Terminer le premier Life is strange avait laissé un vide ; l’ambiance du jeu était tellement unique et gratifiante que j’avais cherché d’autres jeux qui pourraient me faire ressentir la même chose, mais sans succès.
C’est ce souvenir qui m’attirait à Before the storm, mais il y avait encore trop peu d’avis sur le jeu, et ceux-ci étaient trop mitigés, pour savoir si je devais me lancer. Mais je n’ai pas pu résister, lors des dernières soldes Steam…


Comme n’importe qui, je me disais que ce prequel ne pouvait pas être aussi bon : c’est un autre studio qui s’en est occupé, avec d’autres scénaristes.
Et c’était mal parti dès le début de l’épisode 1, qui s’efforce tellement de montrer à quel point l’héroïne est une ado revêche que ça en devient presque risible. Chloé doit faire 3 doigts d’honneur dans les 12 premières minutes, dont un adressé à une pancarte "défense d’entrer" qu’elle escalade. Trop rebelle, quoi.
Elle enchaîne également un peu trop les répliques sarcastiques et nihilistes… mais ça, je n’ai pas pu m’empêcher d’apprécier malgré tout, parce que je me reconnaissais dans son attitude.
Before the storm est quand même globalement moins bien écrit, certains passages sont très maladroits (l’échange avec le videur, toujours au début de l’épisode 1, n’avait rien de rassurant pour la suite). Et pourtant, à côté de ça, il y a heureusement des moments d’une sensibilité étonnante, qui rattrapent le reste.
Vu le nombre de scénaristes, je me demande si chacun ne se voit pas attribuer des fonctions précises, ce qui expliquerait ces différences de qualité.
Là où on sent, en bien, que les auteurs ne sont plus des français, c’est lorsqu’il y a des blagues et bons mots qui ne passent qu’en VO, ajoute du naturel aux conversations et donne du caractère aux personnages.
Car en fin de compte, l’essentiel est là : on tient aux personnages, et la relation entre Chloé et Rachel se construit solidement ; les évènements du jeu n’ont beau se dérouler que sur quelques jours, on sent un lien très fort qui unit le duo, et une tension sexuelle très palpable durant certaines scènes.
L’animation est parfois un peu rigide, mais le rendu des visages, soigné, véhicule très bien les sentiments lors des moments intenses, servis par une interprétation réellement impliquée émotionnellement. Les doubleuses des deux héroïnes sont excellentes, et je n’avais même pas remarqué que celle de Chloé avait changé avant d’aller voir ça en ligne.


En revanche, Rachel fait pratiquement de l’ombre au véritable personnage principal. C’est sympa un instant d’être dans la peau de l’ado rebelle, mais je me suis quelque peu lassé, à force, des hésitations trop récurrentes dans la voix de Chloé, histoire de nous rappeler régulièrement qu’elle ne s’est pas encore totalement affirmée, et de son lexique limité (awesome, badass, sucks et ass sont des mots qu’on entend bien trop souvent). Certes, Before the storm se passe 3 ans avant Life is strange, la jeune femme est moins mature, mais son texte pâlit en comparaison avec celui de Rachel ; l’héroïne sait rarement quoi répondre face aux réflexions un peu plus profondes de son amie.
Ce manque d’esprit se remarque d’autant plus sur ses tags pas trop inspirés (que l’on doit collecter et qui remplacent les photos que prenait Max dans le jeu d’origine), ou lors des pauses où Chloé s’assoie pour penser, et qui n’apportent rien. Elle ressasse essentiellement ce qu’elle vient de vivre, et c’est particulièrement creux dans l’épisode 1 où elle ne cesse de dire qu’elle n’arrive pas à croire que Rachel s’intéresse à elle.
Il y a d’ailleurs une emphase absurde sur le fait que les deux filles traînent ensemble : le lendemain de leur rencontre à un concert, tout le monde ne parle que de ça, comme si la plèbe avait eu vent d’un mariage royal.


Il y a un manque de subtilité à pleins d’égards. Les références ciné et littéraires sont forcées et balourdes : un coup c’est une fille qui donne un DVD de Blade runner en expliquant en détail pourquoi le director’s cut est meilleur (il manquait juste un clin d’œil vers la caméra pour qu’on capte bien que le message nous est adressé), un autre c’est Huckleberry Finn qui traîne dans un train emprunté par les héroïnes pour faire l’école buissonnière, quel hasard tout de même !
Les clins d’œil à Twin peaks sont encore plus appuyées que dans Life is strange : un groupe se nomme Firewalk, et il y a carrément une scierie qui brûle.
Probablement pour faire du fanservice, on a des allusions aux corbeaux, aux biches, et à une tornade ; c’est une symbolique qui avait du sens dans Life is strange, où tous ces éléments avaient un sens caché en lien avec l’histoire, mais dans Before the storm ça ne sert à rien si ce n’est renforcer le lien avec le jeu original. On dirait que le studio Américain s’inquiétait de légitimiser le rapport entre leur création et Life is strange.


Ils ont dû être bien embêtés, à devoir se débrouiller sans un des principaux atouts du gameplay du premier jeu : le voyage dans le temps.
Dans Before the storm, l’interactivité est plus limitée, de sorte qu’on se croirait presque dans un point’n’click façon Telltale, puisqu’on se contente de se déplacer et de cliquer sur les éléments de l’environnement.
La principale nouveauté c’est le mode "backtalk" ("insolence" en VF), qui consiste en des joutes verbales. Le principe est que pour gagner, il faut sélectionner une réponse qui comprend un terme employé juste avant par son interlocuteur. Il se peut que le lien entre les deux répliques soit aussi ténu qu’entre "Look, look, look, I’m really sorry" et "You just looked at my tits"… c’est absurde, mais c’est comme ça que ça marche. Il aurait mieux valu nous faire simplement choisir les répliques les plus sensées.
Et le gameplay a beau être tout simple, il y a quand même un truc mal pensé : pour interagir avec l’environnement, même quand il n’y a qu’une option, il faut cliquer sur un objet puis une touche du clavier, ce qui fait perdre un peu de temps à chaque fois. Sans compter ce bug idiot qui fait qu’à chaque fois qu’on relance le jeu, le changement d’attribution des touches du clavier est ignorée, si on n’est pas retournée dans le menu des paramètres.


Avant de débuter le jeu, je m’étais demandé pourquoi les notes étaient plus basses pour le dernier épisode ; je crois comprendre maintenant que c’est à cause d’un twist qui sort de nulle part, bien absurde, qui laisse à penser que tous les mecs d’Arcadia bay sont des psychopathes en puissance.
Et pourtant… malgré toutes mes remarques négatives, j’ai enchaîné les trois épisodes de Before the storm en autant de jours. Parce que les défauts se font oublier, grâce à l’histoire et le traitement des personnages.
En dehors du duo central, il y a de nouveaux personnages amusants et attachants, qui participent entre autres à renforcer le caractère de Chloé, notamment Eliott, secrètement amoureux d’elle, ce qui ajoute une touche un peu tragique à la relation de l’héroïne avec Rachel.
Le personnage de David, le beau-père, est approfondi et montré sous un meilleur jour, même si Chloé est toujours en conflit avec lui dans Life is strange.
Le choix le plus original est audacieux a été de montrer de l’empathie pour Nathan, un des nemesis dans le jeu de base, et ici montré comme n’étant pas si différent de Chloé, même en connaissant la suite des évènements…
Comme le dit le personnage du concierge, personne n’a qu’une facette, et c’est honorable que Before the storm montre une part plus positive de personnages antipathiques.


Ce prequel est tout de même mieux que ce que j’attendais. Peut-être que le fait que Life is strange ne soit plus si frais dans ma mémoire a aidé, car Before the storm manque de nombreux éléments qui faisaient la qualité du premier jeu… mais reste prenant et très touchant, d’une sensibilité encore rare qui lui permet d’être une œuvre qui se détache malgré tout.

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le 26 déc. 2017

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Wykydtron IV

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