Gungnir
7.4
Gungnir

Jeu de Sting Entertainment et Atlus (2013PSP)

J'aurais aimé savoir comment y jouer avant de finir le jeu

Gungnir, à l'image du reste de la série, est une tentative intéressante de renverser les codes du genre dont il s'inspire, ici le tactical-RPG, même s'il semble d'apparence bien plus classique face aux autres titres de la série. Par contre, des lourdeurs dans la narration, des problèmes de rythme et surtout une interface tellement bordélique qu'elle ferait passer une résidence étudiant pour un palace tirent tellement l'expérience vers le bas qu'il devient impossible de les ignorer.


Le jeu se déroule dans un univers de medieval-fantasy, où le monde vivote sur les bases du racisme social. Depuis des décennies, le monde se divise en deux classes, les Daltans, classe noble et respectée de l'empire, et les Leonicans, qui servent de marche-pied social pour le reste du monde, et se contente de survivre dans des bidonvilles, se faisant huer et mépriser par tout le reste de la population. Malgré quelques tentatives de rébellion, les Leonicans n'ont subi que des défaites et des génocides en représailles. L'histoire commence en suivant Giulio, dont le père fut exécuté en menant une énième rébellion qui a mal tourné, alors qu'en détournant un convoi de marchandises dans le but de récupérer de la nourriture, se retrouvent avec une noble apparemment vendue comme esclave comme seul butin, et décide de la ramener au camp. Mais les ennuis arrivent vite, alors qu'une armée conséquente investit les bidonvilles dans le but de récupérer la jeune fille aux origines inconnues au pire moment possible alors que la majorité des troupes leonicanes qui résident généralement dans le bidonville sont partis dans une opération. Tentant alors de se rebeller, Giulio et ses compagnons se font cependant oblitérer par l'imposant nombre d'adversaires et se retrouve au tapis. Alors que ses amis se font exécuter les uns à la suite des autres sous ses yeux sans exception, la providence tombe littéralement sous la forme d'une lance maudite, qui une fois saisie par Giulio, appelle une abomination sur le champ de bataille, massacrant l'armée daltane en quelques secondes. Motivé de venger ses camarades, et désormais en possession d'une arme capable de changer les choses, il s'en va mener une nouvelle révolution pour reprendre le pouvoir aux daltans.


J'adore le fond de l'histoire, qui aborde des thèmes très intéressants (notamment au travers de l'antagoniste principal qui impose ce préjugé social dans le but d'avoir le peuple sous sa botte qui se satisfait de sa vie en ayant plus bas que soi et maintient ainsi une paix illusoire), où même au sein d'une armée, malgré un but partagé, le racisme social continue d'effriter les relations entre les membres de l'armée. La dureté du monde dans lequel les personnages évolue, les conflits politiques entre impérialistes et républicains qui ont été dénoncés comme des criminels pour éliminer la menace, les trahisons et manigances et l'aspect mythologique qui font intervenir des individus au delà des considérations du monde des humains s'entremêlent allégrement et pousse à en savoir plus. Les stratégies des personnages semblent aussi cohérentes dans le grand ordre des choses. Par contre, certains points sont trop survolés, voir exposés seulement par des dialogues. En plus, ces dialogues s'avèrent assez fades, à cause de l'absence de doublage (alors que tous les jeux de Sting sur PSP en disposaient), et du fait que les personnages du jeu ne disposent que d'une seule expression faciale. Et quel crime cela peut être quand on a Satoko Kiyuduki pour le design des personnages dont les personnages sont habituellement très expressifs. Car les portraits sont de qualités, mais se répètent trop et empêchent l'attachement émotionnel quand toutes les expressions sont affichés avec la même image. Aussi, je regrette de ne pas pouvoir profiter de leur qualité alors qu'Yggdra Union nous permettait de voir ces portraits dans les détails lors des cinématiques. Aussi, la narration tient plus d'une narration de série ou de livre que d'une narration de jeu vidéo, avec des passages qui s'ils sont cohérents dans l'univers du jeu, s'avèrent extrêmement frustrants en tant que joueur (et sont beaucoup trop longs), avec une fin qui s'avère très énervante jusqu'à la scène post-crédits et qui même si elle rétablit le plus gros de ce qui pouvait frustrer dans les scènes qui précédaient risquent très clairement de ne pas satisfaire tout le monde étant donné le boulot nécessaire pour y accéder.


Sting a toujours eu des problèmes d'interface sur l'ensemble de sa série, il suffit d'aller voir l'écran de préparation de Knights in the Nightmare sur PSP, qui était déjà sacrément indigeste. Mais très clairement, Gungnir prend de loin le titre de jeu le plus confus de la série. Par exemple, pour savoir quels sont les attaques disponibles sur une arme et leurs propriétés, il n'y a rien de plus simple ! Il faut aller dans Gestion des troupes. Équiper une unité qui peut porter l'arme, appuyer sur triangle sur l'écran du personnage pour accéder aux compétences. Faire bas pour accéder aux compétences, puis enfin SELECT pour avoir les détails de l'équipement sélectionné. Après bonne chance pour tout interpréter sur l'écran qui suit. Le tout dans l'ordre, car sinon vous accédez aux informations du personnage et non de l'arme. Il m'aura fallu toute l'histoire pour qu'enfin je le découvre sur un New Game +, et je vous assure qu'il est préférable de savoir qu'une compétence ne peut être utilisée que de jour alors que c'est la seule dont vous disposez. Et malheureusement tout ceci ne fait que rendre plus inaccessible un titre qui malgré ses similitudes avec les titres du genre (gestion de ses troupes, vue isométrique, maps qui font instinctivement penser à FFT), alors que dans les faits, tout ce qui est basique dans les tacticals de Square Enix ne se retrouve pas du tout ici, et c'est d'autant plus traître que le jeu n'arrive pas à transmettre ce gameplay si particulier et à nuancer l'aspect si trompeur de Gungnir. Si vos ennemis se déplacent chacun individuellement avec un tour associé, vous ne disposez que de tours communs durant lesquels vous ne pouvez bouger qu'une seule unité. En contrepartie, ce tour arrive bien plus souvent, et vous laisse plus de choix dans le mouvement de vos unités. Cependant, si vous faites agir des unités trop fréquemment, vous puiserez dans vos réserves de vitalité, diminuant le nombre de PVs max de l'unité jusqu'à la fin du combat. En bougeant vos unités, vous accumulez également des points tactiques, qui ont plusieurs utilités : ils augmentent à la fois vos dégâts si vous en avez en grand nombre, et permettent également d'effectuer des attaques en équipe ou obtenir des effets supplémentaires avec les unités voisines, voir même de sauter directement à votre tour quand vous n'agissez pas pour un prix conséquent. Des bases sont présentes sur le terrain, facilitant vos attaques en équipe et augmentant votre nombre maximal de points tactiques une fois capturées, devenant vite capitales pour la victoire. L'un des derniers points majeurs de Gungnir est dans la lance de même nom, qui permet d'invoquer des dieux de la guerre en sacrifiant tous vos points tactiques et à la suite d'une longue invocation par le protagoniste. Ces derniers disposent d'effets démesurés et affectent l'entièreté du champ de bataille. Cependant, les dits dieux sont capricieux, et tendent à largement favoriser le camp désavantagé à son invocation, n'hésitant pas à oblitérer vos unités si vous daignez les invoquer alors que vous dominez le combat et inversement, détruisant vos adversaires quand votre survie tient à un fil.


Le problème de toute ce système, c'est qu'il a tendance à effacer des informations importantes. Certaines des statistiques ne sont pas du tout intuitives, et vous allez criser pour savoir à quoi elles correspondent. De plus, il n'est jamais fait mention de l'importance absolument capitale des altérations d'état (et il y en a plus de 30, diable !), la brûlure et le poison annihilant purement et simplement les plus gros sacs à points de vie du jeu, mais malheureusement, étant donné l'interface, il devient difficile de savoir quelle compétence permet de faire quoi. Le système s'oppose de plus à tous les standards du genre, et peine à faire comprendre les subtilités du jeu.
Aussi, toutes les compétences ou infligent des dégâts, ou soignent, et les altérations d'états sont donc des effets secondaires des compétences offensives avec un certain pourcentage de chance de s'activer. Tout comme la garde, tout comme la précision des coups à distance (même si il est plus aisé de jouer dessus). Il y a beaucoup trop de facteurs qui jouent sur la chance, et s'il est possible aisément d'influencer dessus, l'impression de jouer à pile ou face à chaque coup est omniprésente. Les maps sont également très sinueuses et complexes, pouvant rendre les mouvements assez difficiles et assez frustrants.


Mais à côté, le jeu est beau. L'interface pour tout le bordel qu'il peut être donne un certain cachet agréable à l’œil (moins pour le cerveau), le tout combiné aux très belles cartes du jeu (qui pendant un moment furent ma seule motivation pour continuer), des sprites réussis et la qualité du chara-design forme un tout fort sympathique et peu banal. La bande-son encore une fois par Shigeki Hayashi, si parfois inégal, reste un régal pour les oreilles dans les meilleurs moments du jeu (exception faite de la bataille finale, tant décevant dans la musique que le combat) dont voici un exemple : https://www.youtube.com/watch?v=MpXOyaiYF1E&index=36&list=PLE24AF1B265888FE6
Dernier point sur lequel j'aimerai revenir, la difficulté. Trois niveaux sont disponibles, rien de bien folichon, mais s'ajoute à cela un système de difficulté adaptative. Si vous terminez vos missions rapidement, vous serez récompensés avec l'apparition de coffres sur la map suivante. Mais à cela s'ajoute aussi un renforcement de la difficulté générale, qui n'est indiquée absolument nulle part. Et pour certains moments clés, cela se révélera extrêmement désagréables. Cependant, cette difficulté est également diminuée à chaque Game Over si vous décidez de recommencer le niveau en conservant vos statistiques obtenues lors de la bataille plutôt qu'avec les ressources dont vous disposiez au début du combat.


Gungnir est inutilement frustrant, surtout quand une bonne partie de ses défauts ne seraient pas présents avec un meilleur tutoriel et une interface plus travaillée. Je regrette personnellement des éléments qui ont été retirés au cours du jeu qui semblaient prometteurs ou donnent une impression de vide. Il y a de bien bonnes idées, mais certaines sont mal présentées que ce soit dans l'histoire et le gameplay, et on ne s'adaptera au jeu qu'après une première partie, un poil tard... Des animations assez lentes dans les combats peuvent rendre certaines missions pénibles. Mais une bonne présentation et un gameplay intéressant donnent tout de même de la valeur à l'expérience. Un conseil si vous comptez commencer la bête, c'est de passer un peu sur Gamefaqs ou certaines indications pour les nouveaux venus sont présents et vous permettraient d'appréhender bien plus agréablement le jeu.

Souv

Écrit par

Critique lue 730 fois

2

Du même critique

Bravely Default
Souv
4

Nostalgie tombée à l'eau

Bravely Default... La renaissance du JRPG selon la presse spécialisée, la rédemption de Square Enix après ses Final Fantasy, parfois même qualifiée comme le meilleur jeu de l'année !.. Voilà comment...

Par

le 4 avr. 2014

15 j'aime

Danganronpa The Animation
Souv
3

Cas d'école

Le phénomène de l'adaptation n'a malheureusement pas eu que des succès, et le passage de jeu vidéo au grand ou petit écran est loin de faire figure d'exemple dans le domaine. Mais rarement l'une...

Par

le 5 oct. 2014

11 j'aime

Professeur Layton vs. Phoenix Wright: Ace Attorney
Souv
5

« Layton, que vous êtes joli, que vous me semblez beau ! »

Ça partait avec tout ce qu'il fallait cependant pour aboutir à quelque chose de très bon : la direction artistique de Level-5, l'écriture hilarante et captivante de Phoenix Wright... Mais une...

Par

le 20 août 2014

9 j'aime