Hotel Dusk, mais en mieux

Héritage

Last Window est la digne suite d'Hotel Dusk: Room 215, un jeu qui avait fait forte impression à sa sortie en 2007 mais qui s'était assez mal vendu, la faute à une communication trop paresseuse (malgré un chouette spot TV) et à l'abondance de moyens de pirater sa DS (au passage, si un utilisateur de R4 se trouve parmi nous, qu'il parle maintenant ou je le ferai taire à jamais). Le jeu a tout de même eu droit à un trophée dans Smash Brawl, mais rien ne garantissait une suite, surtout quand on voyait la fin assez fermée de HDR215.

Polar et mystères

Pourtant, les petits génies de chez CiNG ont souhaité réaliser une suite à leur bébé, malgré leur situation financière plus que tendue. Nous voilà donc un an après les événements du premier volet, Kyle Hyde vient de se faire virer et son appartement va être détruit dans 2 semaines. Bref, le climat parfait pour commencer une petite enquête sur sa résidence à la demande d'un mystérieux client, tout en évitant soigneusement d'éveiller les soupçons de ses voisins.
Tiens, tant qu'on parle des voisins, j'ai lu à droite et à gauche que le plus gros reproche qu'on faisait à ce jeu était le nombre trop élevé de personnages inutiles. S'il est vrai qu'HDR215 proposait une galerie de personnages tous liés d'une manière ou d'une autre (parfois à l'excès : coucou le mec qui ne connait pas sa belle-soeur), LW propose plusieurs personnages extérieurs à l'intrigue principale, comme la bimbo ou l'étudiant en art. Mais est-ce vraiment un mal ? Etait-ce vraiment plus réaliste de voir une dizaine de personnages passer comme par hasard la même nuit dans le même hôtel alors qu'ils détiennent tous (COMME PAR HASARD) une pièce du puzzle ?
Moi j'aime bien ces petits personnages annexes car comme les autres, ils ont un trait de personnalité bien distinct, même s'ils ne cachent pas forcément une part d'ombre. D'ailleurs, j'aime beaucoup l'ambiance posée de LW qui prend son temps pour bien construire son intrigue, là où HDR215 le faisait tout à fait convenablement, mais de façon un peu rushée quand même vu qu'il fallait que tout soit plié en une nuit.
Côté dialogues, rien à redire en tout cas. C'est aussi bien écrit qu'un vrai roman policier, avec quelques touches d'humour et de gaieté quand il le faut (Tony, mon pote !).

Clue & Do

Les énigmes qui parsèment la quête de Kyle sont également mieux foutues que dans la préquelle. Si une petite poignée d'entre elles sont de retour (le magnétoscope), les nouvelles mettront vos méninges à rude épreuve, sans jamais être frustrantes comme pouvait parfois l'être HDR215 (lampe à UV, je te hais !).
On retrouve également le talent de CiNG dans l'utilisation atypique de la console. L'énigme de la boîte à musique (qui parlera, j'en suis sûr, à tous ceux qui ont fini le jeu) est sans doute la meilleure utilisation des fonctionnalités de la DS que j'ai vue sur la console : citez-moi un autre jeu qui utilise au même moment les boutons, l'écran tactile et la fonction de mise en veille !
On en viendrait presque à regretter que le jeu ne soit pas sorti sur DSi, pour voir les énigmes à base de caméra que CiNG aurait pu nous concocter.

Murphy "Gencives Sanglantes"

La grosse force du jeu pour moi, c'est son ambiance jazzy et son esthétique très épurée mixant des éléments des années 60 à 80 (avec toujours cette merveilleuse méthode de la rotoscopie, qui fonctionne aussi bien qu'en 2007 et qui je pense sera toujours aussi belle dans 15 ans). Toutes les musiques du jeu sont de purs chef-d'oeuvres (notons au passage les remixes réussis d'HDR215) et mettent superbement dans l'ambiance polar, tout en apportant une touche de nostalgie représentative de l'état d'esprit du protagoniste, disant adieu à son appartement, son passé... et ses fans ?

Kyle Hyde's This is it

Tout était réuni pour faire de Last Window un des plus gros succès de la DS. Hélas, CING a été contraint de déposer le bilan au cours de la production de ce chef-d'oeuvre, amputant ainsi la diffusion du jeu (jamais sorti en Amérique), et surtout la possibilité d'une suite. Si la maison-mère Nintendo n'a pas voulu injecter de l'argent pour sauver l'entreprise, il faut néanmoins remercier la filiale Nintendo of Europe pour avoir localisé ce jeu chez nous. Cela a évité au titre de sombrer dans l'oubli (surtout qu'HDR215 avait bien marché chez nous), et les fans américains peuvent toujours importer une copie anglaise du jeu.
Hasard ou coïncidence, on ressent bien tout au long du jeu une certaine mélancolie qu'on ne peut pas s'empêcher d'attribuer au fait que les créateurs savaient ce qui les attendait au bout du chemin. Donc paradoxalement, ce destin tragique apporte beaucoup à l'expérience de jeu, et on ne peut pas s'empêcher de le finir avec une petite boule dans la gorge, malgré le sourire radieux de Kyle.

Je pense que vous l'aurez compris, Last Window m'a tout simplement enchanté. Je ne peux que vous conseiller de jouer vous aussi à ce chef-d’œuvre méconnu de la portable la plus vendue au monde.
[Insérer blague sur le chant du CiNG ici]
Après tout, la licence appartient encore à Nintendo. Peut-être qu'un jour, à force d'entendre les fans faire beaucoup de bruit...