Tout à déjà été dit sur Journey, ma modeste contribution ne révolutionnera donc guère l'approche du jeu, son fond comme sa forme. Néanmoins rien ne m'empêche de livrer mes sentiments face à ce jeu, puisqu'il ne ma pas laissé indifférent....loin de là puisque j'ai toujours ce même frisson, cette même sensibilité à fleur de peau lorsque j’entreprends ce voyage.
En effet peu de jeux m'ont réellement touché si intensément, provoqué ce frisson si caractéristique, mais si difficile à définir, celui qui nous parcourt lorsque l'on se sent envahi d'émotions, comme en pleine contemplation d'un chef-d’œuvre, une subtile alchimie de sentiments positifs. Je suis d'ailleurs parfois resté complètement en extase devant le sublime des musiques et des environnements magnifiques, touché par ce que d'aucun nomment "poésie" vidéo-ludique.
Journey est un jeu aux mécaniques on ne peut plus simples, vous pouvez vous déplacer par le biais d'un vol élégant, qui emprunte beaucoup plus aux mouvements de la seiche qu'à ceux des oiseaux (et d'ailleurs le jeu jouera beaucoup sur ces subtiles similitudes du mouvement observées dans l'eau et l'air, brouillant ainsi les frontières entre les substances de cet Univers), et vous pouvez émettre des sons, dont l'intensité est induite par une pression plus ou moins longue, pour "communiquer" avec les quelques créatures peuplant l'univers de Journey.
Sans textes et sans paroles, mais pas sans communication donc, puisque vous serez amené à rencontrer aléatoirement un autre joueur, parfois pour un court moment, parfois pour le voyage complet, mais vous n'en connaîtrait le nom qu'à la toute fin du voyage, l'ultime mystère à découvrir sur chaque partie. Ce dernier sera soit votre égal c'est à dire quelqu'un ayant déjà parcouru les terres de Journey, et la rencontre pourra alors être brève mais toujours ponctuée au moins d'un salut sonore ou d'un petit vol évocateur, soit un initiateur ou quelqu'un à qui montrer et transmettre les secrets de ce monde, et rencontrer un joueur vous offrira une mécanique de jeu supplémentaire, au travers de la possibilité de recharger votre capacité de vol, ce qui incitera plus encore les joueurs à arpenter le chemin de concert, en osmose.
Au début de votre route vous vous incarnez en une sorte de pèlerin (à prendre dans son sens spirituel et non religieux) marchant sur les traces d'une ancienne civilisation dont vous découvrirez les vestiges et témoignages via ruines et révélations; l'aventure ressemblera au fil des incarnations fortement à un cycle de réincarnation, avec à chaque fois une évolution marquée par un changement des motifs de votre robe.
En termes de gameplay et même d'histoire le jeu se révèle donc minimaliste, mais pas simpliste, et recèle pour qui veut s'amuser à y penser tout un univers de profondeur.
Porté par une bande-son à la fois mélancolique et majestueuse, voir pleine de gaité, la musique transcende ce voyage, et apporte à votre aventure une dimension un peu plus personnelle. Le style graphique particulier et non stéréotypé conjugué au choix des environnements (déserts de sables, étendues de neige, ruines ensablées-englouties) confère une atmosphère dépouillée voir zen, qui participe a cette alchimie si particulière entre poésie et voyage.
Journey est un jeu qui ne laisse pas indifférent, vous pourrez être sensible à cette majesté, à ces émotions, et trouver que le gameplay minimaliste est un vrai bonheur, et une forme d'humilité à l'image de celle qui semble émaner de votre avatar durant tout son voyage. Mais vous pourrez aussi rester complètement fermé devant ce qui s'apparente à un jeu cryptique, au scénario sibyllin et au système de jeu quasi inexistant, où l'on est presque plus spectateur qu'acteur...Rassurez-vous auquel cas vous avez quand même un cœur, c'est juste que vous placer votre curseur de sensibilité ailleurs. L'appréciation de Journey dépend aussi beaucoup de l'endroit où vous placer l'importance du gameplay et du rôle du joueur dans un jeu.
Ce voyage initiatique aura été une vraie expérience personnelle, que j'ai renouvelé sur PS4 quelques 2 années après sa sortie sur PS3 grâce au cross-buy (rétro-actif!), je ne vous cache pas que j'ai même eu la larme à l’œil devant ce que je considère comme l'un des plus beaux jeux (et je ne parle bien sûr pas de performance graphique!) sur lequel j'ai pu poser mains et yeux, et l'une des plus belles expériences vidéo-ludique, certes loin de celles que je recherche d'ordinaire, mais si reposante et exaltante qu'elle m'est apparue telle une bouffée d'oxygène dans la frénésie et la conformité récurrente du média.