La différence entre écouter une histoire et vivre l'histoire...
On ne pourra pas reprocher à « L.A. Noire » son manque d'originalité ou d'ambition. On est face à un pur jeu d'enquêtes comme on en voit trop rarement, avec un vrai scénar' et une putain d'ambiance de vieux polar noir... mais aussi avec quelques scènes d'action en guise d'argument commercial. Faudrait pas totalement décontenancer le gamer moyen soi-disant avide de courses-poursuites et de gunfights, hein... ? Et il faut avouer que cette concession aux mœurs videoludiques de l'époque n'est pas totalement infondée. Effectivement, les enquêtes se révèlent rapidement répétitives, tant sur un plan narratif que du pur point de vue du gameplay. Collectes d'indices plus ou moins crédibles (on va chez quelqu'un, on lui dit : « Ca vous dérange si je fouille votre maison/appartement/boite en carton ? » et on se colle à tous les murs en cliquant sur le bouton de recherche en attendant qu'il se passe quelque chose), interrogatoires (parfois vraiment excellents, parfois laborieux) et... c'est tout. Il y a bien une poignée d'énigmes aussi complexes à résoudre qu'un puzzle à 3 pièces mais je vais faire comme si je n'avais rien vu, (ça ne vous dérange pas ? Merci...).
Mais bordel, c'est dingue comme un véritable travail sur l'ambiance permet de transformer un simple jeu en véritable expérience d'immersion ! J'ai voyagé dans le temps, carrément, par la grâce d'un travail de fourmi effectué sur chaque élément des décors (surtout les intérieurs, tous différents et merveilleusement retranscrits), chaque accessoire, référence historique, musique, etc. Du coup, je me suis véritablement investi dans les enquêtes, bien que ces dernières ne soient pas toutes exceptionnelles et que les personnages rencontrés soient, la plupart du temps, assez inintéressants voire carrément stéréotypés. Les interrogatoires, seul véritable intérêt du gameplay, se révèlent rapidement complexes : associer les bons indices aux bonnes accusations afin de mener son enquête à la perfection est le véritable défi de L.A. Noire. Inutile de dire que la révolution technologique liée à la perfection des animations faciales devient indispensablement mêlée au gameplay et nous fait espérer de nouvelles possibilités, ici à peine esquissées, dans la représentation des émotions dans le jeu vidéo...
Le véritable but du jeu pourrait donc bien être la tentative de comprendre la logique intrinsèque de ce monde vieux de 70 ans, ses lois et ses connexions profondes qui nous sont en partie inconnues et parfois même déroutantes. Seul ce véritable effort d'incarnation virtuelle vous rendra la visite digne d'intérêt, sans quoi, vous vous retrouverez devant un film interactif extrêmement long, particulièrement facile dans son faible espace d’interactivité puisqu'il est impossible d'échouer dans une enquête et au scénario qui tourne en rond plus de la moitié du temps à force de vouloir établir des liens entre telle et telle affaire... Du coup, quand vous bossez à la criminelle, tous les meurtres sont identiques (normaaaal ! Il y a un lien !), quand vous bossez aux moeurs, vous n'enquêtez que sur un type de drogue (normaaaal ! Toute cette daube à une même provenance!), etc.
Seule la dernière partie du jeu devient véritablement passionnante en dévoilant enfin le grand complot qu'on nous fait miroiter depuis des heures, sans compter que notre avatar, Cole Phelps gagne subitement une profondeur psychologique qu'on ne lui soupçonnait pas, au point de nous faire vivre de véritables émotions. L.A. Noire est le fruit d'une passion pour une atmosphère, un type de récit mature qu'il est grand temps de voir se multiplier dans notre média adoré mais qui oublie malheureusement un peu trop souvent que le jeu video doit proposer un certain défi ludique pour être vraiment pertinent (en rendant les enquêtes plus complexes, par exemple, plutôt que d'insérer de maladroites séquences d'action) ou une exploration artistique qui n'est hélas qu'ébauchée (Los Angeles largement et superbement modélisée... mais il ne s'y passe rien!)...
Ce sera donc un 6 enthousiaste ou un 7 modéré. Au vu de l'originalité de l'oeuvre (qualité que je ne cesse de rechercher et de louer) ce sera le 7.