Hades
8.4
Hades

Jeu de Supergiant Games (2020PC)

Fleuron du jeu vidéo indépendant sur toutes les années 2010 avec Bastion, Transistor et Pyre que j’ai tous les 3 adoré, Supergiant Games est pourtant sur le point de franchir un nouveau palier dans leur reconnaissance critique et leur succès commercial avec Hadès. C’est la promesse d’un retour à la formule ARPG de Bastion à laquelle s’ajoutent génération procédurale et mort permanente compensée par une méta-progression, soit un rogue-lite, prenant place dans une mythologie grecque revisitée.


Après presque 2 ans d’accès anticipé de 2018 à 2020, la version finale apparaît dans un paysage vidéoludique surpeuplé de jeux vidéo indépendants rogue-lite avec l’ambition de s’y imposer comme l’une des références majeures, ce que le public comme les critiques lui accorderont très vite. Mais moi qui suis peu friand de cette formule, vais-je me joindre à cette ovation générale ou vais-je regretter cette direction ? Je vous propose de le découvrir en vous laissant bercer par cette splendide reprise de Good Riddance.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★☆☆


Après avoir pas mal expérimenté avec Transistor et Pyre, Supergiant revient donc à son gameplay originel, celui de Bastion pour le dynamiser et le décliner en rogue-lite, le roguelike signifiant si l’on est puriste l’absence ou au moins la mise en retrait des améliorations permanentes d’un essai à un autre. La prise en main est immédiate grâce à des commandes simples et communes aux 6 armes complètement différentes avec 4 versions chacune en plus de bonus et coups alternatifs que l’on peut débloquer durant le run spécifiquement. Le dynamisme est absolu puisqu’on peut enchaîner des esquives avec frame d’invincibilité et cela même durant l’animation d’une attaque lente en cours.


Le jeu encourage intelligemment la diversification des façons de jouer en accordant des bonus à une arme spécifique systématiquement différente de la précédente, en offrant des récompenses après avoir essayé toutes les améliorations possibles d’une sélection, en excluant toute une partie des bonus à débloquer dans chaque run... De plus, la diversification des ennemis et du level-design, avec pièges à contourner et/ou à détourner, mêlée à leur grande part d’imprévisibilité par la génération aléatoire fait qu’aucune façon de jouer n’est trop avantagée sur les autres.


Des dilemmes ludiques se posent constamment avec un excellent compromis entre la stratégie et la chance grâce au système d’une récompense potentielle ou d’une autre puis en choisissant laquelle on souhaite parmi toutes celles qui étaient possibles. On doit ainsi constamment choisir entre investir nos ressources pour cette run ou pour des améliorations permanentes pour les suivantes, entre s’imposer un handicap à court terme pour bénéficier d’un bonus à long terme ou l’inverse, entre opter pour une amélioration basique mais parfaitement adaptée à notre stratégie actuelle ou miser sur une amélioration plus puissante en espérant pouvoir la combiner avec d’autres à débloquer par la suite…


Les seuls petits reproches que je pourrais faire à ce gameplay sont bien faibles, la caméra est un peu trop rapprochée par rapport à la portée d’attaque de certains ennemis, la lisibilité peut être perfectible à de très rares moments avec des attaques d’une couleur trop proche de celle du sol avec lequel elles se confondent ou encore l’aléatoire fait qu’on peut tomber sur une récompense ponctuelle très rare mais totalement inutile à l’instant T. Mais tout ça, c’est clairement du chipotage et ce ne sont pas de véritables problématiques, à peine de très légères marges de progression.


La progression dans le contenu est très addictive grâce à une tonne de ressources différentes se conservant après chaque run et dont la plupart ont un véritable potentiel pour nous amener à progresser plus facilement, à nous challenger davantage ou encore à récolter encore plus de récompenses permanentes, le tout équilibré avec un système de marchandage complet. Sur ce point précis, beaucoup de rogue-lite peuvent effectivement en tirer des leçons plutôt que de se contenter d’une seule monnaie débloquant tout type de contenu.


Mais il y a quand même un petit écueil, toutes ces possibilités se débloquent sans cesse, presque trop vite, jusqu’à la première fin à débloquer, et ensuite le rythme ralentit dramatiquement avec un peu toujours les mêmes ressources à collecter en très grande quantité avant de débloquer la vraie fin sans même parler de pouvoir venir à bout de tout le contenu déblocable qui est gargantuesque. C’est 5 fois plus que Pyre qui lui même était 2 fois plus long que Bastion ou Transistor, indigeste en ce qui me concerne, la vraie limite que je pose à la réussite ludique du jeu qui est sinon incontestable, et pour le reste ?


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆


Bon, comme d’habitude avec ce studio qui s’est immédiatement fait repérer pour ses formidables qualités en la matière, le chara-design est une fois encore un régal absolu avec des portraits riches en détails revisitant la mythologie grecque avec inventivité et classe. Bien que ces personnages soient déjà bien connus au travers de belles illustrations dans des médias très variés, Supergiant est parvenu à se hisser au sommet de ce travail artistique tout média confondu. C’est la première qualité visuelle du titre et même si elle était attendue, elle n’en reste pas moins bluffante.


Les effets sonores et visuels offrent des ressentis super plaisants durant les très nombreux combats. C’est une autre très grande réussite du titre qui explique comment il compte nous tenir en haleine longtemps, par le simple plaisir de déchaîner les océans de Poséidon avec ses explosions d’eau propulsant les ennemis dans tous les sens, d’inonder l’arène des vins toxiques de Dionysos hilare, de faire s’abattre violemment les puissants éclairs de l’impérial Zeus quand on peut ne peut pas juste faire tout ça en même temps. C’est tout simplement parfait.


D’un strict point de vue technique, les modèles 3D peuvent manquer de détails, les portages sur PS5 et Series n’apportent pas grand-chose, les effets tape à l’œil sont limités… mais l’essentiel est un 60 images par seconde constant sur la plus grande partie des supports, et même sur Switch il les tient plutôt bien. Compte-tenu de la fragilité financière passagère du studio qui venait d’essuyer un revers commercial avec Pyre et qui devait assurer une diffusion aussi large que possible et restituer très rapidement le jeu sous la forme de l’accès anticipé, cette orientation technique focalisée sur le FPS est très compréhensible. C’est autre chose qui me dérange un peu plus.


Si les différents décors sont plutôt réussis, tout en étant là encore dans une réinterprétation assez libre de la mythologie, je ne les trouve pas si extra-ordinaires compte-tenu des très hauts standards du studio à ce sujet, et surtout je les trouve trop peu diversifiés au sein d’une run comme entres les runs, puisque l’on parcourra toujours un faible nombre d’environnements et toujours les mêmes d’une tentative d’évasion à une autre. Qui plus est, si la possibilité de personnaliser l’apparence du point de départ de chacune des tentatives d’évasion paraît bien sympathique, je trouve que cet outil est trop basique, avec trop peu de choix et des changements visuels franchement très mineurs.


L’OST s’essaye à des morceaux de Métal qui ne sont pas forcément à mon goût, mais je peux toujours saluer la prise de risque et me consoler avec les quelques morceaux chantés beaucoup plus traditionnels pour le studio, se reposant à juste titre sur ses artistes exceptionnels. Dans l’ensemble c’est de bonne qualité mais c’est peut-être l’OST de Supergiant qui m’a le moins accroché, c’est tout de même une petite déception personnelle. Voyons désormais un dernier aspect du jeu : son histoire et comment Hadès parvient à la raconter avec cette contrainte inhérente au genre du rogue-lite.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★☆☆


Notre protagoniste est une complète relecture du personnage mythologique très secondaire Zagreus, ici fils d’Hadès, plutôt qu’Avatar de Dionysos, voulant s’échapper des enfers et rejoindre ses oncles et tantes sur le Mont Olympe qui vont donc lui accorder des pouvoirs à chacune de ses tentatives d’évasion, chaque mort de Zagreus le renvoyant par le Styx à son point de départ. Cet aspect est très bien intégré au scénario qui ne cesse de rebondir sur cette mécanique, les boss rencontrés et les personnages alliés commentant sans cesse notre progression et nos précédents essais.


Certes, les commentaires en réaction à nos actions ne correspondent pas toujours parfaitement à notre vision de joueur, il m’est déjà arrivé par exemple de me laisser mourir en début de tentative d’évasion car je l’avais trop mal débuté, et le commentaire était « la prochaine fois j’irais encore plus loin », comme si j’avais réalisé un run encourageant. Et bien sûr qu’au bout d’un moment ça se répète un peu, c’est inévitable et franchement le jeu s’en tire super bien à ce niveau là avec plein d’idées différentes pour renouveler et surprendre.


Ces tentatives d’évasion successives seront surtout prétextes à découvrir plein de petites intrigues impliquant ces créatures mythologiques, parfois sur un ton léger et humoristique, parfois sur un ton plus sérieux et dramatique, parfois en étant assez respectueux des versions les plus répandues, parfois faisant exprès de les prendre à contre-pied. Le jeu part du principe qu’on connaît les grandes lignes autour de la mythologie grecque sans en demander une retranscription fidèle et détaillée, je pense que c’était le bon angle d’approche.


L’intrigue principale est un bon fil rouge qui contient ses retournements de situations et ses petits pics émotionnels tout en amenant assez naturellement le contexte approprié à la découverte des intrigues annexes et à l’intégration des principes du rogue-lite à la narration. C’était pas du tout évident à faire, la preuve en est la mise en retrait de cette problématique dans beaucoup du jeu du genre qui ne savent pas trop quoi en faire, et c’est ici franchement maîtrisé et satisfaisant.


Et bien évidemment les doublages anglais sont toujours aussi géniaux qu’à l’accoutumée pour le studio avec des doubleurs capables de faire des voix très différentes tout en étant très réussies. Ce sont les talents habituels du studio qui sont à l’œuvre, je ne vois pas forcément de progression depuis Pyre, mais c’est déjà un tel niveau qualitatif que ça ne peut en aucun cas lui être reproché. Des personnages principaux ayant bénéficié d’une attention toute particulière aux personnages les plus secondaires qui auront souvent droit à leur petite touche pour les distinguer, c’est du grand art.


CONCLUSION : ★★★★★★★★☆☆


Si Hadès n’est pas à mes yeux le chef d’œuvre absolu enterrant ses illustres aînés, le plus souvent pour des questions de goût très personnelles, il est parvenu à proposer une nouvelle référence dans le genre très concurrentiel du rogue-lite grâce à un système de jeu intuitif, complet et dynamique, un potentiel de rejouabilité et une progression addictive efficaces, un chara-design splendide, un sound-design exceptionnel et une relecture de la mythologie grecque pertinente, inventive et réussie. Je ne peux que me réjouir de son immense succès même si je ne peux pas le porter en aussi haute estime que certains.

damon8671
8
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il y a 4 jours

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damon8671

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