Propos préliminaire
*Ceci est la troisième itération de ma critique sur le jeu Journey. Un signe définitif que ce jeu m'aura laissé tout sauf indifférent. Le signe également que j'aurais eu un peu de mal à en cerner parfaitement la démarche et la qualité. Ce n'est pas grave et même salvateur : Journey a cette qualité de provoquer le débat et la réflexion sur ce qu'est et ce que peut être le jeu vidéo. Sur son sens et sur ses mécaniques. Cette critique en est humblement la preuve !
Aussi, celle-ci se décompose en 3 parties. La première correspond globalement au premier texte que j'ai pu écrire sur ce jeu suite à mon premier run, la seconde à mon 2ème passage dans l'univers de Journey, puis cette critique s'achève avec une réflexion sur le jeu dans la continuité de plusieurs lectures effectuées sur le sujet.*
Le Premier Voyage : vivre, mourir et renaître
Si le film Le Roi Lion n'avait pas complètement fagocité l'expression, on pourrait aisément dire que Journey est une illustration du cycle de la vie. Un mouvement, une transition vers une nouvelle naissance symbolisée par ce mont lointain à la raisonnance utérine.
A ce titre, Journey est un titre fascinant car c'est avant tout une oeuvre esthétique, qui nous interpelle sur le sens des images qui nous sont présentées et de notre action dans un monde épuré mais en mouvement. Journey ne peut pas laisser indifférent les esthètes que nous sommes tous en tant que joueurs. Car il est aussi désespérément beau qu'il est désespérément court. Le travail des développeurs nous force à nous perdre dans les paysage, dans la sérénité qui s'en dégage, dans la tension que l'on perçoit par moment.
Mais au-delà de l'oeuvre, que l'on peut aimer ou pas, mais qu'il faut saluer, se situe le jeu. Beau, très beau, nous l'avons déjà dit. Court, très court, idem. Le gameplay est minimaliste en ce qu'il s'apparante à un jeu de plate-forme 3D light. C'est simple, voire simpliste, mais c'est intuitif et donc accessible à tous. Notre totem, ce mont illuminé, guide nos pas durant une grande partie de l'aventure.
Mieux, votre voyage peut être effectué en compagnie d'autres joueurs que l'on croise - sans le demander - sur le PSN. On partage un moment, sans autre mode de communication que les gestes agiles de notre avatar à l'écran.
Il n'en reste pas moins que Journey touchera plus votre ame d'artiste, de contemplateur, de philosophe, que votre âme de joueur, malgré un gros travail sur l'environnement du jeu, qu'il s'agisse des graphismes, des animations, ou des musiques parfaitement dans le ton de nos pérégrinations.
Alors ? Bien ? Pas bien ? Comme Flower en son temps, la n'est pas la question. Journey n'est pas un grand jeu. Il est une expérience vidéo-ludique qui marque un joueur, qui le charme, et lui laisse, au final, l'espoir de pouvoir y rejouer un jour ou l'autre. En tout cas, une belle (mais courte) expérience à vivre. Définitivement.
Le Second Voyage : un périple éclairé
Il faut reconnaître à Journey une qualité rare. Par principe, je ne rejoue jamais aux jeux que j'ai terminés : pas assez d'envie, peu de temps, et finalement le fait de se dire que revivre une histoire qu'on a déjà parcouru, c'est pas hyper motivant. Bref, la Replay Value, c'est pas mon truc.
Et bien depuis mon premier voyage, Journey m'est resté dans la tête : son ambiance, son design, son concept ... sa fin également ... et surtout. Et ce souvenir est resté entretenu par ce qu'on lit, encore et toujours, un bon moment après sa sortie. Et j'ai décidé de me relancer dans l'aventure avec la récente lecture de l'article qui lui est consacré dans le magasine JV - Sortons le Grand Jeu.
Et donc, à titre exceptionnel, j'ai rejoué à un jeu fini. Je ne regrette pas : je l'ai fait d'une traite (ce qui n'est pas très compliqué car le voyage, comme j'avais pu l'écrire, reste très court quand on le compare à la durée de vie plus classique des jeux du même genre), et je trouve que ça conforte le sentiment qu'on éprouve au contact de ce titre.
J'ai vraiment ressenti cette beauté du titre, son élégance, sa délicatesse, et finalement j'ai été plus réceptif - je pense - aux concepts qui sont portés à travers cette aventure : la naissance, la mort, la renaissance, l'héritage aux générations futures, l'importance de son histoire sociale, l'écologie ...
De même, j'ai été plus sensible à la qualité de l'OST sur laquelle, je l'avoue, je me suis un peu plus concentré.
J'ai néanmoins décidé - après beaucoup d'hésitation - de ne pas modifier la note que j'avais donner à ce jeu, mais elle me renforce dans l'obligation que je ressens de promouvoir, plus que ses qualités, les valeurs et la philosophie portée par ce titre.
Après le Voyage, la Réflexion
Plus de 2 ans après y avoir joué pour la première fois, je concède n'avoir pas porté sur Journey une analyse satisfaisante. En fait, je pense avoir sous-estimé ce jeu. M'être arrêté à une lecture finalement trop traditionnelle sans avoir bien saisie la portée disproportionnée de ce jeu en comparaison de son seul contenu ludique.
Mais j'ai des excuses, car l'immensité de ce titre, c'est de parvenir à porter un message d'une force incroyable sur la base d'une contradiction.
Car d'un côté, Journey, c'est avant tout l'intuition. Finalement un des meilleurs hommage que l'on peut rendre au level design d'un jeu vidéo et qui se hisse au niveau d'un pionnier comme Super Mario Bros. Une intuition, portée par la simplicité des environnements et des mécaniques de jeu. Journey est un jeu vide et vecteur d'une grande liberté pour le joueur, mais tellement bien conçu dans sa simplicité que son but est finalement d'une évidence absolue.
C'est la magie du jeu vidéo. Car même un débutant en la matière ne sera pas perdu dans Journey. Il n'est pas besoin d'apprendre, il n'est pas besoin d'analyser, il est pas besoin de s'entraîner : il y a juste à suivre son instinct, comme dans certains des meilleurs jeux qui ont écrit l'Histoire du jeu vidéo.
Mais contrairement à ces jeux pionniers - et c'est là la contradiction - Journey porte en lui une interrogation profonde sur le jeu vidéo. Depuis sa sortie, et malgré le caractère éphémère de l'aventure qu'il nous propose, il n'aura cesser de se poser parmi les références dans la définition (si elle est possible) ou la redéfinition de ce qu'est le jeu vidéo : la question du level design, les choix de représentation artistique, la tendance du jeu vidéo à se rapprocher du cinéma dans ses système de narration, le rapport aux autres joueurs et donc la question du 4ème mur.
C'est toute la beauté de ce titre : être finalement un jeu assez simple, mais surtout - et au-delà - un bel essai sur ce qu'est et ce que peut être (ou ce que nous voudrions que soit) le jeu vidéo.
Le jeu est peut-être éphémère, mais son apport culturel bien plus marqué.
Le jeu vidéo, c'est sans doute un peu cela ...