Un Mario Kart-like / Burnout-like injustement sous-estimé

Après avoir co-dirigé Jak & Daxter 3 et avant de se lancer vraiment dans le grand bain pour Naughty Dog avec Uncharted, Amy Hennig dirige la fin de Jak & Daxter sur Playstation 2, de la même manière que Jason Rubin pour Crash, avec un Mario Kart-like 2 ans après Mario Kart Double Dash qui ne subissait pas alors une concurrence très féroce sur son terrain de jeu il faut bien le dire. C’est sans doute pour ça qu’il est très apprécié sur sa génération, pas grand monde peut prétendre à le détrôner donc ce Jak X avait réellement une carte à jouer en plus d’être pleinement cohérent dans le traitement de saga vu la réussite passée de Crash Team Racing. Pour savoir s’il y parvient, je vous propose l’écoute de Rev Up pendant la lecture.

GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10

Le maniement de base confirme belle et bien que nous sommes en présence d’un Mario Kart-like, boosté à la manière d’un Burnout mais la base pour moi c’est Mario Kart. On y retrouve toutes les mécaniques fondamentales habituelles : on ne freine pas mais on dérape pour gagner du turbo, on collecte des objets pour retourner la situation en s’attaquant aux autres, on trouve des raccourcis bien pratiques en utilisant habilement notre turbo, on ne peut pas réellement distancer ces adversaires gérés par l’IA et inversement... Jusque-là le jeu respecte parfaitement le cahier des charges de son genre mais ça serait vraiment une erreur de s’arrêter à ce constat puisque le jeu est bourré d’idées qui lui sont propres.

Les objets à collecter ne sont pas mélangés mais distincts sur la piste et demande de choisir entre l’attaque, la défense, la vitesse et le soin selon nos besoins dans l’urgence, ce qui évite le syndrome de l’item sans intérêt dans la situation où on se trouve. Il y a des améliorations pour les véhicules à débloquer selon le score réalisé à la fin de la partie, gagnante ou non, et ça permet de rendre moins frustrants les échecs, parfois très dû à une dimension aléatoire, là où un grand prix de Mario Kart réalisé pour rien est si souvent arrivé. Jak X profite d’une certaine originalité qui s’accompagne également d’une qualité très honorable.

J’ai envie de l’illustrer avec une certaine progression de la difficulté dans l’agencement des circuits, nombreux, longs, travaillés... Par exemple, au début chaque tremplin dans le circuit est à prendre avec un saut au préalable pour aller au plus vite dans la ligne droite qui suit puis les circuits se complexifient et ce tremplin peut être un piège puisqu’il amène immédiatement sur un virage très serré qui demande le comportement exactement opposé, mais pas toujours. Ça demande donc un temps d’apprentissage du circuit et une utilisation différente d’une même mécanique pour un jeu qui n’est pas brouillon et qui ne manque pas de technique ou de subtilité comme j’ai pu le lire.

Enfin, Jak X est assez généreux en contenu pour son genre avec une douzaine de modes de jeu, une douzaine de personnages, une bonne vingtaine de pistes... et surtout un mode aventure de presque 10 heures qui permet de débloquer tout ça pour ensuite pouvoir prolonger l’expérience en multi, local et online. Bon évidemment, ce dernier est inaccessible depuis le temps sur PS2 mais c’est tout de même un bel effort à la sortie et une nouvelle plus-value par rapport à son concurrent sur Gamecube.

En somme, si vous êtes fan de Mario Kart et que vous voulez retrouver le gameplay identique à Mario Kart, c’est sûr que Jak X n’est pas des plus adaptés mais à partir du moment où on accepte ses variations, pour moi le gameplay est à la fois original, réussi et généreux. Je ne suis absolument pas d’accord avec tous ceux qui le trouvent illisible, approximatif, bourrin... et j’irais même jusqu’à dire que je le préfère sur ce point à Mario Kart Double Dash qui s’il appliquait très bien sa formule n’était pas très audacieux et se bouclait très vite.

RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10

Bien que sorti en 2005, le jeu n’a pas vraiment l’allure d’un jeu arrivant en fin de génération sur le plan technique il faut bien l’avouer. C’est plutôt joli et plutôt fluide mais c’est vrai qu’il n’y a rien de bien spectaculaire là-dedans compte-tenu de son contexte de sortie ou des standards de Naughty Dog. Le clipping est assez prononcé sur certaines arènes notamment, les cinématiques ont une mise en scène un peu molle par rapport aux Jak & Daxter traditionnels en dehors de l’intro, il n’y a que 6 pilotes sur la piste... néanmoins le jeu a de vrais qualités à faire valoir sur la question.

L’une de ces qualités pour moi c’est d’abord la personnalisation esthétique assez poussée des véhicules, qui sont plus des buggys que des karts, avec une matérialisation progressive et localisée des dégâts. Franchement, c’est assez bluffant pour le coup avec un véhicule vraiment à moitié désossé et en flammes lorsqu’il est bien endommagé et les éléments que l’on peut modifier sont nombreux et stylés. On est loin de la personnalisation offerte par un bon vieux Need for Speed par exemple mais c’est quand même déjà pas mal du tout je trouve et c’est assez rare dans les Mario Kart-like.

Le jeu arrive à être fluide malgré une vitesse parfois très élevée, notamment vers la fin du jeu dans le mode chrono où c’est beaucoup plus nerveux qu’un Mario Kart et la sensation de vitesse est très bien rendue. Les ralentis, que l’on peut désactiver s’ils ne nous plaisent pas, à chacune de nos morts ou de nos tueries bien utiles offrent là également un bon feed-back pour renforcer la frustration de se faire dégommer ou le plaisir de dégommer autrui sans particulièrement nuire au rythme de l’action en ce qui me concerne.

Un point qui me laisse un peu mitigé par contre c’est les environnements qui sont variés et cohérents par rapport à l’univers mais qui manquent un peu de vie. On aurait pu imaginer se balader dans un nid de Metal Heads avec ses charmantes créatures traversant la route à certains moments par exemple. Il n’y aura jamais que nous et nos concurrents sur la piste, de la même manière que les pistes n’évolueront pas d’un tour à un autre, ce qui est un peu dommage et empêche le jeu d’être plus que simplement réussi sur la question.

Sinon, l’OST est très différente des Jak et même des jeux Naughty Dogs habituels, Josh Mancell n’y a pas travaillé alors qu’il avait signé jusque là les compositions de tous les jeux de Naughty pour Sony, avec un mélange entre du rock et de la techno pour coller à l’ambiance et ça marche très bien. Évidemment, c’est un style assez tranché qui ne plaira pas à tout le monde mais moi ça me convient tout à fait. Réalisation et esthétisme sont donc tout à fait solides, s’il y avait mieux espérer du studio vers la fin de vie de la console, ça reste réussi.

SCENARIO / HUMOUR : 6 / 10

Bon, le prétexte scénaristique lançant le mode aventure est un peu idiot mais c’est assez marrant, ce qui vaut pour une grande partie du scénario en règle générale. Il y a des blagues qui feront forcément mouche, par exemple pour moi c’est Pecker qui commence à montrer toutes les situations périlleuses auxquelles Jak a survécu, on voit des boss, des ennemis puis Jak entre Keira et Ashelin, c’est très basique et très succinct mais ça suffit à me faire esquisser un sourire et ça m’est arrivé plus d’une fois.

Néanmoins, je trouve que le scénario est un peu trop présent pour au final avancer bien plus lentement que nos buggys. Le premier acte se termine par exemple sur l’affrontement avec une machine qui ne parle pas et qui est juste là pour que Jak & Daxter se vantent d’être meilleurs que la machine programmée pour leur être supérieur, c’est très léger et ça fait remplissage. Je ne vois pas comment ce passage a pu être réellement réfléchi, ils avaient juste besoin de scénario pour habiller le truc et ils ont pondu un truc bateau à l’arrache, pas mauvais mais sans intérêt ou presque.

La seule vraie bonne idée de scénario c’est le tout dernier twist final. Il est plutôt bien trouvé en soi, offre un petit degré de relecture à certaines scènes mais ça ne va pas non plus très loin et je pense qu’il aurait eu davantage sa place en milieu de partie pour la relancer avec une première fin qui ne serait en fait qu’une péripétie pour nous amener vers une seconde partie de l’aventure plutôt que cette fin ouverte assez étrange comte-tenu du fait qu’il n’a jamais vraiment été question d’en faire une suite.

C’est dommage car cette forte présence du scénario fait que Jak & Daxter sont imposés comme protagonistes de l’aventure alors que le prétexte était tout trouvé pour qu’on puisse jouer d’autres personnages plus secondaires habituellement et ça m’aurait fait vachement plaisir que de les voir mis en avant par ce biais. Mais là c’est pas possible vu que tout est du point de vue de nos deux héros. Il aurait soit fallu mieux développer le scénario en place, soit le placer plus en retrait pour s’autoriser plus de choses.

D’ailleurs, un truc qui ne trompe pas c’est que les personnages inédits sont assez peu marquants dans l’ensemble. Seule Rayne pourrait tirer son épingle du jeu mais elle a trop peu de présence finalement. Il y a trop d’antagonistes inutiles créés juste pour se faire battre et c’est tout le travail des épisodes précédents sur les personnages emblématiques qui donnent du caractère à tout ça. Je pense que quelqu’un qui appréhende l’univers des Jak & Daxter avec ce jeu ne pige pas la moitié des références et trouve qu’il y a trop de personnages pas développés. On peut toujours saluer l’effort d’avoir porté un scénario dans un Mario Kart-like mais bon…

CONCLUSION : 7 / 10

Jak X est d’une grande générosité dans son contenu et de très bonne qualité dans son gameplay, probablement l’essentiel, mais il souffre pourtant d’un accueil critique tiède et c’est le seul jeu de Naughty pour Sony à ne pas franchir le million de ventes. J’admets ne pas trop comprendre cela, certes le scénario n’est pas terrible et le jeu n’est pas une nouvelle référence technique mais ça reste un bon jeu pour autant et une belle concurrence à Mario Kart Double Dash, probablement la meilleure de sa génération.