Après ce titre de bon gout, vous ne pourrez que vous délecter de mon sel sur ces quelques dizaines de lignes suivant cette merveilleuse introduction.
Fan étant ado de Kingdom Hearts 1 et 2, j'étais, comme beaucoup, à toutes les conférences E3 à gueuler dans mon bol de Cheeros au lait d'avoine "Putain mais annoncez Kingdom Hearts 3 !". N'ayant absolument aucun attrait pour les épisodes portables, j'ai tourné le dos à l'histoire et à l'espoir qu'un jour, Nomura (que j'appelerais Yaya dans la suite de ma critique, c'est un vieux pote) réponde à mon envie. Et un jour, le messie est apparu.
Ce qu'on ne m'avait pas dit, c'était qu'en 13 ans qui sépare les 2 épisodes "numérotés", Yaya s'est tapé une grosse dépression nerveuse professionnelle et artistique. Outre l'excellent The World Ends With You, l'étronisant FF XV (auquel je n'ai toujours pas joué mais qui n'a fait absolument aucun effort pour me donner envie) est passé dans le salon et a visiblement attaqué la cavité cérébrale du designer. Entre volonté de plaire à Anna Wintour coté mode, son obsession sans limite pour les smartphones (mais toujours à clapet), et garder bien profond la tête dans le guidon pour continuer à faire du gameplay toujours plus orienté vers l'action, Yaya semble s'embourber dans une pente de l'échec à 60° sans voie de sauvetage, peut-être la faute à SquarEnix qui n'a visiblement pas d'autres solutions que de mettre leur meilleur homme sur tous les sujets en même temps. Mais passons.
Tout ça ne nous dit pas ce qui cloche. Tenez vous bien : Tout. Tout cloche. Tout sonne faux. Tout semble baclé. Comme disait ma grand mère après avoir rangé l'intégralité de mes action-man dans le placard à fringues "'C'est ni fait ni à faire".
Kingdom Hearts 3 est un jeu bloqué dans les années 2005 auquel on a essayé de greffer un contenu à la quantité maboule, certes, mais à la qualité douteuse. Déteriorant le materiel de base, on sent que la majorité du contenu a été ajouté sans trop chercher à savoir si cela avait du sens, et si ça complétait bien ce qui existait déjà.
Si l'idée était de rendre Kingdom Hearts comme un parc d'attraction géant ou la montagne Russe Iron Man est juste à coté de la balade romantique La belle et le clochard, là oui, c'est réussi.
Commençons par les combats. Dynamique, fluide, alléchant à regarder et jouissif, tout ce qui faisait l'épice du premier et deuxième épisode marche toujours très bien. Cependant, entaché par une folie furieuse de bourrer des idées créatives au chausse pieds, les ajouts de ce 3eme épisodes s'entasse comme un éléphant au sommet d'un chateau de carte en porcelaine.
Le plus gros point de diarrhée vient des manèges. Peu amusant, souvent mal fait, bourrés de bug de collisions, parfois inefficace, parfois complètement pétés, les manèges ne sont pas qu'une feature raté puisqu'ils gangrènent le design d'origine des combats, un design pourtant simple : De l'action dynamique, rapide, bordélique et ininterrompu. Cependant on est incité à lancer un manège toutes les 30 secondes pour vaincre les, parfois interminables, vagues ennemies. Manège qui stop net toute l'action pour réaliser un jeu de rythme, contrôler tant bien que mal un cheval ou une tasse à la con, ou encore transformer le jeu en rail shooter inintéressant.
Ajoutez à ça l'omniprésence d'interruption de jeu pour une cut scène, notamment quand on change la forme de l'arme ou qu'on exécute un combo avec nos deux golios, des cuts scènes beaucoup trop longues, et vous obtenez des séquences de combats encore plus répétitives qu’auparavant, longues pour rien, et frôlant souvent la nullité du fun au bout de la 150eme invocation du carrousel ou du grand splash.
Là ou Kingdom Hearts 1 et 2 étaient fluides, Kingdom Hearts 3 est devenu lourd. Très lourd.
Je passe la facilité débile du jeu qui peut largement se finir dans 98% des combats en défonçant X sans jamais activer de manège ou de combos (mais ce défaut était pas mal présent dans le 1 et 2 également), les boss aux patterns obvious et assez ridicules, le mode fluidité dans les airs souvent incontrôlable mais surtout incroyablement inutile, la possibilité de changer d'arme qui se trouve être une feature à l’intérêt plus bas que le sol, les alliés continue la tradition de ne servir à rien... Arrêtons nous là.
Sorti du combat et simplement pour le coté balade et contemplation, Kingdom Hearts essaie, du mieux possible, de rester proche du design disney d'origine. C'est réussi car, heureusement pour SquarEnix, l'Unreal Engine fait le taff à peu près partout dans toutes les situations, ce qui permet de gérer des univers "film" comme Pirates des Caraïbes, et très cartoon comme Toy Story.
Cependant, l'esthétique ne fait pas tout, les niveaux sont globalement vides, le level design sorti d'un mauvais concours étudiant première année (faut avouer que les 2 premiers épisodes ne tiraient pas beaucoup la profession vers le haut non plus), beaucoup beaucoup de couloirs, des mondes qui n'ont parfois absolument aucun interêt (Toy Story, Pirates des Caraïbes, etc), beaucoup de remplissage avec toujours les mêmes assets, on frôle parfois le mauvais gout artistique comme lors du combat contre sa grosse ombre dans l'océan miroir, une arène ou on a l'impression que les gens du studio ont découvert la réflexion avec l'Unreal Engine, et ont décidé de bien montrer qu'une skybox qui se reflète sur le sol, c bo. Non, c pas bo, c tchip. Pareillement pour la destruction, on sent que c'est là parce que les mecs s'amusent avec le moteur, mais ça n'apporte aucun intérêt artistique, surtout quand c'est mal fait.
Exemple le plus parlant : Le début du jeu chez Hercules est d'une laideur innommable comme rarement égalé sur PS4, un dégueuli gris et vide, peut-être un hommage à la PS2 et aux 2 premiers épisodes de la saga, mais on en croit pas un mot.
Là ou Kingdom Hearts passe hélas de simple mauvais jeu à jeu entrainant un grand malaise, c'est dans son écriture et son rythme.
Il est rare les jeux ou je me tire les joues jusqu'au nombril tellement j'ai du mal à regarder l'écran en face des LED. Kingdom Hearts en fait parti.
Yaya a peut-être le chic pour nous designer sur Sora des shorts tartan noir et rouge saillant parfaitement adapté à un shoot photographique pour le pédomag du mois, mais il faut absolument qu'on parle de l'écriture de Kingdom Hearts 3, ainsi que du rythme de l'aventure.
J'outre-passe totalement la cohérence du scénario, de ses aller-retours débiles, des tours de magie et plot twist a n'en plus finir, 5 personnages différent avec la même tronche, 5 tronches différentes pour le même personnage, moi j'avais déjà fini mon relan de blanquette à la fin de Kingdom Hearts 1.
J'outre-passe même le fait que vendre un jeu 60€ avec un résumé aussi creux de ce qu'il s'est passé dans les épisodes précédents qui ne couvrent absolument aucun sujet et qui oblige le joueur a se taper 1h de youtube sur le pourquoi du hein expliqué par une voix de 11 ans qui bafouille. A la limite ça s'explique peut-être par le fait que l'histoire n'a aucun sens et qu'il faut se taper les vidéos conspirationistes de Russia TV pour y voir un semblant de lien, mais on va dire que je suis mauvaise langue.
Alors je les vois d'ici les gens arriver avec leur salopette jaune et leur petite moustache austère : "Oui mais enfin Ben, si tu aimes pas l'histoire de Kingdom Hearts, comment veux-tu apprécier le 3 ? C'est comme jouer à MGS4 sans avoir fait les MGS précédents ! Sanapadsense !"
Certes, mais d'une, j'ai toujours trouvé l'histoire de Kingdom Hearts infernale, ce qui ne m'a pas du tout empêché d’apprécier, et même d'adorer les 2 premiers épisodes, qui se suivaient très bien. De deux, c'est aussi pourquoi je m'abstiendrai de critiquer le fond de l'histoire de Kingdom Hearts 3, moi, je veux parler de la forme.
C'est la première fois que je me heurte à un jeu "à scénario" (j'entends par là que 60% du temps passé dans le jeu consiste à écouter des gens parler, avec des interruptions de gameplay qui n'hésite pas à presque taper dans l'heure complète) avec une écriture aussi mauvaise.
Que ce soit les dialogues beaucoup trop long pour ne pas dire grand chose, la constante impression que Sora est un ultra débile qui n'arrive pas à connecter 2 minutes ses neurones pour faire le lien entre 2 phrases entendues à 5mn d'interval et qu'il a besoin de débriefer 10mn pour bien nous expliquer ce qu'il a compris, les injonctions de Sora pendant le gameplay qui sèment des graines de malaises régulières, les méchants vraiment très méchants qui ont les sourcils froncés et qui forcent leur traits déjà pas mal stéréotypés à base de rire de méchant et sortie du champ dos à l'action en faisant "hinhinhin", les gentils vraiment très gentils qui en rajoutent 10 fois trop quand il s'agit d'exprimer la moindre émotion, Kingdom Hearts 3 est tout l'inverse du subtile.
Je n'ai jamais ressenti ça sur les 2 premiers épisodes qui étaient pourtant fortement tirés vers le pouvoir de l'amitié et les dialogues niais, mais le 3 entre dans une catégorie de lourdeur jamais connue auparavant.
La plus grosse faute de ce sentiment, outre les dialogues à rallonge écrite par des enfants de 6 ans, vient de la version anglaise des voix.
Un désastre, une horreur, une purge, je n'ai même pas les mots pour décrire à quel point le voice acting est mauvais, en particulier la voix de Xehanort, et celle de Sora. Complètement sur-exagérées, complètement à coté de la plaque, une tonalité de voix qui oscille entre énervante et ridicule, étant donné que le jeu parle énormément, c'est un gros problème.
A chaque fois que Sora ouvre la bouche, ou un membre de l'organisation XIII, bref, n'importe quel personnage qui n'est pas de Disney, le malaise le plus profond s'installe instantanément, et RUINE complètement l'ambiance de Kingdom Hearts 3.
Ajoutez à cela des scénarios dans les mondes Disney qui n'est bon que lorsqu'on revoit des séquences tirés du film (la différence d'écriture à ce moment là se ressent de façon monstrueuse), et vous obtiendrez un jeu dont il est strictement impossible de suivre l'histoire sans avoir un gros sentiment de gène à chaque instant.
L'excuse de la synchro labiale trop compliqué à insérer en double dans la galette ne tient pas : A l'heure d'internet, je ne comprends pas comment le jeu ne puisse pas proposer à minima les voies japonaises, même en téléchargement, surtout en ayant fait un travail de si mauvaise qualité sur la version US.
Rassurez vous, si les voix comptent pour beaucoup dans l'echec de Kingdom Hearts 3, l'écriture des dialogues en eux-même n'est pas en reste et ont largement leur place dans le top 3 de pourquoi il est difficile de regarder le jeu en même temps que de l'écouter parler. Toujours plus profond dans le niais, toujours un point d'honneur à vraiment prendre le joueur pour un con à qui on a besoin d'expliciter chaque sentiment, chaque tournure, chaque pli du scénario, comme à un enfant de 4 ans, le jeu prend une tournure vraiment frissonnante pendant les dialogues par Smartphone ou les confrontations avec les membres de l'organisation XIII.
Le concentré de malaise nous saute à la figure même pendant les écrans de chargement avec des screenshot de smartphone d'une niaiserie qui n'en fini plus de descendre, accompagnés de #c'estbeau ou encore #unpourtoustouspourun... Je savais plus ou me mettre.
Je pourrai continuer longtemps sur la tristesse de l'écriture de KH3, mais il est temps de conclure.
Kingdom Hearts III est un jeu auquel on a voulu faire trop de choses : Je n'ai pas parlé des mini jeux insérés de forces et totalement nuls, ni des recettes, ni des tonnes de trucs qu'on peut faire dans Kingdom Hearts, explosant la durée de vie à de nombreuses dizaines d'heure de jeu.
Mais tout ça pour quoi ? Pour au final ne pas avoir fait le seul job que Kingdom Hearts 3 était sensé faire : Retrouver le plaisir du gameplay de combat très arcade, fluide et sans fioriture des premiers épisodes, ainsi que finir une histoire qui en est déjà à son 4eme ou 5eme épisode de trop.
En voulant tout faire, Yaya a oublié ce qu'était un jeu vidéo, c'est d'abord un design cohérent ou tout doit parfaitement s'équilibrer pour donner du plaisir.
Ici on a juste affaire à un joyeux bordel type tartine de nutella rillette au curry, avec plein de trucs qui peuvent être bon séparément, mais qui, une fois mis ensemble, finissent en une flaque de vomi infâme. Le jeu n'a pas de sens et, à cause de sa trop grande quantité de bouffe jamais fait pour être mélangé ensemble, obtient largement le titre du jeu le plus lourd de la décennie.
Il est vraiment temps d'arrêter des conneries concernant le game design des jeux labelisé par la Tetsuya Nomura team, et surtout d'arrêter de forcer sur quelque chose qui ne fonctionne pas.