« Curieuse, déterminée, inarrêtable mais avec la compassion pour rendre le monde meilleur »

Le néerlandais Mathijs de Jonge revient en game-director après ses 8 ans d’absence suite à Killzone 2 et quel retour puisqu’il arrive non seulement avec une toute nouvelle licence pour Sony, mais surtout avec le sentiment d’apporter quasiment un second souffle à son studio, Guerilla Games, souvent considéré comme second couteau des studios en partenariat avec Sony pendant près de 10 ans. Horizon Zero Dawn promet à l’image à l’E3 2015 l’ouverture de son monde, l’originalité de son esthétisme, l’excellence de sa réalisation… et on va voir si tout ça fut à la hauteur de mes attentes. Je vous propose pendant cette lecture l’écoute de la chanson amateure Force of Nature rendant hommage au jeu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 9 / 10



Si les membres de Guerilla Games ont toujours su s’inscrire parmi les développeurs de Sony les mieux à même de démontrer la puissance de leurs machines avec les Killzone, le défi était autrement plus relevé avec Horizon qui prenait place dans un monde ouvert à la direction artistique très différente. Pourtant, Horizon Zero Dawn est une des plus belles vitrines technologiques de la Playstation 4 et un modèle d’optimisation. La version PS4 vanilla est à 30 FPS constants sans aucun accroc et en 1080p natif alors que la version Pro propose la 4K ou une fluidité encore plus optimale, exactement comme les choses devraient toujours être. Que ce soit l’intensité de l’antialiasing, la distance d’affichage nette, la gestion dynamique de la lumière, la qualité des effets de particules, la décomposition des animations… tout est irréprochable ou presque.


Quand je dis presque, c’est qu’il peut y avoir quelques défauts rarissimes et très légers sur ces différents aspects, mais c’est négligeable, le seul compromis technique c’est la longueur des temps de chargement qui ne sont pas assez nombreux pour constituer un problème. Même si on veut être tatillon sur des petits détails comme l’interface ou les menus, on ne peut pas tant ils sont ergonomiques et personnalisables à souhait. La réalisation d’Horizon Zero Dawn est une des plus impressionnantes de la 8ème génération de console dans le milieu du monde ouvert et ridiculise complètement celle de Breath of the Wild chez Nintendo qui peinera précisément sur ce sujet quelques jours plus tard.


Les environnements naturels parsemés de vestiges architecturaux et technologiques, habités d’une vie sauvage continue et diversifiés dans leurs couleurs dominantes sont absolument splendides à découvrir et à explorer. C’est d’autant plus vrai que ça se mêle à un cycle jour / nuit et à une météo dynamique qui les renouvellent constamment et avec beaucoup d’efficacité. J’ai perdu le compte du nombre de fois où je me suis juste arrêté de jouer pour me dire que ce que je voyais était d’une beauté tellement incroyable qu’il fallait que je sache simplement l’apprécier posément.


Le chara-design est quant à lui souvent original et toujours très stylé pour notre protagoniste, féminin mais loin d’être hyper sexualisé, et les personnages principaux avec une multitude de détails et de petites excentricités pour marquer les différences esthétiques entre les cultures rencontrées. Mais évidemment, ce sont les machines aux allures de dinosaures qui sont les stars du jeu et qu’est-ce qu’elles sont bien faites ! J’ai déjà parlé de la qualité des animations, allant jusqu’à traîner la patte lorsqu’elles sont blessées, mais même le niveau de détail de leur corps et de leur équipement qui peut se défaire au fur et à mesure des coups, et même parfois être réparé, est tout simplement prodigieux.


Le seul vrai défaut, puisqu’il faut en trouver un, c’est que la mise en scène des cinématiques est souvent assez simpliste avec quelques animations faciales exagérées qui peuvent aussi entacher un peu le tableau, mais vraiment bien peu. Par contre, je regrette qu’il y ait eu autant d’efforts de fait sur les premières cinématiques qui me semblent être les plus travaillées de tout le jeu, comme si c’était plus un produit d’appel qu’une démarche artistique, ce qui me frustre un peu. Après, il y a une continuité qui en résulte entre les cinématiques et le temps réel avec un piège posé en jeu qui va figurer dans la cinématique par exemple, donc même sur ce point peut-être un peu plus faible que les autres il y a toujours des qualités à y voir.


Quant à l’OST, j’apprécie notamment les petites envolées lyriques de la vocaliste Julie Elven mais sinon l’ensemble des musiques est réussi de manière générale avec un style hybride entre le tribal et le futur avec plusieurs compositeurs qui ont un peu mélangé ces styles dans lesquels chacun s’était spécialisé avant de les combiner. Le sound-design est très efficace aussi bien pour :
- instaurer une ambiance immersive, les échos se faisant bien entendre en montagne...
- renseigner des informations ludiques, si l’on vient de toucher un point faible, si un ennemi nous recherche plus ou moins activement…


Seuls quelques légers soucis de synchro-labiales, mêmes en VO, peuvent se poser sur des PNJ très secondaires, là encore c’est parfaitement négligeable. Maintenant, cette excellence technique et esthétique vaut-elle pour les autres aspects du titre ?



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



Le maniement en vue subjective est de très bonne qualité avec une visée ni trop assistée ni pas assez comprenant un bullet-time des plus appréciables, un ensemble de différentes armes aux tirs très différents, des attaques au corps-à-corps visant automatiquement l’ennemi en face et à portée sans mauvaises surprises, des esquives salvatrices sans être miraculeuses selon leur juste utilisation… C’est très dynamique et très technique, un pur plaisir à se prendre en main qui demande bien sûr à être mis en corrélation avec des situations de jeu l’exploitant, ce qui est le cas la grande majorité du temps.


La localisation des dégâts est très poussée avec différents composants attribuant des possibilités offensives comme défensives à l’ennemi robotique et que l’on peut tout particulièrement cibler avec la munition adéquate après l’avoir analysé en temps réel. Quand on combine ça avec les différents éléments tels que le feu, l’électricité, le froid… on arrive à tout un système de jeu bien pensé et bien équilibré. Les défis et les quêtes de didacticiel peuvent constituer un moyen assez efficace de l’appréhender même si ce n’est pas toujours très subtil et par moment trop frustrant dans l’exécution tant les critères de réussite sont spécifiques et redondants.


Le bon équilibre de ce système se retrouve aussi dans le bestiaire qui se scinde très pertinemment en 3 catégories : les proies fuyant devant nous mais pouvant quand même se défendre, les charognards qui auront tendance à attaquer en groupe en tendant des embuscades ou à alerter leurs copains et les prédateurs particulièrement dangereux et agressifs même seuls. C’est tout un écosystème qui s’en dégage en toute cohérence. De la même manière, leurs forces et faiblesses respectives constituent un assez bon équilibrage à leur niveau et le jeu a la bonne intelligence de les mélanger tout en nous laissant la possibilité de les faire se retourner les uns contre les autres.


On perd un peu de cette superbe quand se retrouve à affronter les humains même si en fait ils sont implémentés dans ce système assez intelligemment à l’occasion en donnant par exemple l’accès à des armes lourdes pour se faciliter la tâche face aux plus puissants ennemis robotiques de la zone. Il n’y a que lorsque les ennemis sont seulement humains que ça peut être plus générique et ne pas exploiter une grande partie de forces du jeu, mais ça reste correct et c’est loin d’être l’essentiel de l’expérience de jeu, donc ça ne me pose pas trop de problème pour être honnête.


Au rang des défauts plus palpables : les capacités d’infiltration sont très limitées en nombre avec l’impossibilité déplacer les corps même légers, l’arbre de compétences est des plus basiques et génériques, la contextualisation des mouvements peut un peu cafouiller à l’occasion… pas de quoi réellement pénaliser l’expérience de jeu donc je ne le reproche pas plus que ça non plus mais ça fait partie des limites du gameplay. De façon un peu plus subjective, j’ai trouvé que le fait de faire le jeu à 100 % comme je l’ai fait a donné beaucoup trop de puissance à Aloy, j’ai fini le jeu en difficulté très difficile, 5ème cran sur 6, à mon premier run et j’avais du mal à trouver encore du challenge en dehors des machines les plus puissantes à la toute fin de l’aventure.


Donc il y a un contenu assez massif, une quarantaine, voir une cinquantaine d’heures, pour bien faire les choses, mais la difficulté ne s’y adapte pas nécessairement et les possibilités offertes par le mode New Game + arrivent un peu tard, rien de gravissime mais ça symbolise assez bien ce que je pense du gameplay et du contenu. Le maniement est tellement agréable et le système de jeu tellement bien pensé que tout ça n’est pas très dommageable. Horizon Zero Dawn profite d’un excellent gameplay tout en étant très généreux dans sa durée de vie, il lui manque simplement une maîtrise plus grande sur tous ces petits détails pour prétendre à plus. On reste donc sur un excellent constat, le sera t-il encore sur sa partie scénaristique et narrative ?



SCENARIO / NARRATION : 7 / 10



Si le prologue du jeu de quelques heures présente le personnage d’Aloy d’un charisme à toute épreuve, quelques choix pour définir sa personnalité de temps à autre ou encore des morts brutales pour une intrigue mature à la narration intense, le reste du jeu ne parviendra qu’occasionnellement à retrouver ses grandes qualités. Le scénario est finalement souvent en retrait quand on regarde combien de temps on passe sur des quêtes non ou peu scénarisées, et le monde ouvert devient un frein à la narration comme ce fut si souvent le cas durant les années précédentes ou seuls quelques perles comme The Witcher 3 ont pu échapper brillamment à cet écueil.


Une autre lourdeur narrative serait que l’on pourra en apprendre plus sur l’univers et le scénario par la lecture de textes et de journaux audio qui sont trop concentrés sur des passages précis où tu viens de jouer pendant 5 heures sans que le scénario avance et là tu vas passer une heure à te concentrer exclusivement sur le scénario et rien d’autre, un rythme bien peu maîtrisé. Ça n’empêche pas l’intrigue de se développer mais ça lui pose des limites et c’est dommage quand on pense au potentiel. C’est le scénariste en chef de Fallout New Vegas, John Gonzalez, qui est aux commandes ici et on retrouve bien sa patte avec par exemple ces différentes factions plus ou moins en conflit à travers un monde qu’on explore en découvrant un peu tout ça avant de prendre parti au moins théoriquement


Néanmoins, les choix sont trop souvent non proposés alors qu’ils sont explicitement annoncés. Ça arrive dans une quête secondaire ou un PNJ nous tend une embuscade et essaye de nous tuer pour nous piller, on tue ou on fuit ses hommes au choix mais quand on le retrouve pour finir la quête on ne peut rien faire de plus que le sermonner, pourquoi ne pas avoir laissé le choix de l’exécuter, de l’épargner, de le racketter… Le même problème pourra aussi se poser dans la quête principale avec un ennemi que l’on a ordre de capturer vivant alors que notre coéquipier veut le voir mort, ce n’est qu’une question de bon sens de nous laisser alors le choix tant c’est amorcé comme ça mais au final aucun choix ne sera possible, frustrant.


Un premier pas est fait pour laisser au joueur la possibilité de se réapproprier un peu le personnage d’Aloy, mais ça ne va pas beaucoup plus loin et c’est dommage tant ça s’y prêtait bien. C’est un peu pareil pour la richesse de l’univers et notre découverte progressive de celui-ci qui sont superbement amenés par la fin du prologue, qui repose sur des bases solides et réfléchies… Au final, on est en face d’une quête du héros très efficace mais très simpliste en réalité : une héroïne quasiment prophétique va en apprendre plus sur ses origines extra-ordinaires pour vaincre un ennemi absolu qu’elle seule peut vaincre pour sauver l’humanité, les fleurs… C’est plutôt bien construit mais sans grande originalité ou ambition pour un scénario plaisant, intelligent, mais qui ne peut pas prétendre à l’excellence.


Ce qui fait passer la pilule pour moi c’est la pertinence des sujets traités sous prétexte de cette quête, l’écologie en tête mais également d’autres thèmes comme le progrès scientifique, le féminisme… Ce sont des thématiques progressistes très adéquats à l’époque de sortie du titre, qui ont même été pensées 6 ans auparavant, qui ont même vraisemblablement fait partie des fondements du projet, et c’est ce que j’ai envie de retenir de cette intrigue que j’ai bien aimé tout de même. Elle a ses fulgurances et bonnes idées portées par une protagoniste charismatique qui en constituent une expérience narrative tout à fait correcte.


J’ai apprécié également, de façon peut-être plus secondaire, les efforts portés par le jeu pour justifier scénaristiquement des aspects ludiques, comme l’interface via le focus, ou des choix esthétiques, comme les explications de Gaïa sur ses sentiments vis-à-vis de l’extinction des créatures préhistoriques… Ça démontre bien le soin apporté à ce travail s’il fallait encore s’en convaincre et c’est pour cela que je lui accorde une sous-note très correcte, mais inférieure aux autres catégories. Il est donc temps maintenant de conclure tout ça !



CONCLUSION : 8 / 10



Guerilla Games s’élève avec Horizon Zero Dawn pour nous faire découvrir un monde ouvert magnifique à la direction artistique originale et à la réalisation impeccable, un système de combat des plus souples et dynamiques dans un système de jeu riche et bien équilibré, enfin une intrigue intelligente que l’on prend plaisir à suivre. Quel dommage que cette dernière soit limitée par un manque d’ambitions narratives face aux géants du genre et quelques aspects ludiques manquant de maîtrise, autrement on tiendrait là un jeu grandiose qui est tout de même un incontournable de sa console et même de toute sa génération pour moi.

Créée

le 10 juil. 2019

Critique lue 277 fois

4 j'aime

damon8671

Écrit par

Critique lue 277 fois

4

D'autres avis sur Horizon: Zero Dawn

Horizon: Zero Dawn
Aelphasy
9

Un chef d'oeuvre, ou presque ?

EDIT 28/09/23 : avec le recul, et pour cette critique seulement je pense, j'estime ma note trop haute... On est plus sur un excellent 7/10 ou un solide 8/10. J'aime le jeu, mais j'ai fait du zèleIl...

le 28 sept. 2023

70 j'aime

23

Horizon: Zero Dawn
CeriseKat
5

Ivre, il réussi à finir Horizon Zero Dawn

A Paris, les joueurs de Horizon Zero Dawn l'ont déjà tous fini depuis mi mai, cependant, un joueur faisant parti d'une unité spéciale appelée "unité spéciale pour les jeux de merde" a galéré à le...

le 21 août 2017

36 j'aime

13

Horizon: Zero Dawn
Elodie_Drouard
9

Le meilleur jeu de l'année sur PS4 ?

Après Uncharted 4 et The Last Guardian, les possesseurs de PS4 ont, une nouvelle fois, une bonne raison de se frotter les mains. Car Horizon Zero Dawn, l’exclusivité Sony développée par le studio...

le 17 mars 2017

20 j'aime

8

Du même critique

Mass Effect
damon8671
8

Un début certes imparfait mais à l'univers incroyablement prometteur

Après le formidable succès de KOTOR dont il fut game-director, Casey Hudson veut repartir dans l’espace et répéter les grandes qualités des meilleures productions Bioware déjà existantes mais en...

le 24 août 2013

35 j'aime

11

The Thing
damon8671
9

Matters of trust

Premier film de la trilogie de l’Apocalypse de John Carpenter, série de films d’horreur dans lesquels un mal absolu semble rapprocher l’humanité d’un apocalypse inéluctable, The Thing est l’un des...

le 28 oct. 2023

25 j'aime

3

Super Mario Sunshine
damon8671
8

Ambiance prononcée, gameplay riche et original & réalisation bien vieillissante

J'ai joué à tous les Mario 3D (parce que je les distingue véritablement des Mario 2D) et Super Mario Sunshine est mon préféré parmi ceux-ci, ce qui n'est quand même pas rien vu l'excellence de la...

le 22 oct. 2013

23 j'aime

7