La première fois que j'ai vu des vidéos de Gravity Rush, j'ai pensé que le jeu serait une espèce de bac à sable peu scénarisé sortant pour faire la démonstration des capacités de la console. Heureusement, j'ai pu obtenir des autres joueurs l'infirmation de mon a priori et j'ai donc acheté ce jeu qui m'a plutôt agréablement surpris et en même temps déçu une espérance enfouie un peu plus bas au sein de ma conscience. Si le jeu m'a plu et que je lui reconnais un effort louable d'innovation et de création d'un univers original, j'ai été gêné par des défauts non négligeables.

Le premier problème qui m'a sauté aux yeux fut d'ordre visuel. En effet, si le jeu développe une esthétique recherchée avec ses tons orangés suffocants qui dépeignent une atmosphère un peu torturée, éthérée et surréaliste, il laisse une impression étrange au niveau du confort visuel. Déjà la distance de vue à bonne qualité est relativement faible. Le jeu essaie de masquer (intelligemment) ce défaut avec des bâtiments dont seuls les contours apparaissent de façon crayonnée, mais ce procédé en l'état contribue à l'aspect "crade" du jeu déjà présent dans l'aliasing omniprésent et le délavement général (peut-être était-il souhaité, mais je pense sincèrement à une grande part de technique, le jeu aurait probablement été plus saturé sur PS3).

Le second défaut que j'ai noté concerne la jouabilité en général. Sur ce point, je ne blâme pas forcément le studio qui est resté comme les autres impuissant face à l'inaptitude de nos contrôleurs actuels à appréhender des déplacements sur 3 axes de l'espace (nage sous-marine, vol,... =/= gameplay le plus fréquent : déplacement sur un plan, les sauts ne prenant que des valeurs discrètes).
Si dans un jeu peu nerveux cela ne pose pas trop de problème, quand on doit implanter cela dans un jeu dynamique et demandant une assez bonne précision au joueur (malgré le léger auto-aim du jeu), là forcément il y a de la casse. D'un point de vue pratique le problème était anticipable : 2 sticks pour 3 dimensions à gérer : il y a un problème. Le jeu se révèle ainsi parfois frustrant avec une caméra qui s'emballe, un ensemble lourd à contrôler dans les combats (et peu réactifs), la balance nécessaire entre gyro et stick (le gyro aide vraiment à ajuster la visée mais du même coup il introduit des parasites). Dans un jeu qui aura tendance à multiplier les combats qui demanderont pas mal de réactivité, un tel système peut devenir lourd et personnellement je n'ai plus trop envie de le revoir. Le même problème s'applique par exemple dans les glissades au gyro bien détestables.
Cependant, heureusement la difficulté a été plutôt bien lissée pour prendre en compte cette gêne (malgré quelques passages frustrants assez rares) : ni trop strict pour ne pas faire de l'anti-jeu, ni trop facile pour garder une notion de challenge. La variété des coups est aussi très appréciable même si certains déséquilibrent un peu le jeu (genre la torpille impossible à arrêter et surpuissante). L'effort d'innovation à été fait et cela ne peut être que salué et encouragé, malheureusement le plaisir intervient dans l'équation et force est de constater qu'il n'y est pas toujours même s'il offre une bonne sensation de puissance et de liberté.

Troisième volet des défauts : le rythme. Il est regrettable de constater dans le jeu des phases de remplissage assez bas de gamme qui consisteront à avancer dans des décors laids et redondants, à répéter les mêmes tâches lourdes et prétextes (du combat typiquement) pendant pratiquement 45 minutes. Du coup, le déroulement de l'histoire se fait plomber par ces phases qui limitent du même coup un vrai développement des idées.
Si le jeu présente de fait une narration élégante principalement par le biais de BDs et un univers original et intrigant, la suite du jeu laisse un peu le joueur sur sa faim. Je n'ai rien contre les déroulements un peu elliptiques ou évasifs, mais ici ce n'est pas justifiable par la structure initiale qui aurait été meilleure complétée d'un plus fort développement. D'ailleurs pas mal de quêtes de la trame principale sont proprement inintéressantes et n'apportent rien au personnage de Kat ou à quoi que ce soit d'autre. On a l'impression en fait de jouer à la première partie d'un jeu complet sachant que les principaux éléments un peu intrigants du jeu ne sont tout simplement pas intégrés au scénario principal qui est malheureusement assez basique.
Il reste au jeu tout de même le développement des personnages principaux dont Kat surtout qui permet de rendre les personnages attachants et mystérieux. Malheureusement là encore toutes les questions posées prennent une bonne partie de ce qui aurait pu ajouter à l'intensité du jeu pour une suite ! On a donc la fâcheuse impression d'avoir la même visée que Shenmue 1 pour sa série, mais ici épurée de toute révélation et substance notable ! C'est très frustrant !

Enfin, j'ai eu la confirmation d'une autre intuition première : la ville ne sert pratiquement que le gameplay (c'est déjà bien mais c'était en même temps à mon sens nécessaire vu le concept du jeu). De fait, les seules choses annexes que l'on peut faire dans la ville sont des défis de scoring et de quelques dialogues sommaires. A part cela, la ville est désespérément vide. Même si l'effort de variété au niveau des ambiances musicales et visuelles de chaque quartier est louable, il est triste de constater qu'il n'y a pratiquement aucun élément de background pour ceux-ci qui se cantonnent donc à un rôle visuel et ludique.

Pour conclure, je dirais que Gravity Rush est un jeu à la personnalité indéniable et à la direction artistique travaillée. Tentant d'innover ludiquement, il se heurte aux contraintes matérielles des contrôleurs classiques pour un résultat contrasté. Le principal problème de ce jeu est de nous laisser sur notre faim (ce qui est à la fois un défaut évident mais aussi le signe d'une qualité : le jeu nous a accroché, et c'est vrai il donne envie d'être fini) en gardant tous les éléments de mystère pour lui. C'est d'autant plus regrettable sachant que le jeu est assez garni en phases de remplissage qui auraient pu être zappées pour apporter du contenu scénaristique plus consistant. La beauté des jeux symboliques/mystérieux est au moins de nous livrer un final qui apporte de la matière aux questionnements : ce n'est pas le cas ici avec seulement une fin très prosaïque à une intrigue banale. J'attends ainsi les prochaines aventures d'un personnage que le jeu a tout de même réussi à me faire apprécier dans le cadre d'un univers à très haut potentiel. Je lui mets un bon 7/10 assez éloigné du 8 (j'ai même hésité avec un 6) tout de même tant je considère que la marge de progression est très importante, et tant le jeu m'a accroché sans me transcender.
Foulcher
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le 22 juin 2012

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Foulcher

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