Hitman Blood Money cristallise à lui tout seul 20 ans de progrès vidéoludique, tout ce qu'on a fantasmé depuis tant d'années sans jamais pouvoir le concrétiser est désormais rendu possible.
C'était en 2006 et tout était encore à faire, c'était avant Crysis et ses graphismes venus d'une autre génération, c'était avant Call Of Duty 4 et donc avant l'autoregen, les scripts et l'assistanat en tant que norme de jeu moderne, c'était bien sûr avant Wiisport best-seller. Autant dire qu'il y avait largement de quoi se réjouir quant à l'avenir du jeu vidéo.
Lorsqu'on joue à Blood Money on a le sentiment qu'il développe de manière totalement absolue le gameplay de la série tout en essayant de poser les bases d'un jeu vidéo moderne. Dans le meilleur des mondes, il aurait dû y avoir un peu de Blood Money dans chaque nouvelle sortie, comme il y a eu un peu de Super Mario Bros dans chaque jeu de Plate Forme 2D après 1986. La suite, on la connait et si elle n'est pas celle qu'on aurait souhaité, il n'en reste pas moins que Blood Money transpire d'enthousiasme, d'ambition et de fantasmes concrétisés. Tout est possible dans Hitman Blood Money. Rasmus Hoejengaard supervise ici son premier jeu vidéo et également son dernier. Alors il s'est demandé ce qu'il était possible de faire et il s'est rendu compte qu'absolument tout lui était permis.
C'est pour toutes ces raisons que Blood Money est une réussite en tout points.
Pour ceux qui, comme Mr Jacques Cheminade, débarqueraient de Mars, le jeu propose de contrôler l'agent 47 et le but est d'assassiner une ou plusieurs cibles dans chaque niveau de jeu. Ensuite, c'est vous qui décidez, le jeu est d'une richesse telle qu'il est possible de finir chaque mission des dizaines de fois de manière totalement différente. Même si ce n'est pas le plus intéressant, il est possible de s'équiper d'armes lourdes et de bourriner tout le monde sur la map pour parvenir à ses fins, cependant la richesse du gameplay se dévoile dans sa partie infiltration, essayant de finir chaque mission sans tuer personne, en gardant le costume de 47 ou déguisé en tout-venant.
Les missions sont longues car les aires de jeux sont immenses, elles grouillent de personnages qui vont et qui viennent, toujours selon une routine particulière, comme perdus dans une boucle spatio-temporelle, qui sont tous susceptibles de permettre au joueur d'approcher de sa cible. On se surprend alors à rester planté deux-trois heures sur chaque mission rien qu'à observer le mouvement des personnages, les suivre, pour trouver la faille qu'on exploitera ensuite. C'est tout bête, un vendeur de beignet peut vous débarrasser du FBI si vous le souhaitez, mais pour cela il vous faudra passer du temps à étudier chaque recoins de l'aire de jeu pour comprendre comment cela est possible.
Les possibilités sont infinies, elles n'ont de limites que l'imagination du joueur, car absolument tout est possible et envisageable : accidents, trahisons, headshots,... Et le jeu n'en reste pas là, car même avec une excellente stratégie, il n'est jamais aisé de parvenir à ses fins, l'IA est sur ses gardes, et même déguisé en membre de la sécurité, les autres peuvent comprendre que ce n'est pas là leur collègue René à qui ils ont affaire.
Tout cela participe à l'immersion, et là encore, on est servi. Que ce soit par les thèmes absolument dantesques de Jesper Kyd ou simplement l'ambiance graphique et la crédibilité de la vie insufflée aux environnements (prenez les missions où il y a une grand rassemblement (carnaval, fêtes) et vous comprendrez de quoi je parle), tout est fait pour plonger le joueur pendant 2, 3, 4 heures ou bien plus encore dans une seule et même mission, seul devant l'absolue maîtrise, devant l'infini des possibles, devant un des plus grands jeux vidéo jamais créé, devant l'apogée moderne du média, avant que d'autres ne le tirent vers le bas.