Kessen
6.6
Kessen

Jeu de Koei et Electronic Arts (2000PlayStation 2)

Kessen ! Mon jeu !


Sorti en 2001 simultanément avec la PS2 c'est une des toutes première exclusivité de la console. Le jeu n'aura pas rencontré le succès chez nous et d'ailleurs on se demande même pourquoi Koei et Sony se sont employés à sortir un tel jeu en occident au vu de l’étrangeté de la chose. Un jeu de stratégie militaire type Rysk narrant la prise de pouvoir sur le Japon de Ieyasu Tokugawa au début du 17ème siècle. En gros le jeu propose au joueur de revivre quelques une des batailles épiques de cette époque à travers les yeux des seigneurs de guerre les plus charismatiques de cette ère.


Pas vraiment ce qui faisait rêver le tout nouvel acquéreur de la PS2 qui n'avait qu'une chose en tête c'était de pouvoir poser les mains sur le prochain Final Fantasy ou le dernier PES. En bon passionné d'histoire que je suis le jeu me titillait mais j'étais moi même loin de me douter que je tenais entre les mains le sésame grâce auquel j'allais vivre une expérience ludonumérique des plus marquantes et dont j'étais a mille lieux d'en soupçonner l’ampleur ...


Pourquoi me demanderez vous ? Après tout ce n'est qu'un jeu "prototype" à la réalisation non pas raté mais quelconque avec un gameplay dépassé par celui des jeux de stratégies PC et un scénario qui se contente de recracher un morceau de l'histoire du japon moyenâgeux.


Et bien c'est là que la plupart se fourvoient entièrement ! Kessen c'était bien plus que ça.


Au delà de son gameplay Kessen c'est déjà un jeu vidéo qui pour la première fois dans l'histoire de la playstation se servait de la puissance visuelle de ses cinématiques pour insuffler une note théâtrale à une œuvre qui l'était déjà sur le papier avant même d'être couchée sur le storyboard. Et je ne me trompe pas de vocabulaire car on est bien ici en présence d'un quasi film de genre. Un film historique pour être plus précis, film qui puise son inspiration dans les grandes œuvres cinématographiques passées qui auront fait la gloire du cinéma japonais et qui cite en permanence ses plus grands succès tel que Ran ou Kagemusha. Le producteur du jeu lui même l'avouera à demi-mot dans sa note adressée aux joueurs en début de partie. Ca commence déjà par un enrobage esthétique des plus élégant. Nous somme en 2000 à une époque ou les moteurs graphiques n'étaient pas encore ce qu'ils sont devenu aujourd'hui mais pourtant les cinématiques du jeu (abondantes mais pas en surabondance grâce à leurs répartition ingénieuse) laissaient transparaitre une vraie maitrise de la 3D et de la gestion des colories, il y avait un vrai souci de cohérence visuelle lors des cinématiques qui se ressent par exemple dans les environnements (châteaux médiévaux, camps militaires, champs de batailles) jusque dans la armures des héros fantaisistes mais toujours cohérentes avec l'univers dépeint. La direction artistique avait une réelle personnalité nous plongeant dans une ambiance éthérée qui - par exemple lors des conseils de guerre - contrastait avec les batailles jouées sur le terrain. De ce fait on sentait bien le repos des guerriers après l’effort, ce sentiment était parfaitement communiqué aux joueurs par ces entrecoupements. Le tout bercé par une des meilleurs OST de jeux vidéo qu'il m'est été donné d'écouter jusqu’à aujourd'hui. Dans les milieux pro et amateurs, lorsqu'on évoque les grandes OST de l'histoire des jeux vidéos on ne parle jamais de la soundtrack de Kessen alors que la Koei (qui aura réussi a démarcher le génial compositeur Reijiro Koroku - primé meilleur compositeur de film par l'Académie japonaise) signe ici la meilleurs composition musicale de son histoire et même du genre et je ne plaisante absolument pas. Qu'il s'agisse de retranscrire la fureur des combats (trompette et percussion), l'intensité des conseils de guerre ou le ton tragique de certaines scènes (violon, flute), c'était toujours musicalement parfait car le compositeur aura puisé dans un catalogue de sonorités symphoniques mélangé au traditionnel Taïko japonais en totale adéquation avec le propos. IL FAUT ECOUTER OU REECOUTER LA MUSIQUE DE KESSEN !!!.


Il y a un autre point très important qui peut être aura été décisif dans l’appréciation et le ressenti que j'ai envers le jeu, c'est la qualité de son doublage en français ! Là encore je serais incapable de l'expliquer mais le jeu a été entièrement doublé en VF et surtout avec des acteurs (dont le légendaire Benoit Allemane que avez tous déjà entendu au moins une fois dans votre vie) qui prenaient leurs rôle très au sérieux. Et ca s'entend (chose très rare dans ce domaine et surtout à cette époque) !!! Croyez moi cela fait une différence énorme et apporte une dimension supplémentaire à l'ensemble surtout dans un jeu qui accorde autant d'importance à la narration, à l'écriture de ses personnages et qui s’appuie autant sur des scènes fortes. Ajoutons à ça que les doubleurs en plus d'être bons et appliqués sont nombreux... Très peu sont réutilisés pour doubler plusieurs personnages comme c'est souvent le cas, ce qui donne pour résultat des protagonistes avec une identité propre. C'est un énorme plus dont les productions qui peuvent s'en vanter se compte sur les doigts.


Ca continue avec une narration de feu qui s'illustre par la puissance de ses scènes de dialogue (notamment grâce au doublage on l'a dit) mais surtout pour la justesse de sa mise en scène complètement en accord avec le propos et qui transcende les personnages pour leurs donner une dimension héroïque. Car c'est précisément là que Kessen devient magique et réussi son pari, il parvient à faire de quasiment tous ses personnages des héros, même les plus anecdotiques ! Il n'y a que des héros dans Kessen ! Du général en chef Tokugawa à ses lieutenants, en passant par la princesse Sen, la régente Yodo ou le dernier boss Sanada. Chacun de ces protagonistes jouables ou non est le centre de sa propre histoire qui elle même s'intègre dans un tout organique pour accoucher d'une fantastique épopée lyrique et épique. Un vrai péplum à la japonaise comme on en voit peu et qui s'offre le luxe d'être à la fois précis historiquement parlant (les dates, les lieux, les personnages et les batailles tout est véridique) tout en offrant la possibilité au joueur de réécrire l'histoire si celle ci ne lui convient pas grâce à une rejouabilité lui permettant de contrôler l'autre camps. Celui des perdants (historiques) pour en faire des gagnants (virtuels), l'occasion aussi pour les auteurs du jeu de se choisir un thème sous-jacent (comme dans le cinéma de genre dont ils s'inspirent) et d'en tirer une morale. Ici il s'agira évidemment de souligner que dans une guerre c'est toujours le vainqueur qui a raison peu importe ses motivations, ses objectifs ou sa manière d'y parvenir. Parce qu'a la fin c'est la gagnant qui remporte le privilège de réécrire l'Histoire (possibilité aussi offerte au joueur par l'intermédiaire du gameplay comme dit plus haut). Ce qui permet à Ieyasu Tokugawa


véritable traître a son maître et conspirateur qui piétinera ses promesses comme il piétinera le fils de son mentor qu'il était lui même censé protéger


de passer pour un sauveur et un héros aux yeux du peuple japonais encore de nos jours et qui se donnera le droit de trôner fièrement sur la jaquette PS2 dans son armure dorée (couleur de la pureté aux yeux de la masse mais aussi de la vanité et de l'orgueil pour celui qui en est paré) en dominant ses troupes d'un regard claire et déterminé vers l'avenir qu'il s'est décidé à arracher aux cieux. Réflexion qu'on pourrait facilement nous renvoyer à nous même. Verrions nous toujours Napoléon comme un surhomme si le grand public connaissait ses réelles motivations et les moyens employés pour y arriver ? J'en doute très fortement...
Une morale universelle qu'on pourrait appliquer à bien d'autres nations qui au nom de toutes les causes possibles et imaginables (suivez mon regard) justifient leurs exactions les plus horribles, avalisées par le peuple (vous et moi) tout cela grâce au privilège du vainqueur : Réécrire l'histoire... avec comme bonus le fait qu'on ne puisse plus jamais la remettre en cause.


Voila ce qu'était Kessen premier du nom (et ce que ne sera jamais ses suites), cette exclusivité passée totalement inaperçus aux yeux des profanes occidentaux. Plus qu'un jeu de stratégie Kessen c'était aussi du théâtre, c’était aussi du cinéma et de l'anticipation historique. Kessen c’était surtout le premier et seul véritable Jidai Geki sur Playstation et le dernier film d'Akira Kurosawa !


10/10 - Épique

Saint-Just
10
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le 6 mars 2016

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