Dans le port d'Amsterdam, y'a des baltringues qui déchantent

Hitmarathon : 1/6


J'ai fait mes adieux à Snake, mais je n'en ai pas fini avec les jeux d'espionnage de mon backlog ! Alors hop, on enchaîne sur les Hitman pré-reboot.

C'est une série que j'ai envie de découvrir depuis très longtemps, m'étant beaucoup amusé à regarder Usul souffrir sur le premier jeu à la grande époque du 3615. J'avais même acheté la compilation des quatre premiers opus dans la foulée et j'avais lancé ce premier épisode… Avant de finalement décider de rejouer à GTA San Andreas, ce qui remisa l'assassin aux calendes grecques. Alors voilà, 11 ans plus tard, je m'attaque enfin sérieusement à l'opus fondateur de la licence.


Hitman propose une approche de l'infiltration très différente de MGS. L'Agent 47 se fiche d'être vu, ce qui importe, c'est d'avoir un habit et un comportement cohérent pour passer inaperçu parmi la foule et les gardes. Portez un costume de mafieux et vous aurez accès à des lieux auxquels un civil ne peut pas accéder, mais évitez de vous faire repérer avec une arme qui n'est pas utilisée par la pègre locale, par exemple.

L'idée est super bonne, on l'avait d'ailleurs croisée dans le tout premier Metal Gear, mais elle n'a pas été beaucoup exploitée par Kojima. Ici, il y a aussi tout un système de dialogue avec des PNJ, de cadavres à cacher pour éviter qu'ils ne soient repérés par des gardes, d'objets à ranger dans ses poches, etc. Bref, c'est très complet ! Notons aussi que les lieux visités sont très vastes et qu'il n'y a aucun temps de chargement au sein d'une mission, ce qui donne un aspect très bac à sable à l'oeuvre.


Malheureusement, ce n'est pas un aspect qui est vraiment exploité dans ce premier épisode. Il n'y a souvent qu'une seule manière d'effectuer une mission, là où les suites (de ce que j'ai vu de la trilogie reboot en tout cas) laissent un large choix de possibilités au joueur. Cette première aventure est donc plus linéaire ce qui, couplé aux énormes maps et à un manque d'indication quelque peu pervers, vous garantit de tourner en rond pendant longtemps et de mourir à de multiples reprises, avant d'enfin comprendre le chemin de pensée que les développeurs voulaient que vous suiviez.


Et attention, parce que même si vous comprenez ce qu'on vous demande et que vous l'effectuez parfaitement, rien ne garantit que vous réussirez. On est en effet à la merci de l'IA adverse, qui va parfois décider de vous laisser tranquille alors que vous effectuez un bruyant massacre dans la pièce d'à côté, et qui parfois va se dire que vous avez une sale gueule et vous envoyer des gardes depuis l'autre bout de la map, sans raison.

Et Dieu vous vienne en aide si vous vous retrouvez dans un scénario de fusillade, parce que la moindre balle qui entre en contact avec votre auguste crâne peut vous enlever plus de 50% de vie. Il n'est vraiment pas rare de croiser un type, le voir épauler son arme avant que vous ne puissiez dégainer, et perdre en moins d'une seconde votre vie pourtant intacte jusque-là. Vous pouvez acheter un gilet pare-balles, mais il semble y avoir un système de localisation des dégâts puisqu'il m'est arrivé de sortir d'une fusillade avec un pixel de vie, mais avec mon pare-balle encore à 100%.


Et c'est marrant (enfin, façon de parler), parce que le jeu a la même tare que le premier MGS : il force à plusieurs reprises des fusillades à avoir lieu (il n'y a pas d'issue pacifique au chapitre en Colombie, à l'infiltration du bateau hollandais ou au niveau final) alors que notre personnage est bien trop rigide et fragile pour que ce soit amusant. Et puis c'est quand même une trahison de l'esprit de l'infiltration, dans ce genre de jeux, tuer un garde devrait être le dernier recours pour empêcher une alerte, pas un passage obligé.


Et puis, même dans les niveaux qui ne requièrent pas de passer en mode Rambo, on n'est pas toujours bien guidés. Prenez celui en Hongrie qui m'a rendu fou : on nous demande d'entrer dans un hôtel pour tuer un type et voler une bombe. Je trouve assez facilement une astuce pour rentrer discrètement dans sa chambre et les tuer, lui et ses deux gardes, et je trouve même une mallette pour transporter une bombe. "Mission accomplie", me dis-je en me dirigeant vers la sortie, sauf que rien ne se déclenche. En fouillant le courrier du mec, je découvre qu'il échange des politesses avec un autre type. Eh bien, même en parlant avec tous les PNJ de l'hôtel, il faut deviner que cet autre type est dentiste, qu'il a un cabinet dans l'hôtel (quel palace n'a pas son propre dentiste, je vous le demande), qu'il fait partie de la conspiration et qu'il stocke la bombe dans son cabinet, bombe qu'il faut ranger dans la mallette que vous avez volée, dont rien n'indiquait qu'elle était vide.

Je veux dire, tout ce cheminement de pensée aurait été dix fois plus compréhensible si le courrier entre les deux gars avait été un poil plus explicite, et si la mallette de transport avait un petit "(vide)" à la fin de son nom. Je ne dis pas qu'il faut toujours tenir le joueur par la main, mais il y a quand même un juste milieu entre ça et le laisser totalement dans le flou alors que la mission est semble-t-il accomplie.


Le plus étonnant, c'est que parfois le jeu guide bien le joueur. Dans la première mission en Colombie par exemple, on doit voler une statuette pour la ramener à une tribu locale. En arrivant au village, les indigènes sont hostiles, mais un message s'affiche pour nous dire de tout de suite leur montrer la statuette. Ce n'est pas quelque chose que j'aurais fait intuitivement, donc ce genre de message qui nous évite un Game Over bête et méchant est bienvenu. Mais ça arrive peu souvent dans le jeu.

Non seulement les Game Over sont fréquents, mais en plus ils sont très punitifs. On ne peut pas sauvegarder où on veut dans le jeu, on est donc dépendants des checkpoints placés par les développeurs, qui sont parfois très peu utiles. Pire, chaque mission ne vous offre qu'une à trois tentatives avant de vous tuer définitivement, et vu la rapidité avec laquelle vous perdez votre santé, c'est très peu. D'autant que l'IA continue de vous traquer même après vous avoir tué, donc la mort ne remet même pas votre niveau de recherche à zéro.


En fait, parmi les 5 chapitres du jeu, le seul que je trouve vraiment réussi est le tout premier, à Hong-Kong. Toutes ses missions sont faisables en ne tuant que les cibles désignées par notre employeur, elles vont crescendo en termes d'ampleur ce qui permet de bien s'habituer aux systèmes de jeu, et la dernière qui est de loin la plus complexe est bien définie dès le départ et les PNJ t'orientent dans la direction où fouiller. Par chance, c'est le seul chapitre avec 4 missions, tous les autres alternent entre 1 et 3, donc même d'un point de vue narratif c'est le plus complet.

Je ne vais d'ailleurs pas m'attarder sur le scénario qui n'a rien d'exceptionnel, même s'il arrive plutôt bien à introduire notre héros et son origin story et à jouer avec les clichés des tueurs à gages, comme le fait de dissimuler un fusil dans un bouquet de fleurs. Notez que si vous êtes en manque de références cinématographiques, vous en trouverez une très appuyée à Scarface, au point où je me demande comment le jeu a pu éviter un procès d'Universal.


Le jeu est plutôt beau pour son époque, il ressemble beaucoup à Half-Life avec ses textures détaillées et ses PNJ qui n'ont que deux frames d'animation pour parler, j'aime bien cette ambiance à mi-chemin entre la N64 et la PS2. En revanche, sa distance d'affichage est médiocre, ce qui n'est pas très grave dans les missions ayant lieu dans des bâtiments mais qui casse bien les couilles dans les zones ouvertes, comme la Colombie ou le port aux Pays-Bas. On n'y voit pas à 10 mètres devant nous, ce qui permet souvent aux ennemis de nous prendre en embuscade, en particulier en Colombie vu que ces enfoirés se camouflent.


SI je devais citer quelques autres petits défauts, je dirai que c'est chiant de ne pas avoir un bouton qui affiche la carte du niveau directement. Il faut aller dans un sous-menu, ça casse trop le rythme alors que c'est vraiment utile dans certaines sections (la Colombie est décidément le pire niveau du jeu vu que tout se ressemble).

Le jeu inclut également un système pour acheter des armes au début de chaque mission, mais je le trouve franchement superflu. L'idée est bonne puisqu'on est censés gérer l'argent qu'on gagne à la fin de chaque mission, mais l'exécution est plus que bancale vu que les récompenses sont largement supérieures à nos dépenses. On n'a donc aucune raison de ne pas investir dans toutes les armes disponibles, sauf cas exceptionnel (les détecteurs de métaux dans la mission hongroise). L'argent restant à la fin de l'aventure ne sert à rien, on dirait un système de scoring dans un jeu d'arcade mais sans le classement des meilleurs joueurs.


J'ai fait quelques recherches pendant ma partie, visiblement ce premier épisode est le moins populaire auprès des fans. Sans avoir joué aux autres opus, je comprends ce sentiment. Malgré ses bonnes idées, il est buggé, vraiment difficile et mal rythmé. Il y a clairement du potentiel dans le concept (si tout le jeu était au niveau d'Hong-Kong, je lui aurais mis au moins 7), et je ne suis d'ailleurs pas fermé au fait que notre héros meure en deux coups s'il se fait repérer, mais il faut que le défi soit mieux équilibré. Là, je pense que c'était trop ambitieux au vu des moyens du studio et de l'IA de l'époque. Et ce n'est probablement pas un hasard que le jeu ne soit jamais sorti sur consoles, à l'inverse de toutes ses suites.

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le 13 août 2024

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