Lone Survivor
6.7
Lone Survivor

Jeu de Superflat Games (2012PC)

[Préambule : je parle beaucoup de Silent Hill dans cette critique, c'est un angle d'approche on va dire]

Sorti le 27 mars dernier, Lone Survivor s’est rapidement vu qualifié de « plus Silent Hill que les véritables Silent Hill ». Difficile de nier la descendance, quand derrière les gros pixels l’atmosphère étouffante se fait sentir. La création de Jasper Byrne n’hésite pas à placarder des teintes sombres, glauques, en plein écran et à outrepasser les limites du désespoir.

L’univers de la saga d’horreur de Konami, Jasper Byrne l’a clairement dans la peau. Il avait déjà épaté son monde en 2008, lors de la sortie de son demake de Silent Hill 2. Sous le nom de Soundless Mountain II, la fausse jaquette NES ne mentait pas sur le contenu : une version 8-bits du grand classique ! Reprenant le long chemin emprunté par James jusqu’à la ville maudite via un scrolling interminable, Soundless Moutain II étonnait de justesse dans son adaptation. Une réussite proportionnelle à la durée du titre, à peine le temps de prendre trois carrefours, d’apercevoir quelques bâtiments et la démonstration touchait à sa fin. Frustration. Sans doute, Lone Survivor peut s’avancer comme réponse aux nombreuses demandes de fans d’enfin pouvoir parcourir une version longue de cette expérimentation. Une variante plus personnelle, différente et pourtant si proche.

En bon indie qui se respecte, le jeu se présente dans une 2D assumée sans éterniser les présentations. Vous êtes seul et désabusé, enfermé dans un immeuble lugubre depuis une durée oubliée, il va falloir trouver un moyen de s’échapper et … survivre. Hors de l’appartement qui sert de quartier général ? Des monstres, des denrées alimentaires indispensables, des gens qui ne vous écoutent plus. Le décor se plante et pèse sur les épaules du héros, chaque virée sera synonyme de choix. Manger un produit suspect, au risque d’en être malade. Abattre un ennemi ou user sa patience en l’évitant soigneusement, planqué dans l’ombre, la lampe torche éteinte. Chaque action aura une conséquence lointaine, lors du grand final, la facilité n’étant évidemment pas l’option la plus récompensée.

Alors que Silent Hill atteint sa huitième itération avec Downpour (on passera sur les versions arcade ou mobiles) et qu’à chaque nouvel arrivant, les critiques multiplient les « bien ou pas bien, c’était mieux avant », Lone Survivor a un avantage de taille. Lui personne ne l’attend ; de par son origine, son budget, la comparaison frontale aux piliers de la saga n’a pas lieu d’être. Surtout, il peut se permettre la vision d’un auteur, la liberté de ne pas trop en dire et la grande force, inestimable, de l’évocation. L’intelligence de Jasper Byrne est précisément d’avoir su revenir à l’essence même du premier épisode : le cauchemar éveillé. Sachant que son autre référence se trouve être David Lynch, les rencontres fortuites deviennent surréalistes, l’épuisement de l’inventaire entraîne des séquences énigmatiques. Lone Survivor se démarque dans la manipulation et la perte de nos repères (à quoi servent ces pilules ? que se passe-t-il en réalité ?), il inquiète et intrigue.

La position du fan, éternellement à la recherche de ses premières sensations d’angoisse sur Playstation 1 et 2, s’avère très délicate. Si l’on peut remplir des listes de reproches envers les suites de Silent Hill, il faut tout de même relever les multiples efforts de proposer un présumé renouvellement. Sous la forme d’une préquelle, d’un remake qui n’en porte que le nom, d’une vision occidentalisée le cul entre deux chaises, au moins le pur copié-collé n’est pas utilisé à outrance. Pourtant, l’élément essentiel, la magie (très noire !) du début peine à rétablir le contact. C’est exactement dans ce créneau que Lone Survivor souligne sa place, grâce à ses graphismes grossiers, sa répétitivité confinant à l’absurde (les jours s’enchaînent au fil des minutes) et son refus affiché d’être explicite. Selon son auteur, beaucoup de joueurs passeront à côté d’une grande partie du contenu du jeu, tout comme à son époque, il était possible de manquer le Dr. Kaufmann ou ne pas réussir à sauver Cybil.

Comme chaque pièce a son revers, c’est également à cause de cette dimension cryptique qu’il pourra laisser certains au bord de la route. Il n’est pas question ici d’être avide de réponses, simplement d’accorder sa confiance ou pas à la profondeur du récit. Et de savoir créer la fascination et l’envie d’en savoir plus. A force de références, parfois aux propres productions antérieures de Superflat Games, on pensera trop facilement dès les premières secondes à d’évidentes explications, qu’il s’agisse des ultimes révélations de Silent Hill 2 (le protagoniste cherche lui aussi une mystérieuse femme) ou de faux-semblants traumatisants (les monstres sont-ils réellement des monstres, une piste déjà évoquée dans Silent Hill 3), pour finir sur un hypothétique et désormais éculé « en fait tout est dans sa tête ?!», empiétant malgré nous sur le plaisir naïf de la découverte. Les pistes restent toutes à creuser, pour autant que l’effet déjà-vu n’ait pas rempli la jauge de l’hermétisme.

Se contenter de juger Lone Survivor par le prisme de ses influences est forcément réducteur, toutefois le bâton est presque tendu pour se faire battre. Les deux fins disponibles (et peut-être davantage), chacune adjugée selon notre comportement, rallongeront les trois grosses heures nécessaires pour compléter l’aventure. A chacun d’approfondir à l’envie ou de se contenter d’un tour de manège maléfique. Dans le genre « rétro silenthillesque », que l’élève dépasse le maître ou lui rende sincèrement hommage, l’entreprise est encourageante et par-dessus tout à encourager. Jasper Byrne, encore un gars à suivre.
Molo
7
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le 29 oct. 2012

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Molo

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