Golden Sun est ma madeleine de Proust.
J'ai découvert le jeu à mes 11 ans, à une période ou le Jeu de rôle Japonais était en plein déclin. En France, le genre était méconnu du grand public et c'est surtout à travers Pokemon qui avait les faveurs de tous les cool kids de la cours de récré possesseurs de GameBoy, que le JRPG subsistait. À cette époque les versions Jaune et Or sont celles sur lesquelles j'ai passé le plus d'heures à collectionner les badges et capturer les monstres.
Si la formule simpliste est connu de tous aujourd'hui, c'est parce qu'elle était déjà diablement efficace à l'époque. J'étais littéralement happé par le jeu, j'adorais la liberté d'action proposée dans la progression, entre combats de dresseurs, collectionnite aiguë et organisation de son équipe en fonction des forces et faiblesses élémentaires.
Les jours de vacances, se lever-manger-bouger-dormir étaient devenus des activités quotidienne vécus avec ma Game Boy toujours allumée (foutu piles AAA). Il faut dire qu'entre les jeux, les produits dérivés et la série animée, l'engouement était total, à tel point que l'utilisation d'un Cable Link pour un échange ou un gros Ronflex qui nous barre la route étaient des raisons suffisantes pour chercher de l'aide et se faire des copains.
Vous vous demandez pourquoi je parle de Pokemon sur une critique de Golden Sun ? Eh bien, nous y reviendrons.
Des mois plus tard, mes nouveaux camarades heureux propriétaires de la première et seconde Playstation me faisaient découvrir la série des Final Fantasy à travers les neuvième et dixième épisodes de la série.
L'aventure épique, avec un grand A, teintée de magie et d’innocence dont les dialogues, les cinématiques et les musiques illustrent magistralement des histoires pleines d'émotions et de ramifications. De celles qu'ont s'imaginaient entre nous durant des heures de joute et de péripéties en plein air, vêtus de capes et d'épées, luttant contre le mal et ses abominations dans un univers médiéval fantasmé. Enfin une toile de fond digitale remplie de personnages attachants auxquels on pouvait s'identifier, grâce à une mise en scène qui cherchait toujours plus à se rapprocher des standards cinématographiques.
De mes yeux d'enfant, un véritable choc. Mais ces jeux la n'étaient pas les miens. Et je désirais plus que tout vivre le reste de mon parcours initiatique du jeu vidéo en trouvant aussi ma pépite, LE jeu qui serait mon coup de cœur intemporel.
Si vous aussi vous avez débuté le jeu vidéo enfant dans les années 90, il y a de grandes chances pour que votre jeu préféré soit la synthèse de ce parcours vidéoludique initiatique.
Ce jeu la pour moi, c'est Golden Sun. Ces jeux, devrais-je dire, puisque sa suite aura été au moins aussi marquante que l’épisode original. C'est en parcourant les Nintendo Magazine de l'époque, avec son style graphique et sa jaquette flamboyante au chara-design impeccable, que Golden Sun m'a immédiatement intrigué. Après tout, Nintendo fort de ses licences historiques, n'avait plus vu sortir de JRPG traditionnel sur ses consoles depuis quelques années et c'était l'occasion de voir ce que la petite dernière de la famille, la GameBoy Advance, avait dans le ventre.
On y incarne Vlad, un jeune villageois du village mystique de Val. Le jeu débute en compagnie de nos amis d'enfance Garett et Lina alors qu'une grosse tempête s'abat sur le village, emportant le frère, les parents de Lina et le père de Vlad.
De retour 3 ans plus tard, ce souvenir est ravivé par le retour de deux étranges personnages au village, déjà présent le jour de la tempête. Votre équipe à rendez vous avec Thélos le sage spécialiste de l'Alchimie évoqué par le mystérieux duo. Le groupe se dirige ensuite vers le Mont Alpha désireux d'en savoir plus. Grâce à leurs psynergies, ils finissent par accéder au sous-sol ou ils font la découverte des mystérieuses Pierres élémentaires, une pour l'eau, le feu, la terre et l'air dont le pouvoir est tel que celui qui les possède pourrait conquérir le monde et briser l'Alchimie...
Vous l'aurez compris, le début d'aventure bien qu’intriguant de nos jeunes mystiques n'a rien de très original pour quiconque ayant lancé un JRPG dans sa vie. Mais la Gameboy Advance étant relativement peu puissante, le tour de force de Camelot Software, le développeur du jeu déjà connu au Japon pour la série des Shining Force, est d'avoir outrepasser ces contraintes techniques là pour donner au titre une véritable atmosphère originale, autant légère par ses personnages qu'épique par ses enjeux.
Le premier élément marquant se trouve dans la qualité des compositions musicales qui nous accompagnent. Dès l'écran d'accueil et malgré un hardware audio très moyen même pour l'époque (sans doute à cause de la rétrocompatibilité GameBoy), Motoi Sakuraba (Shining Force, Tales of, Star Ocean, Dark Souls) se transcende et livre une de ses meilleurs partitions avec des compositions variés, rythmés et mélodieuses, donnant une vraie identité à l'univers et aux environnements parcourus par le joueur (The Elemental Stars, Venus Lighthouse, Kolima's Forest https://www.youtube.com/watch?v=uhL0QCFX78E&list=PLIXJUtngJGpRgby0C8BQye0t2N4ziylb7).
Côté technique le jeu se révèle visuellement assez soigné, notamment en ce qui concerne les décors. Ceux des maisons et des villages fourmillent de couleurs et de détails miniatures. Les sprites des combats sont jolis et ceux de nos personnages ont la particularité d'être de dos en biais, permettant une meilleure lisibilité des actions et sorts élémentaires utilisés contre nos adversaires. Mais l'aspect le plus impressionnant se situe lors de l'utilisation d'invocations, déclenchant une petite scènette qui pousse la GBA dans ses retranchements (ça rame parfois) avec quelques effets visuels unique pour ce hardware. Fort de son expérience dans le domaine, Camelot a appris des meilleurs, rivalisant au niveau artistique avec des maîtres du genre du JRPG 2D comme Squaresoft.
On arrive très vite à la WorldMap permettant les déplacements en dehors des villages ou vous ferez la connaissance de Silex, votre premier Djinn. Ces petits esprits magiques représentants chacun un élément vous accorderons certains pouvoirs en fonction de la façon dont ils seront attribués à votre équipe. Ils seront en premier lieu une aide précieuse pendant vos combats puisqu’ils pourront directement attaquer un ennemi et détermineront ensuite les invocations que vous pourrez faire pour vous prêter main forte. Mais ce n'est pas tout, il faudra en trouver un maximum afin de réaliser des combinaisons variés impactant vos psynergies. Ce ne sera pas facile car certains sont très bien cachés, et il faudra redoubler de patience pour en obtenir d'autres.
La psynergie d'ailleurs, parlons-en. Il s'agit de l'équivalent des sorts dans le monde de Weyard. Elle devra être utilisée pour faire des dégâts à vos adversaires mais pourra aussi servir en dehors des combats pour interagir avec votre environnement. Vous les obtiendrez généralement en montant de niveaux et quelques fois en récupérant certains objets clés. Couplé au pouvoir des djinns, ces compétences magiques clairement inspiré des Pokemon de la génération portable précédente, sont le véritable second point fort du jeu. Contrairement aux Capacités Spéciales dans Pokemon, qui dans les premières générations, limitaient le champ d'action de sa bestiole en combat une fois attribuées, ici leurs rôles est plus déterminant. Elles contribuent à faire évoluer le gameplay et à impacter durablement la progression du joueur dans son aventure.
Enfin le dernier point fort du titre ce sont ses personnages et son monde directement inspiré de la topographie et de la géographie du notre. Tout au long de l'aventure, l'humour côtoie le tragique et les personnages hauts en couleurs donnent du relief à cet l'univers lors de chaque nouvelle rencontre. Pendant les dialogues entre les personnages, les bulles, la typographie et d'autres petits encarts de toutes sortes participent à donner un ton léger à l'ensemble. Dans le même principe, la proposition de répondre à des questions fermées facilite l'intégration du joueur dans l'aventure, même si vos réponses n'ont aucune influence sur le déroulement de celle-ci.
On pourra néanmoins contester ce choix la qui peut s'avérer lassant à la longue. Certaines interactions paraissent carrément désuète mais ne sont pas totalement dénuée de charme. D'autres éléments sont plus contestables comme une progression qu'on peut qualifier parfois de trop linéaire, voire maladroite quand aucun indice nous est donné pour poursuivre la logique de notre cheminement dans la trame principale. Un problème qui était beaucoup plus contraignant à l'époque qu’aujourd’hui grâce à la magie d'Internet, et largement compensé par un level-design intelligent proposant des énigmes équilibrées basées sur les déplacements et la psynergie. En somme rien qui ne gâchera l'expérience vécue, en tout cas d'un point de vue personnel.
Je me souviens avoir dévoré le jeu comme ci c'était hier, l'avoir parcouru en long et en large, comme on dévore un livre dont on sait à l'avance que le souvenir restera vivace une fois la dernier page refermée. L'attente du second épisode deux ans plus tard s'est avéré très longue, mais fut une jubilation énorme à la hauteur de la découverte du premier épisode.
Et y retourner fut encore plus long. Plus de 20 ans plus tard.
Après de longs mois d'hésitation ou le temps m'a fait défaut, ou la peur que la rigidité du média l'emporte sur la saveur du souvenir de l'enfance, et que le poids des années soit un fardeau bien trop lourd à porter pour le jeu. J'ai finalement réussi à me relancer dans l'aventure.
Plus de 20 ans plus tard, le charme du jeu reste intact. Sa bande son est l'une des plus marquantes qu'il m'ait été donné d'écouter tous jeux confondus. Issue d'un son stereo 8 bits d'une GBA.
Plus de 20 ans plus tard, Pokemon et Final Fantasy existent toujours. L'alchimie de Golden Sun brille encore de mille feux.