros balourds aux gueules cassés pour montrer à quel point ils sont badass. Là ça ne marche plus du tout pour moi et je les trouve tous autant qu’ils sont plus grotesques qu’autre chose dans leur armure de cinq tonnes qu’ils ne quittent jamais (contrairement aux Terrans d’un Starcraft par exemple). C’est quand même dommage parce qu’on les voit très souvent ne serait-ce que par le style de caméra à l’épaule. Ça serait mieux passé si le jeu assumait un côté nanard mais il se prend très au sérieux donc non.
Pour terminer sur une note positive sur la question, les musiques accompagnent efficacement l’action bien nerveuse la plupart du temps et parfois les passages qui se veulent un peu plus anxiogènes, même si elles ne se déclenchent ou ne s’arrêtent pas toujours avec le bon timing mais je relie ça au problème de mixage audio cité plus tôt. Quant aux bruitages, ils sont également très percutants avec la fameuse tronçonneuse ou plus simplement les impacts de nos coups de feu ou les cris poussés par les ennemis qui offrent de bons feedbacks. Mais malgré tout ça, ça reste un bilan technique et esthétique assez mitigé que j’en retire.
SCENARIO / NARRATION : 4 / 10
Débuter une saga c’est un sacré challenge, il faut présenter un univers pour bien en comprendre les enjeux, des personnages auxquels s’attacher pour vivre le récit à fond, une intrigue bien menée avec des rebondissements ou des événements marquants... sans pouvoir s’appuyer sur un travail préalable ni oublier d’en garder sous le pied pour les éventuels suites. Ça a beau être difficile, ça doit être fait, ou alors il ne doit tout simplement pas y avoir de scénario. Gears of War 1 se plante lamentablement sur tout ces points et sans rien en attendre de particulier, j’ai été très déçu par ce constat.
Je n’ai rien compris aux raisons du conflit entre Locusts et humains par cet épisode, je n’ai rien ressenti à la mort de plusieurs personnages que je n’arrivais même pas à identifier, je n’ai trouvé aucun charisme au personnage que j’incarnais, je me suis sans arrêt demandé de ce que je foutais à tel endroit et quel était le sens de ma mission... Je n’ai pourtant passé aucun dialogue, je me suis intéressé au truc, j’ai essayé de comprendre, j’ai revisionné des cinématiques après des sessions de jeu mais il y a rien eu à faire. J’ai trouvé le scénario et la narration d’une pauvreté et d’une maladresse affligeante.
Encore une fois, on peut avoir un scénario simpliste dans un jeu qui veut mettre en avant d’autres choses, mais dans ce cas-là on l’assume jusqu’au bout et le peu qu’on fait on le fait proprement. Ici, j’aurais bien vu une petite mise en contexte rapide en début d’aventure pour nous dire on est sur telle planète et on combat telle race d’extra-terrestre qui a juré d’éradiquer l’humanité, on montre un massacre de civils au début pour diaboliser les ennemis et le reste suit son cours avec nos soldats qui se battent pour venger leurs disparus, protéger l’humanité ou je ne sais quoi et c’est fini. Même ça Gears of War premier du nom n’y parvient pas du tout.
Et puis le cliffhanger tout pourri où on entend un Locust balancer une phrase ultra-cliché en mode ce n’est pas fini pour teaser une suite c’est aussi d’assez mauvais goût. Pourtant, je crois que c’est ma réplique préférée parce que c’est la seule que j’ai noté qui pose simplement la question au joueur : pourquoi est-ce qu’on se fait la guerre entre Locusts et humains. Dans un Starship Troopers par exemple, on pose des thématiques intelligentes de la sorte en décrivant une humanité colonisatrice en quête de domination car se croyant supérieure à une espèce extra-terrestre qui ne compte pas se laisser faire, c’est simple et ça permet de dresser une critique intelligente sans une seconde alourdir un récit dont on ne pourrait pleinement profiter du pan pan boum boum.
Je sais très bien que certains d’entre vous ne comprendront pas pourquoi j’y accorde tant d’importance mais encore une fois, s’il y a un scénario, des cinématiques, des dialogues... ils doivent être a minima de qualité dans le registre pour lequel ils s’inscrivent, là ce n’est pas le cas. Je ne demande pas à ce que ce soit ultra riche en détails là où le jeu ne s’y prête pas, juste que le peu qui soit fait le soit bien. Un dernier défaut c’est qu’on ne peut pas opter pour la VO dans les options. Heureusement, il y a la voix française d’Al Pacino pour Marcus qui sauve énormément le truc en ce qui me concerne puisqu’Al Pacino est mon acteur préféré, enfin ça fait pas tout quand même.
CONCLUSION : 5 / 10
Bien que j’attendais pas mal de ce premier Gears of War à force d’en entendre parler comme d’un incontournable de son genre, je ne pense pas avoir eu d’attentes déplacées et si plusieurs de mes reproches sont d’ordre vraiment personnel (accorder de l’importance au critère du scénario, ne pas avoir trouvé la difficulté adaptée à mon style de jeu...) d’autres me semblent bien plus objectifs et j’avoue ne pas comprendre le succès critique de ce premier Gears of War. Pour moi, c’est un TPS avec de bonnes idées mais dans l’ensemble très moyenne gamme même par rapport à un Resident Evil 4 sorti plus tôt. Je lui préfère largement ses deux suites qui corrigent beaucoup de ces défauts.