Temps de jeu : 10 heures
Mon premier Jotun
Reçu dans le Humble Monthly Bundle de Janvier 2017
Passé complètement au travers de son destin sur Wii U, Jotun entend bien prendre sa revanche sur Nintendo Switch (eShop). Face aux titans qui se dresseront sur sa route, Thora parviendra-t-elle à se faire une place au Valhalla et, plus encore, dans les meilleurs jeux de la Nintendo Switch ?
Une histoire qui fout les Jotuns
Engloutie par les flots d’une mer déchaînée, Thora n’aura pas eu droit à la mort qu’elle souhaitait. Son drakkar coulé, son équipage noyé ou foudroyé, elle se voit non seulement privée de sa fin rêvée, mais aussi de son accès au Valhalla. Odin lui propose néanmoins un marché : Thora doit prouver sa valeur en sortant victorieuse des Jotuns, des créatures géantes à la force démesurée. Toute l’histoire du jeu se déroulera donc sur fond de mythes nordiques, un sujet rarement abordé dans l’univers vidéoludique ; et quand un studio s’y attaque, il en résulte souvent un titre rigolo, fun et coloré. Fort heureusement, le studio a eu la bonne idée d’en faire une œuvre plus mature, plus sérieuse. Ici, on y retrouve tout l’aspect épique et magique de ces contrées glaciales, protégées par une myriade de divinités, héros et autres aspects surnaturels. Ajoutez-y des doublages intégralement en islandais – une localisation française est disponible – et l’immersion fonctionne. Le scénario est résolument centré sur le monde qui entoure Thora, plus que sur l’héroïne elle-même. Seule ombre au tableau, l’univers aurait gagné à être plus explicite pour ceux qui ne connaissent rien à la mythologie nordique.
La direction artistique, enchanteresse, accompagne avec merveille un univers déjà fort de sa thématique. Tous les décors, personnages et animations ont été réalisés à la main, lui donnant l’aspect d’un dessin animé du plus bel effet. Les coups portés par Thora ou ses ennemis gagnent en dynamisme, à l’image des remarquables entrées en scène des Jotuns. Véritable merveille pour les yeux, le jeu se paie également le luxe d’afficher des ambitions de gigantisme, en attestent les boss ou même le level design. Avec une vue en 2D isométrique, notre héroïne semble toute petite, presque ridicule face à la toute grandeur de Mère Nature. Ce choix est tout autant artistique que scénaristique ; le joueur comprend instinctivement qu’il devra réaliser d’immenses exploits pour se frayer un chemin vers le Valhalla, qu’il lui faille affronter une armée de nains ou traverser d’immenses marais toxiques. La bande-son, signée par Maxime Lacoste-Lebuis, se montre à la hauteur, embellissant le voyage de bout en bout. Les affrontements de boss sont les moments qui en profitent le plus, marqués par des compositions épiques.
Odin donc, c’est beau !
Le périple de Thora est à l’image de la bande-son, comme scindée en deux parties. Là où Maxime Lacoste-Lebuis a su enrober les deux facettes du jeu avec brio, le gameplay lui-même n’y parvient pas. Si les combats contre les Jotuns sont mémorables de par leur grandeur et parfois leur difficulté, difficile ne pas s’ennuyer ferme lors des phases d’explorations. Si les cartes sont bel et bien grandes, elles sont également bien vides en contenu et visuellement redondantes ; ne pas s’y perdre se montre difficile, relevant parfois même du miracle, la faute à une carte approximative et à l’absence d’un pion représentant notre personnage. Pour accéder au boss, il vous faudra trouver et activer deux runes dans deux ou trois niveaux à la construction un poil bordélique ou peu inspiré. Jotun prend tout son intérêt lorsqu’on le finit une première fois, débloquant un mode où l’on peut affronter de nouveau les boss directement, jusqu’à plus faim. Ces derniers se montrent relativement coriaces, la moindre erreur de placement pouvant être critique, sans être fatale.
Toutefois, le niveau de difficulté entre les sept boss qui parsèment l’aventure se montrera très variable. Certains vous demanderont plusieurs essais pour les mettre à terre, tandis que d’autres – plus prévisibles – pourront être occis lors de votre première rencontre. Une difficulté supplémentaire est toutefois déblocable. Hormis les deux premiers boss, le joueur a le choix libre quant à l’ordre des affrontements. Une liberté agréable, plus encore lorsqu’on vous permet de récupérer tous les pouvoirs avant de les enchaîner à la queue leu leu. Ces pouvoirs, lesquels vous confèrent plus de dégâts ou une vitesse de déplacement accrue, sont des apports intéressants, mais pas indispensables. Sans être inutile, leur impact reste limité tant ils sont loin d’être surpuissants. La véritable difficulté du titre réside dans le maniement de Thora, lourd, mais surtout imprécis, ainsi que dans les graphismes littéralement plats ; mélangés à une vue en 2D isométrique, ils faussent trop souvent la perception des profondeurs de champ.
Verdict : Peut-être ?
Jotun avait tout pour plaire : un monde entièrement dessiné à la main, aux animations magnifiques et à la bande-son grandiose, le tout dans un univers marquant et faisant la part belle à un gigantisme saisissant ainsi qu’à une mythologie trop souvent délaissée par le média du jeu vidéo. Toutefois, impossible de passer outre les terribles tares du titre. Avec ses interminables phases d’exploration où tout se ressemble et où rien ne vient surprendre, son équilibrage en dents de scie et sa durée de vie relativement faible (environ six heures en ligne droite), pas de quoi sauter au plafond à la fin de ce périple viking. Pire encore, les combats se retrouvent parfois entachés d’une maniabilité approximative, notamment sur les étranges roulades de Thora, ainsi que des profondeurs de champ trompe-l’œil. Les boss et l’enrobage du jeu restent toutefois efficaces, en dépit d’un univers trop peu explicite.