Pour comprendre l'angle d'analyse de cette critique, il est important de se replonger dans un autre jeu d'horreur qui a précédé Lust from Beyond : le fameux Agony. Monument d'horreur qui nous vendait un gameplay en surenchère constante d'ultra-violence et de symboliques sexuelles dans une intrigue se déroulant en enfer, les trailers avaient mis tous les joueurs en pamoison, impressionnés par les propositions de ce projet qui nous vendait une dose de transgression inégalée jusqu'à lors. Il suffit de jeter un œil sur la note actuelle du jeu pour constater la réception publique de la chose. Le buzz monumental s'est retourné contre le projet, immédiatement étrillé par les fans qui l'attendaient comme l'antéchrist, une fois la supercherie découverte : un skin sanguinolent habillant un clone paresseux d'Alien Isolation sans réel fil narratif ni vision réellement perturbante. La surenchère visuelle n'a pas été bien gérée, mais c'est surtout la redondance du gameplay qui a très vite rendu ce jeu rébarbatif, décourageant rapidement les joueurs d'y trouver un quelconque intérêt. N'est pas Screamerclauz qui veut. Nouvelle tentative avec lust from beyond. Et là aussi, des trucs intéressants, mais une déception.


Les leçons d'Agony ont porté leurs fruits, l'intrigue se déroule ici dans deux dimensions qui s’entrelacent, assurant dès lors les pauses visuelles nécessaires à l'appréciation des séquences dans l'au delà. Davantage de sexe, et un avant goût de Scorn viennent apporter un peu de singularité au projet, ainsi qu'une mythologie pleine de noms imprononçables qui se focalisent sur un concept intéressant : l'agonie d'une divinité tentant de chercher de l'aide chez les humains. Et certains lieux assez raffinés comme la base de la gentille secte. Quelques références allant de Silent hill à Eyes wild shut, et nous voilà rassasiés. Mais hélas, que de défauts...


Si l'exploration d'une ville déserte a de quoi satisfaire, le résultat manque beaucoup d'originalité. Les références qu'il fait sont trop évidentes, ses mécaniques de jeu dans la dimension parallèle sont trop répétitives (même problème qu'Agony), et surtout, son potentiel est inexploité. On nous vendait un jeu de la transgression, mêlant sexe et violence dans un cocktail qui appelait à être transgressif, à jouer avec nos propres dilemmes moraux. La principale déception est au niveau du sexe dans ce jeu, c'est souvent plus érotique que pornographique, et le cota de transgression est vraiment minime, nous voyons certes quelques pénétrations, mais si le concept justifie ces séquences (le sexe permet d'atteindre certaines zones de cette dimension parallèle), il ne l'exploite jamais, et cache d'ailleurs la plupart du temps les actes sexuels en faisant regarder ailleurs le personnage. D'ailleurs, pourquoi nous obliger à chercher constamment des clefs dans les niveaux... alors que le sexe du personnage pouvait déjà être la clef, mais qu'il faudrait trouver la bonne serrure ? Pourquoi ne pas avoir repris les mécaniques des jeux pornos gratuits du net et les avoir incorporé dans ce jeu, devenant dès lors une synthèse du fond de boutique vidéo-ludique en l'enrobant d'un zeste de provocation pour créer une oeuvre hommage et en même temps de qualité ?


Ce matériau était si riche, et il offre finalement si peu de nouveauté. Le gameplay se résumera donc à chercher des clefs pour ouvrir des portes et certains artefacts, en plus de l'aspect survival horror typique de ce genre de production. La véritable erreur de Lust from Beyond, c'est qu'il oublie de mettre du lust, et qu'on a assez peu de nouveauté question violence (Agony était nettement plus audacieux et consistant de ce côté malgré sa redondance). Mais ces deux jeux manquent d'une chose : de moments d'angoisse. Et je vais donc citer un autre jeu vidéo mitigé : Outlast 2. Outlast 2 ne contient aucune surprise en comparaison de son prédécesseur, les mécaniques sont les mêmes, et on se retrouve finalement à constamment fuir et donc à subir la situation sans pouvoir être acteur. C'est la limite du concept, qui bloque donc de plus en plus de joueurs. Mais il a plusieurs moments où on ressent quelque chose. La découverte des sectes. Cette longue séquence où on traverse un lac et qu'une chose vient régulièrement secouer le bateau avant de nous faire tomber à l'eau. Ce final d'un accouchement particulièrement malaisant... Le jeu savait gérer sa surenchère, limiter la violence et doser ses effets, une chose qui est clairement à la peine ici. Lust from Beyond veut du sexe mais pas trop, de la violence mais pas trop sale, et un univers riche mais sans trop se fatiguer. Et la comparaison avec chacun de ses modèles fait mal (le pire étant pour Scorn, jeu toujours pas sorti, dont les trailers de gameplay enterrent les visuels de lust from beyond).


On peut donc ouvrir sur un débat : Peut on mélanger Lovecraft et le Sexe ? A ce jour, toutes les bonnes adaptations de Lovecraft, et bonnes oeuvres dans leur média (film, livre, bd ou jeu vidéo) ne se sont pas aventurés dans ce mélange. La seule exception est From Beyond, qui restait soft sur ses représentations sexuelles, mais très généreux question créature et univers en élargissant constamment les pistes qu'il explorait. Mais ces jeux dont nous avons parlé ont choisi la piste de la surenchère. Et aucun d'eux n'a su en tirer un bénéfice réel (outlast 2 un peu, mais ses parties à base de fantôme à l'école, très banales). Une surenchère implique de collecter un nombre conséquent d'éléments et de les mettre en scène en suggérant toujours plus. Or ici, l'univers est finalement assez pauvre (les membres de la secte sont des soumis de donjons SM qui vous courent après et les créatures de l'au delà des gardiens qui interfèrent plus ou moins avec vous, mais qui généralement vous courent après). Mention spéciale à certains boss dont les comportements sont vraiment très paresseux. Bref, la liste des défauts est élevée. Mais c'est surtout dans le fond que le problème réside. Pourquoi vendre la surenchère si c'est pour ne pas trop l'exploiter ? Car soit c'est de l'auto-censure et donc un sabotage volontaire de son propre travail, soit c'est de la paresse, et c'est encore pire.

Voracinéphile
4
Écrit par

Créée

le 30 mai 2021

Critique lue 1K fois

4 j'aime

7 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 1K fois

4
7

D'autres avis sur Lust from Beyond

Lust from Beyond
Eolithe
7

Contenu +18 enfin assumé

Ici on a un cas d’école. Le deuxième jeu de Movie Games se trouve être le deuxième opus d’une série érotico-horrifique. Après Lust for Darkness - que j’avais détesté car nul -, M.G. nous sort Lust...

le 23 févr. 2023

Lust from Beyond
poussifeu
3

Avis temporaire sur la demo jouable d'un jeu pas encore sorti ^^

Ce jeu est annoncé comme un jeu d'horreur à l'ambiance Lovecraftienne parsemé d'éléments érotiques. Prévu pour sortir initialement en 2020,la demo et deux extensions ("scarlett" et "prologue" (en...

le 8 mars 2021

Du même critique

Alien: Romulus
Voracinéphile
5

Le film qui a oublié d'être un film

On y est. Je peux dire que je l'avais attendu, je peux dire que j'avais des espoirs, je l'ai sûrement mérité. Non que je cède au désespoir, mais qu'après un remake comme celui d'Evil Dead, ou une...

le 14 août 2024

181 j'aime

48

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

102 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36