« Comment un homme peut-il mieux mourir qu’en affrontant un destin contraire, pour les cendres de ses aïeux et les temples de ses dieux ? »

C’est la question que posait le film Oblivion de Joseph Kosinski, à qui l’on doit le clivant Tron: Legacy et désormais réalisateur du film Top Gun: Maverick dans lequel, ici encore en tête d’affiche, notre casse-cou et scientologue préféré, poursuit une course effrénée face à son instoppable égo que même le ciel ou le mur du son ne saurait limiter.

Et pour se faire, l'intarissable Tom Cruise s’entoure ici des meilleurs : au scénario, Christopher McQuarrie (réalisateur et scénariste des Mission: Impossible 5 et 6 et bientôt 7 et 8), Paramount à la distribution avec qui l’acteur travaille depuis plus de 20 ans. À la musique, Hanz Zimmer que l’on ne présente plus ainsi qu’un casting poids-lourd avec un Jon Ham très convaincant en amiral, l’envoutante Jennifer Connelly ou encore Miles Teller en fils de Goose, véritable étoile montante depuis son solo de batterie dans l’inoubliable Whiplash.

Tout ce petit monde a été soigneusement trié sur le volet, par Tom Cruise lui-même, étant producteur de ses films depuis deux décennies, exactement de la même manière que Peter « Maverick » Mitchell, malgré son tempérament flamboyant et insolent, se retrouve ici instructeur de la Navy pour entraîner de jeunes élites à accomplir une « mission impossible » qui n'est d’ailleurs pas sans rappeler celle d'une certaine guerre des étoiles.

Cet entraînement exploite finement les deux heures qui lui sont consacrées, entrecoupé par une romance platonique qui laisse d’avantage le film se concentrer sur les conflits extérieurs et intérieurs de Maverick, qui le poursuivent toujours depuis la tragédie finale de Top Gun premier du nom, continuant de pleurer sur « les cendres de ses aïeux ». C’est d’ailleurs ces conflits qui permettent à l’intrigue d’installer à plusieurs reprises une tension bien palpable, pour s’évaporer ensuite dans le souffle puissant et jouissif des réacteurs pendant un bref instant et reprendre de plus belle dans des scènes de vol vertigineuses à couper le souffle.

Si ces séquences aériennes supersoniques sont aussi efficaces, c’est d’abord et sans nul doute parce que Tom Cruise, soucieux du réalisme et de sa réputation, a tenu à piloter lui-même son avion, mais aussi et surtout grâce au réalisateur, Joseph Kosinski, infographiste de son état, à qui le film doit son imagerie impeccable : des effets spéciaux imperceptibles sublimés par une lumière chaude et tangible, une composition millimétrée et une photographie inspirée à la colorimétrie harmonieuse.

Sur la forme, tout semble aller dans le bon sens mais c’est sur le fond que le bât blesse. En effet, si Tom Cruise est, à bien des égards, la plus grande qualité du film, il en est également son plus gros défaut : c’est bien simple, tout tourne autour de lui et beaucoup de personnages secondaires voient leur potentiel laissé au vestiaire, sous-exploités au détriment du temps d’écran accordé à Maverick. Et comme une icône telle que Tom Cruise se doit de renvoyer une image mystique, quasi divine, le film ne manque pas de facilité, faisant de Maverick une force inarrêtable qui n’échoue ni ne faillit jamais. À ce sujet, la scène finale de sauvetage dans laquelle il « affronte un destin contraire » en dit long. Ce qui vient parfois désamorcer la tension captivante longuement cultivée par le film.

Dommage.

La scène d’introduction et son générique d’ouverture, de leur coté, sont des reproductions, presque des copies carbones de ceux du premier film, faisant alors office de véritables madeleines de Proust pour les fans de la première heure qui ont grandi avec le thème culte de Harold Faltermeyer. Mais la nostalgie ne dure qu’un temps et laisse bien vite place à la modernité dans une scène de vol stratosphérique jubilatoire et d’une poésie rare dans les blockbusters actuels.

Au final, du haut de ses 60 ans, la machine à sous et à cascades qu’est Tom Cruise ne compte vraisemblablement pas s’arrêter là. Il a certainement trouvé la meilleure façon de « mourir pour le temple de ses dieux » qu’est celui du cinéma en continuant à dépasser ses limites et à étaler son égo sous nos yeux ébahis de rêveurs en quête de spectacle, laissant dans le sillage de son chasseur, un bien bel héritage.

Fourchon
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le 7 juil. 2022

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