Hitmarathon : 3/6
Dans le monde du jeu vidéo, on aime bien faire des remakes. Si la pratique est courante et décriée de nos jours, elle remonte à bien longtemps, et on considère généralement que le premier remake de l'Histoire est Castlevania 4, sorti en 1991, à peine 5 ans après l'épisode original.
Eidos, voulant probablement battre ce record, décide de sortir en 2004 Hitman Contracts, un jeu composé pour moitié de remakes de missions du Hitman original, sorti en 2000.
Je vais donc commencer par ces missions qui sont selon moi le gros point faible du jeu. Certes, c'est sympa de pouvoir refaire les meilleurs niveaux de l'épisode 1 sans les défauts de l'époque (absence de sauvegarde, IA merdique, les missions en Colombie sont ignorées…), d'autant qu'elles ont parfois subi beaucoup de changements qui peuvent surprendre les habitués (je pense à cette scène horrifique sortie de nulle part dans la mission hongroise). Néanmoins, elles représentent une part trop importante du jeu et elles sont toutes concentrées dans la seconde moitié, ce qui fait que le jeu n'a presque plus rien de nouveau à nous montrer au bout d'à peine 3 ou 4 heures (les premières missions sont assez courtes). Du coup, malgré un départ en fanfare, on s'ennuie poliment en attendant l'ultime mission, la seule de la deuxième moitié du jeu qui soit originale (et très courte elle aussi de surcroît).
Certains diront que l'existence de Contracts explique et justifie l'absence de portage de Hitman 1 sur consoles. L'explication ne me satisfait pas, d'autant que je trouve que les missions de la Triade en Chine étaient meilleures sur l'épisode originel, mais j'imagine que c'est mieux d'avoir Contracts que rien du tout si on veut découvrir la jeunesse de l'Agent 47.
Le scénario repose pourtant sur une idée de génie : après avoir échoué une mission, 47 se retrouve aux portes de la mort et se traîne péniblement jusqu'à sa planque. Blessé et délirant, il va y comater toute une nuit et revivre des missions de son passé, en fonction de stimulis extérieurs (une phrase entendue à la volée, un bruit d'hélicoptère…). La mise en scène des cinématiques CGI est superbe et donne envie de continuer l'aventure, pour comprendre comment 47 en est arrivé là…
Et c'est le souci de la fin du jeu, qui n'explique rien sur la situation de 47 et qui se contente de teaser un quatrième épisode. Une conclusion frustrante voire incompréhensible pour le joueur de 2004, car il s'avère que Contracts s'inscrit chronologiquement entre deux missions de Blood Money, qui ne sortira que deux ans plus tard. J'ai dû aller vérifier sur un Wiki si je n'avais pas loupé un détail, mais non, on est presque en face d'un DLC sorti avant le jeu auquel il est lié. Le monde du jeu vidéo ne cessera jamais de me surprendre.
Alors, visiblement Eidos a géré la licence comme un sagouin (ce qui n'étonnera aucun joueur de Tomb Raider) et a forcé la sortie d'un jeu en 2004, ce qui a poussé IO à sortir cet épisode à moitié recyclé et à moitié basé sur un extrait du script de Blood Money. C'est pas glorieux et j'aurais préféré que le scénario soit auto-suffisant, mais bon, ils ont fait ce qu'ils ont pu avec les moyens du bord.
On peut constater que le moteur graphique a assez peu évolué par rapport à Hitman 2, d'ailleurs. Je n'ai pas constaté de bug de physique, mais c'est à peu près la seule amélioration notable que j'ai relevée.
Cette sortie précipitée est dommageable, car le jeu propose tout de même de beaux morceaux de bravoure, en particulier dans ses missions originales. Que ce soit l'ambiance crade de la mission dans un abattoir transformé en lieu d'orgie par de riches décadents (toute ressemblance avec des personnes existantes blababla), celle pesante du manoir anglais organisant des chasses à l'homme ou même la toute première mission qui reprend au moment précis où Hitman 1 s'arrêtait, ces épreuves inédites sont des réussites. Comme dans Hitman 2, on peut toujours les exécuter de plusieurs manières, j'adore le manoir anglais pour ça car j'ai repéré au moins deux exécutions possibles pour chaque cible de la mission, sans compter la possibilité d'y aller en force !
L'OST du jeu est également mi-figue mi-raisin. J'apprécie la musique du premier niveau, rythmée, un peu électro-rock et qui pose le contexte de cette mission de fuite, mais je n'ai rien retenu d'autre et il y a assez peu de morceaux au total.
Et puis il va quand même falloir parler de ce final à Paris, où 47 doit s'enfuir de son hôtel assiégé par le GIGN. Depuis quand ils s'occupent des menaces sérieuses au lieu d'aller éborgner des manifestants ou arrêter des écolos ? Ma suspension consentie d'incrédulité a ses limites.
Déception pour ce troisième Hitman donc. Les bases de l'épisode 2 sont toujours solides et sont utilisées de belle manière, mais le soufflé retombe sur la fin et un arrière-goût de déjà-vu m'empêche de l'apprécier totalement. Hitman 2 a des moments de faiblesse que Contracts n'atteint jamais, mais il a aussi deux fois plus de missions et une histoire mieux ficelée, qui m'ont au final beaucoup plus amusé que ce gloubi-boulga relativement insipide.
Je souhaite que Blood Money rattrape le coup, j'aurais de la peine pour les fans sinon.