GRIS
7.5
GRIS

Jeu de Nomada Studio, Berlinist et Devolver Digital (2018PC)

S'annonçant comme une petite pirouette artistique dans la sphère des jeux indés, chaleureusement accueilli par les joueurs et salué par la critique, il fallait bien qu'un jour ou l'autre je prenne le temps de vivre cette merveilleuse aventure que dépeint le jeu GRIS.


Et "dépeindre" c'est bien le mot. En effet, comme son nom le suggère judicieusement, le récit et le monde de GRIS s'articulent par et autour de la couleur. Pas d'une couleur ordinaire comme celle de la notification que vous n'avez toujours pas ouverte depuis tout à l'heure. Non plus d'une couleur incertaine comme celle de cette robe dont vous aviez oublié l'existance et qui avait tant fait débat il y a quelques années de cela. Non, de ces couleurs là, il n'en est rien. Ici, GRIS nous parle de la couleur des sentiments, la couleur d'une scission du corps et de l'esprit : la couleur du deuil.


C'est donc à travers ce prisme que l'équipe espagnole de Nomada Studio décompose son récit : Celui d'une jeune fille égarée qui a perdu sa voix, sa raison d'être et qui traversera les phases redoutées mais inéluctables du deuil pour tenter de peut-être retrouver sa voix et par extension sa voie. Un chemin que ceux l'ayant déjà emprunté reconnaîtrons avec une certaine fascination ponctuellement au cours du jeu non sans quelques émulsions lacrymales.


Le jeu se déroule linéairement en 5 chapitres, chacun dépeignant une étape du deuil :
Le déni, la colère le marchandage, la dépression et l'acceptation. Chacune de des phases est brillamment illustrée par une couleur associée, des phases de gameplay et des capacités spécifiques.


Si j'ai pour habitude de dire que la subtilité est une notion assez subjective, GRIS dans ses choix de mise en scène en est le parfais exemple. Les artistes et les développeurs n'ont pas manqué d'imagination pour nous dépeindre le parcours cathartique de l’héroïne que ce soit à travers la narration visuelle ou les éléments de gameplay; dans les grandes largeurs comme dans les détails. On notera l'intelligence du studio de jouer la carte de la poésie candide, des myriades de couleurs et des visuels épurés pour aborder la thématique, éculée il faut le reconnaître, du mal-être dans un jeu indé, le tout accompagné par le groupe Berlinist aux commandes d'une BO sublime. Par conséquent, si le joueur perçoit ces décisions comme des pertinences plutôt du manque de subtilité, son identification et sa projection au cours du jeu peuvent donc se faire à maintes reprises et de diverses façons.


D'un point de vue purement technique, le jeu est également une réussite : Tournant sur ma petite machine sans la moindre difficulté, ni au lancement, ni en jeu. Les commandes, peu nombreuses certes, répondent parfaitement et leur binding est entièrement libre. Pas de problème d'affichage à l'horizon malgré une carte graphique en désuétude et aucun bug de collision ou glitch quelconque n'est à déplorer, et ce, malgré mon irrépressible manie d'explorer les moindres recoins quitte à finir bloqué.


Vous êtes donc, à ce stade de votre lecture, en droit de vous demander "Si le jeu est si parfait à tes yeux, pourquoi pas 10 ?". Eh bien pour pinailler un peu, je dirai que certains passages scriptés n'étant pas jouables, ne serait-ce qu'en QTE, m'ont un poil déçu et que certains passages moins réflexifs et plus mécaniques ont quelque peu freiné ma progression et mon immersion dans le jeu (faut vraiment que certains développeurs de jeux arrêtent de penser leurs chronos à la seconde et leurs plateformes au pixel près) à moins que ça s'avère pertinent ce qui, à mon sens, n'est pas le cas ici.


Pour conclure, si ça n'est pas encore chose faite, que les thématiques abordées et les visuels vous parlent, je ne peux que vous encourager à découvrir GRIS. Le jeu est simple et bref, se terminant en une poignée d'heures, doublées si on y ajoute les succès cachés. Si en revanche l'aspect plateformer contemplatif vous rebute, que vous cherchiez un gameplay riche et innovant ou exigeant, passez votre chemin. Au final, qu'on ait apprécié le jeu ou pas, je pense qu'on doit au moins pouvoir lui accorder une chose : GRIS a fait dans la simplicité et a su le faire bien et c'est bien là son meilleur atout. Pierre Reverdy disait lui-même : "Ce n'est pas si simple que ça, d'être simple.”

Fourchon
8
Écrit par

Créée

le 13 déc. 2021

Critique lue 25 fois

Fourchon

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