Kingdom Hearts

J’avais l’intention d’écrire sur ce jeu plus tôt, mais je ne l’avais toujours pas terminé jusqu’au bout par moi-même. C’est l’un de ces jeux que j’ai d’abord découvert à l’adolescence par-dessus l’épaule de ma petite sœur avant finalement de me le procurer bien plus tard pour avoir ma propre expérience.

Et la première chose que j’ai à dire est que c’est extrêmement jouissif de taper sur les méchants avec l’énorme massue du personnage, je ne sais pas si c’est le fruit de mon imagination, les bruitages, ou que le jeu est bien fait, mais j’ai l’impression que les ennemis sont en caoutchouc et que je peux vraiment les sentir s’écrabouiller sous le poids de mes coups.

Kingdom Hearts est ce mélange improbable de plusieurs esthétiques différentes, celles de Testuya Nomura, designer qui a travaillé sur la série des Final Fantasy (et dont on pourrait grossièrement décrire les personnages comme des éphèbes habillés en Jean-Paul Gauthier), les studios Walt Disney et accessoirement Tim Burton via le film L’étrange noël de M. Jack.

On pourrait faire un rapprochement avec l’oeuvre de Clamp qui est sortie à la même époque, Tsubasa Reservoir Chronicles. Les deux œuvres reposent sur une histoire de mondes parallèles et sont prétextes à croiser des univers différents. Tsubasa Reservoir Chronicles rassemblait les personnages des œuvres précédentes de Clamp, Kingdom Hearts permet à Tetsuya Nomura de mélanger les œuvres de Walt Disney dont il semble être un très grand fan. Je pense que les deux œuvres ont vraiment marqué les années 2000 puisque dix (non, attends… vingt ?!) ans plus tard, maintenant que les adolescents de l’époque sont les adultes qui possèdent les porte-monnaies, les cross-overs (croisement de plusieurs univers) sont légion dans la fiction (en tout cas celle diffusée au grand public) : Spider-verse propose une histoire où se rencontre différents Spidermen venus de mondes différents, Les Mondes de Ralph proposent de rencontrer toutes les princesses Disney en même temps, sans parler même de façon générale des univers DC et Marvel (j’adore les comics DC versus Marvel et Amalgam Comics parus dans les années 90 et qui avaient même réussi à mixer les univers des deux maisons d’édition). Je ne veux pas dire que les cross-overs n’existaient pas avant ou n’étaient pas appréciés (il y avait déjà un cross-over Arabesque/Magnum à la télévision dans les années 80) mais mon hypothèse est que le succès de séries comme Kingdom Hearts et Tsubasa Reservoir Chronicles ont plus tard motivé l’expansion notable du cross-over.

On peut rapprocher Tsubasa Reservoir Chronicles et Kingdom Hearts sur beaucoup de points : un héros poursuit une quête qui semble quasi-impossible pour une mystérieuse princesse, accompagné d’un magicien et d’un chevalier, l’un est plutôt caractériel et l’autre plutôt débonnaire…

Je n’ai réalisé que très récemment que Tetsuya Nomura était probablement gay, je ne fais que des suppositions, rien de factuel, mais son travail, maintenant que je le regarde sous cet angle (je ne sais pas pourquoi je ne l’avais jamais envisagé auparavant, peut-être parce que le support du jeu vidéo a toujours connoté une culture virile pour moi), m’envoie de fortes vibrations dans ce sens. Certes, le design de ses personnages masculins est orienté (efféminé, sexualisé… mais après tout on le retrouve aussi dans Final Fantasy IX, sur lequel il n’a pas travaillé, donc on pourrait parler d’une sensibilité différente dans la culture occidentale) et Tetsuya Nomura aime beaucoup Disney (des artistes pédés ont de toutes évidences travaillé sur des films comme La Belle et la Bête ou La Petite Sirène, qui évoquent beaucoup les comédies musicales de Broadway, je pense que les petits garçons homosexuels étaient déjà sensibles à ce qui pouvait se transmettre via ces histoires dans une culture hétérosexuelle dominante) mais en plus dans Kingdom Hearts, on ne sait plus au fond s’il s’agit d’une histoire d’amour duelle ou d’un ménage à trois tant les liens entre Sora et son meilleur ami Riku sont très forts. Je viens de lire un commentaire sur un forum dans lequel quelqu’un fait remarquer que les deux personnages masculins ont des contacts physiques et émotionnels intenses, tandis que ceux entre Sora et Kairi (la fille du trio) restent chastes. Après, encore une fois, on ne sait plus trop ce qui est culturel ou pas, l’ambiguïté sexuelle est aussi un trait de caractère que l’on donne traditionnellement à l’antagoniste (comme tout ce qui est inquiétant et menaçant par rapport à l’ordre établi) et Riku est pendant une période donnée le Némésis du héros.

Testuya Nomura est critiqué parce qu’il est un bon designer mais n’est pas un très bon scénariste (et on le met à la tête de certains jeux depuis quelques temps). J’ai été quand même ému par ce trope éculé (je l’ai retrouvé aussi dans le jeu Grandia) du héros qui se retrouve démuni de tous ses moyens et abandonné par tous ses amis à un moment clef de l’histoire (dans Grandia, le personnage est même sous la pluie).

J’ai effectivement décroché dès Kingdom Hearts 2. Le premier épisode avait quelque chose de magique même si techniquement il y avait quelques décors qui étaient mal foutus (le colisée de l’olympe en carton pâte est souvent cité, cependant on pourrait le justifier au sein du récit puisque les mondes sont justement en train de s’écrouler). Par la suite, pas mal de décisions me paraissent très critiquables. Par exemple, j’aimais bien que la Keyblade, l’arme du héros, soit unique. Dans les suites à venir, tout le monde finit par posséder sa propre Keyblade, ce qui nous fait sentir un peu moins spécial.