Dans l'espace, SHODAN vous entendra crier
Si certains jeux résistent au temps et gardent une place privilégiée dans nos mémoires, d'autres ont vite fait de tomber dans l'oubli. Non pas qu'ils déméritent, au contraire, ils n'ont simplement pas eu de chance. Une sortie au mauvais moment, une absence de traduction française, un manque de publicité, etc. System Shock 2 n'est clairement pas totalement inconnu, mais on ne peut pas dire qu'on en parle toutes les semaines. (76 notes sur SC, peut mieux faire)
Comme son nom l'indique, System Shock 2 est une suite. Sorti en 1994, son prédécesseur posait déjà les bases : un FPS teinté d'éléments RPG, du cyberpunk, des frissons et l'inénarrable SHODAN, une intelligence artificielle débridée de ses limites éthiques par le héros, qui devra en subir les conséquences. En 1999, Looking Glass Studios, accompagné d'Irrational Games, nous gratifie d'un nouvel épisode se déroulant 42 ans plus tard. Cette fois-ci, le joueur incarne un soldat à bord du Von Braun, un vaisseau spatial dernier cri. L'expédition a commencé depuis plusieurs mois, à notre réveil forcé la mémoire nous manque et pire que tout, l'équipage semble avoir disparu dans des circonstances peu ragoûtantes. Ou alors, serait-il à l'origine de ces nombreux mutants qui hantent les couloirs que vous allez devoir parcourir ?
Il est important de préciser qu'avant tout cela, l'introduction du jeu vous permet, outre le tutorial, de choisir votre future spécialité. Car System Shock 2 propose un gameplay ouvert qui s'adaptera à vos méthodes. Il y a la manière forte chez les Marines, l'approche plus pernicieuse des hackers via la Navy ou encore les pouvoirs psychiques de l'OSA. A vous de voir ce qui vous correspondra le mieux, sachant que vous pourrez très bien mélanger différentes caractéristiques en distribuant vos cyber-modules durant le jeu. Ces derniers s'obtiennent en fouillant les décors de fond en comble ou sont simplement reçus en accomplissant vos objectifs. Toutefois, des choix seront à faire, obligatoirement. Ce fusil serait pratique contre les robots kamikazes ? Encore faut-il monter vos statistiques de poids lourd pour pouvoir porter cette arme. Pirater cette tourelle vous tirerait d'un mauvais pas ? Vous savez où vous tourner pour augmenter vos points. Et si vous testiez les sorts de glace, de soin ou d'invisibilité pour voir ? Les procédés sont multiples, aucune partie ne sera pareille à une autre.
Toutes ces formules qui vont sont offertes ne seront pas de trop, car System Shock 2 n'est pas un jeu facile. Il est souvent risqué de foncer droit dans le tas, la subtilité est de mise et même avec elle le bouton Load risque de se trouver fort mis à contribution. L'ambiance se permet une tension constante, favorisée par des bruitages équivoques et un doublage glaçant. Comprenez bien que désormais sur le Von Braun, quasiment tout le monde veut votre peau. Des anciens humains monstrueux aux singes victimes d'expériences douteuses, des robots sous les ordres de XERXES (l'IA locale) aux œufs géants directement issus d'Alien, il n'y a pas de répit. Cerise sur le gâteau : si un passage vous semble calme, à tous les coups vous serez surpris par la voix de The Many, dont la conscience collective n'a de cesse de vous envoyer des messages télépathiques. Franchement flippant.
Question d'hérisser encore plus vos poils, des fantômes hantent également les nombreux Decks à parcourir. Ils n'apparaissent qu'une fois, au détour d'une pièce comme un souvenir qui s'efface, pour vous montrer les derniers instants du feu-équipage. Le scénario ne s'explique d'ailleurs pas au moyen de cinématiques, mais par l'écoute de moult audio-logs laissés par différents personnages avant leur disparition. Tel un puzzle géant, les ultimes jours de paix sur le Von Braun sont à reconstituer et certains enregistrements s'avèrent tétanisants, quand l'horreur et la folie s'emparent de l'intervenant.
Malgré un gameplay riche et une atmosphère effrayante, il reste un point supérieur, celui qui définit System Shock 2 d'un seul mot et le place au-dessus des autres : SHODAN. Possédant plus d'un tour dans son sac du haut de sa toute puissance, la machiavélique (ou divine ?) intelligence artificielle marque le joueur, le traitant constamment de misérable insecte rôdant dans ses corridors. Et quand le sort nous oblige à coopérer avec elle, il s'agit plutôt d'obéissance question de sauver sa peau. Le piège se referme et le plan diabolique de l'instigatrice fait froid dans le dos. Ce n'est pas innocent si le jeu démarre sur une phrase prononcée par la reine des IA, citation restée culte chez tous ceux s'étant frotté à elle.
Techniquement, le moteur graphique accuse évidemment ses onze ans, mais reste honorable en ce qui concerne les décors. Les ennemis souffrent un peu plus, un point heureusement améliorable via certains mods. Le level-design reste très travaillé, chaque étage de Von Braun étant dédié à un environnement particulier. Pour les oreilles, c'est du travail maîtrisé : les musiques et les bons doublages auront vite fait de vous plonger dans le climat inquiétant du soft.
En héritage, c'est huit printemps plus tard qu'Irrational Games sortira Bioshock. Si Rapture, ses protecteurs et ses fillettes sont totalement inédits, (très) nombreuses sont les idées qui se déclinent en points communs entre tous ces Shock. Si le Bio vous a plu, n'hésitez pas à tenter la rencontre avec SHODAN. Plus pétrifiante que GlaDOS, mais tout aussi « sympathique » !
Pour dire les choses franchement, je n'ai fait qu'effleurer le torrent de possibilités qu'offre System Shock 2. La dégradation des armes, les munitions à usage divers, les implants, les recherches d'objets, les distributeurs, les chambres de récupération, il faudrait un texte infini pour proposer un tour complet. Là n'est de toute manière pas le but, rien de tel que découvrir ces détails par soi-même. Carrément éprouvant (je n'écouterai plus jamais les cris de singes de la même façon) et richement pourvu, System Shock 2 traverse les âges mais reste toujours d'actualité.
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