L’avantage du jeu vidéo quand on veut faire une critique, c’est qu’on a tout le temps de jeu pour réfléchir à ce qui va et ce qui ne va pas. C’est dire qu’au bout de 35h de jeu, je pense être capable d’écrire une critique honnête vis-à-vis de ce God of War Ragnarok.
D’abord, ma relation avec la saga ? J’ai tenté les deux premiers sur un portage PS3, j’ai pas du tout accroché. La formule beat’em up n’a jamais fonctionné sur moi et j’ai vite lâché les jeux tant je peinais à y passer plus d’une heure à chaque fois. Ça a beau être un défouloir, la sauce ne prend pas (pourtant, dieu sait que j’avais envie de suivre l’histoire mais ces phases de gameplay me rebutaient). Le volet 2018 ? Joué sur le tard en 2022. J’ai eu du mal au début et petit à petit, j’ai adoré. J’étais capable d’enchaîner des sessions de 3h (rare chez moi) et malgré son level design répétitif, force est de constater que tout le reste marchait à fond la caisse. Histoire, doublage, musique, technique, même le gameplay des bastons me plaisait avec pas mal de possibilités dans les attaques et les armes. Bref, petit coup de cœur qui m’a donc convaincu d’acheter le fameux GoW Ragnarok dès sa sortie.
Et du coup, le Ragnarok, qu’en est-il ? Mmmh…partagé (dit le mec qui vient quand même de foutre 8/10).
Autant, il y a beaucoup de bonnes choses à tirer du jeu, il est dans la parfaite continuité du volet précédent et parvient à le surpasser en tout point, autant, il y a aussi l’effet redite (surtout quand on a fait le précédent volet il y a moins de six mois). Quand on regarde ce qu’apporte Ragnarok en matière de nouveauté, c’est peu. J’ai cru entendre que le développement du jeu s’est fait dans la douleur. Je n’en sais pas plus mais c’est déjà un bon indice pour comprendre les torts de ce triple AAA.
Les torts donc, ils viennent principalement du rythme, du level design et des combats.
Le rythme parce que c’est le putain de Ragnarok et que le jeu nous ballade de mcguffin en mcguffin pour repousser le final encore un peu plus. C’est lié au fait qu’il s’agisse d’un jeu narratif mais du coup, on se retrouve souvent embarqué dans des péripéties qu’on a pas spécialement envie de suivre. Évidemment, la narration pose des fusils de Tchekhov à droite à gauche, prépare le terrain, complexifie des relations et enrichie les personnages aussi bien principaux que secondaires et ce, pour un final épique… mais c’est souvent au détriment du plaisir de jeu.
Typiquement la séquence où on incarne Atreus à Jothuneim qui accompagne Angrboda dans ses tâches quotidiennes allez-vous faire foutre.
Autant, c’est un compromis que j’accepte dans des jeux comme Metal Gear Solid ou The Last of Us parce qu’on est là pour l’histoire, le gameplay est souvent relégué au second plan (ce qui n’est pas une qualité, mais le joueur sait d’avance à quoi s’attendre). Mais dans GoW, ça passe moins, on incarne quand même des dieux de la guerre qui détruisent tout sur leur passage. Tuer des monstres, okay, faire le jardinage, non merci.
Le level design quant à lui souffre de répétitions. Trop souvent les mêmes énigmes, surtout vis-à-vis du jeu de 2018. Les nouvelles capacités n’y changent rien voire rendent certains passages chiants. Par exemple, on acquiert au fil du jeu les flèches sigillaires qui permettent de créer des zones sensibles aux attaques de gel et de feu dans le but d’atteindre certains points inaccessibles sans. Sur le papier, c’est intéressant, c’est un peu comme des dominos qu’on dispose stratégiquement pour atteindre le point escompté. Mais appliqué tel quel dans le jeu, c’est juste abominable. Peut-être je ne sais pas viser, mais trop souvent, j’ai dû m’y reprendre six à sept fois pour faire exploser tel mur alors qu’en soit, j’avais compris l’énigme. C’est ultra frustrant de comprendre comment faire, mais de ne pas y arriver parce que le jeu demande d’être pointilleux comme pas permis dans les emplacements de flèche. Merde alors.
Et les combats…c’est à double-tranchant. Autant, j’adore le système de fight, les différentes armes et leurs capacités respectives. Autant, je trouve que les attaques spéciales sont moins nombreuses, moins intéressantes et pas forcément pratiques. Je m’explique. Imaginons, j’attaque un ennemi avec ma lance, je déclenche une attaque spéciale qui lance une animation qui dure bien sept ou huit seconde. Et bien durant ce laps de temps, j’explose l’ennemi en face de moi, mais tous les autres ont moyen de m’attaquer dans le dos sans que je ne puisse rien faire tant que l’animation n’atteint son terme. Quand ça arrive dans des combats bien complexes comme les berserkers (des boss optionnels souvent à plusieurs et particulièrement difficiles), je ne suis pas d’accord. C’est le même souci chez les jeux From Software. Certains diront qu’il faut accepter la difficulté, qu’il faut savoir anticiper les coups, mais quand c’est injustifié comme c’est le cas ici, je refuse. Surtout que la caméra est trop proche du dos de Kratos et qu’il est impossible de se retourner rapidement (il y avait cette possibilité dans le précédent jeu mais la touche sert désormais à sélectionner une nouvelle arme). Point noir supplémentaire, le lock sur les ennemis est parfois hasardeux et on se retrouve vite désorienté ou limité dans ses déplacements ce qui n’aide en rien quand on est assailli.
Donc voilà des problèmes majeurs qui entachent sacrément l’expérience de jeu. Mais à côté de ça, c’est le God of War 2018 plus fort sur tous les points. Visuellement, la direction artistique est magnifique. Tous les décors ne se valent pas, mais Muspellheim est absolument somptueux, Midgard enneigé, c’est magnifique, les détails sur les matières sont ahurissants (je joue sur PS4). Le seul regret, ce sont les expressions de visages pas toujours très détaillées mais sinon, c’est juste…beau. Alors certes, la mise en scène n’est pas toujours au service de ce qui se passe autour de nous.
C’est quand même dommage que le ragnarok soit si peu visible dans le final puisque le caméra se bloque sur le dos de Kratos et les quelques cinématiques ne s’attardent pas plus sur l’environnement.
J’ai lu certaines critiques vis-à-vis de la musique en retraite voire inexistante. Je me pose en totale contradiction, je la trouve forte et elle rend certains passages épiques comme ça l’a rarement été dans les jeux vidéo. Elle se ressent surtout durant les cinématiques notamment vers la fin.
Cette instrumentale juste avant la guerre du Ragnarok, il fallait la faire.
Même ressenti concernant le sound design. J’ai fait tout le jeu avec un casque et c’était très bien réalisé. En plus de cela, le doublage français est parfait. On retrouve les anciennes voix du précédent jeu (Frédéric Souterelle et personne d’autre pour Kratos), et les nouvelles collent parfaitement aux personnages (j’aime tout particulièrement l’interprète d’Odin).
Et enfin, il y a l’histoire. Même si elle casse parfois le rythme, je comprends tout à fait qu’elle vise surtout à étoffer les personnages et à offrir des séquences fortes en émotion. Plusieurs retournements de situations m’ont pris par surprise provocant un petit arrêt du cœur et pas mal de séquences vont me rester en tête pendant plusieurs semaines. C’est surtout grâce au traitement des personnages que le jeu brille. Les nombreux dilemmes moraux de Kratos tout le long du jeu, les dualités Kratos/Thor, Atreus/Odin, les personnages secondaires attachants (Mimir, Freya) et même les nains comiques que sont Brok et Sindri trouvent leurs moments forts. Et surtout, il y a Odin qui se place à mon sens parmi les antagonistes les plus forts que j’ai pu voir dans un jeu vidéo, jouant constamment sur la fine ligne entre « manipulateur fou à lier » et « homme raisonnable et sympathique ». C’est un travail de caractérisation absolument parfait et le personnage vole la vedette dans chacune de ses apparitions.
Au final, quand on prend à part chaque critère, il y a quand même énormément de bien à tirer de ce jeu. Alors certes, c’est la version 2.0 de God of War 2018 avec beaucoup d’améliorations mais peu de surprises ce qui en fait un jeu moins surprenant mais mieux calibré. Il n’en demeure pas moins que c’est extrêmement appréciable de se retrouver face à une production de cette envergure. Pas un jeu parfait, impardonnable même sur certains points, mais qui a envie de faire plus, de raconter plus quitte à rester dans un classicisme vidéo-ludique à certains instants. Quoiqu’il en soit, même si j’ai fini l’histoire, j’ai envie d’y retourner, de niquer tous les berserkers, de finir les quêtes annexes parfois plus intéressantes que certains segments de la trame principale, bref, j’en redemande. Ça veut dire que le jeu a fonctionné sur moi.