Oui je mets 3 à Journey. Considéré comme l'un des meilleurs jeux indépendants de l'histoire, meilleure direction artistique, invitation au voyage, à la poésie et au lyrisme.... Journey est un jeu vidéo proposé par Thatgamecompany, édité par Sony, exclusivement à l'époque pour la PS3. Beaucoup d'émules à son sujet comme chacun sait et surtout un jeu qui arrive en plein essor du jeu vidéo indépendant et propose des éléments cryptiques narratifs et un visuel, un contexte de solitude extrême qui ne seront pas sans rappeler un certain Shadow of the Colossus. On nous a même, à l'époque, suffisamment rabattu les oreilles avec ça.
Oui c'est très beau, emprunt d'onirisme et d'une beauté assez frappante, poétique dans l'âme. J'ai ressenti beaucoup de belles choses à travers Journey c'est vrai. C'est beau c'est juste et on pourrait se dire que c'est essentiel. Mais, mais, mais non. Pour moi ça ne marche pas plus que ça. J'ai vécu un petit moment sympathique certes mais qui ne me satisfait pas. Pour une simple raison, sans doute mal vu aujourd'hui et probablement à raison : Journey se trompe purement de média culturel.
Parce que Journey c'est quand même l'anti jeu-vidéo par excellence, interactions limitées ou le "chant" vendu comme un véritable outil interactif est en réalité inexploité et redondant (dans un jeu de moins de deux heures) et ou les quelques éléments ludiques sont restreints à un abandon pure et simple de toute forme de progression. on suit l'aventure et c'est très beau. Mais à aucun moment je n'ai vraiment eu l'impression de progresser. J'ai davantage eu l'impression de voir mon personnage progresser parce que avec mes petites mains je disais : "Vas-y, c'est bon, tu peux avancer. Tout va bien". C'est volontairement limité certes, mais injustement limité. Vous avez tout un tas de jeux orientés narratifs avec ou sans une belle DA qui choisissent de raconter quelque chose, d'affirmer un propos par le biais du jeu vidéo de manière plus ou moins cryptique comme le fait Journey. Mais ces jeux font au moins l'effort de transmettre leurs émotions, leur bienveillance, leur violence, leur caractéristiques narratives PAR le biais d'un game-design construit et/ou original et progressif (prenez Inside ou What remains of Edith Finch pour prendre des exemples récents).
Alors bien sur, bien sur il faut dès lors se questionner : Quelle est la place de l'art dans le jeu vidéo. Puisque après tout, que pourra t-on dire , que pourra t-on avancer comme arguments si ce n'est "Mais voyons. C'est de l'art ! il faut encourager les constructions ludiques différentes du modèle pur gameplay et patati et patata....". Mais alors ne faut-il pas s'interroger sur le choix du médium ? Des média culturels qui cherchent et qui ont particularité de raconter, de transmettre les émotions , de donner du spectacle, ça existe DEJA. Le jeu vidéo a pour particularité de transmettre par le ludisme, par l’interaction, c'est le but fondamental du "jeu" (en plus de la progression ludique mais n'en demandons pas trop)... Limité spontanément (ou non)par le procédé narratif c'est faire le choix de dire, très ouvertement : " c'est une belle œuvre, on a plein de belles choses à transmettre mais c'est un mauvais jeu vidéo, parce que on s'en fiche un peu". Et ça, à mes yeux, ce n'est pas acceptable.
On pourrait m'accuser de clivage culturel, de totalitarisme ludique... Et je m'en cogne. La réalité c'est que Journey aurait été moins couteux, plus impactant, et plus adapté à un court-métrage (ou long-métrage) d'animation pour transmettre ce qu'il a à transmettre. "L'art" dans le jeu vidéo oui, le jeu vidéo pour "l'art" non. Il y aurait bien mieux à faire avec le brouillon ludique proposé par ce jeu. Le sable (et la neige), l'écharpe, les interactions limitées, le multi, les vagues passages de pseudo-infiltration... ou les rares mécaniques de jeu type vent ou glissade... Tout cela aurait pu être simplement beaucoup, beaucoup mieux. Même pour une courte expérience ou seule la contemplation semble enfouir sous de grandes dunes appuyées la frustration d'un élitisme barbant....