Découvertal Gear : 4/11
Après le succès de MGS, Kojima devient une star internationale et peut à peu près tout se permettre. Il se lance très tôt dans l'écriture d'une suite et obtient des kits de développement pour la PS2 bien avant sa sortie, Sony ayant très envie que Snake soit présent dès le lancement de sa machine. Finalement, seule une démo de MGS2 sera disponible en 2000, mais elle permet de faire encore plus gonfler les attentes du public. Le jeu est finalement annoncé pour une sortie en septembre 2001… Sortie qui sera annulée suite aux attentats, ressemblant un peu trop au final du jeu (un bateau militaire s'échoue en plein New York, détruisant de nombreux monuments). La scène finale est donc revue à la dernière minute, et le jeu sort en novembre de la même année.
A sa sortie, le jeu divise, en particulier pour le changement de protagoniste qui s'opère au cours du jeu. Si on commence bien l'aventure dans la peau de Solid Snake, notre fumeur préféré est MIA au bout de deux heures, et c'est le blondinet Raiden qui prend sa place pour tout le reste de l'aventure. Un twist habilement caché à l'époque par Konami et qui aura mécontenté de nombreux fans, Raiden devra attendre 2013 et la sortie de Revengeance pour se racheter une réputation.
Personnellement, ça ne m'a pas dérangé. J'aime bien Snake, mais Raiden le remplace efficacement tout en ouvrant de nouvelles perspectives narratives. On sent aussi que Kojima a voulu en faire une sorte d'avatar du joueur (en particulier du fan hardcore de la série), vu que Raiden est un énorme fanboy de Snake et a canoniquement joué au précédent jeu et même bouclé les 300 missions du spin-off MGS VR Missions.
Cela dit, il est assez étrange que Raiden ait droit à des tutoriels lorsqu'on prend son contrôle, alors que le jeu a déjà débuté depuis deux heures et que des mécaniques aussi basiques que l'utilisation du radar ou le fait de ramper au sol soient normalement déjà bien acquises par le joueur. Au vu du twist final, je peux comprendre l'intention, mais dans les faits c'est juste chiant d'être interrompu toutes les 20 secondes par Colonel Obvious sans même que Raiden ne lui dise d'aller se faire voir.
Tant qu'on y est, parlons du scénario : il est… Intéressant. J'aime beaucoup le propos qui est développé en fin de jeu, il est même franchement clairvoyant sur certains points. Il nous alerte sur la montée en puissance d'Internet et ses possibles dérives, que ce soit les caisses de résonance qui se mettent en place et poussent les gens à devenir de plus en plus extrêmes (impossible de ne pas penser à Twitter), sur les dangers des intox qui se propagent à une vitesse alarmante (si vous faites partie de ces gens qui utilisent le terme "fake news", merci d'émigrer dans le pays anglophone le plus proche) mais aussi sur le contrôle de l'information par une élite se pensant vertueuse. 22 ans plus tard, le scénario a vu juste et il est assez malheureux de constater que l'on n'a pas su éviter la catastrophe annoncée.
Mais à côté de ça… Pfiou, qu'est-ce que c'est bavard et chiant ! On m'avait vendu le plot twist de fin de jeu comme un des plus incroyables du médium, et ok il fonctionne tout en étant correctement amené, mais est-ce qu'il y avait vraiment besoin d'une cinématique de TRENTE MINUTES pour le délivrer ? On avait déjà compris qu'on a été manipulé tout au long du jeu comme un bleu, y'avait pas moyen d'abréger ? C'était déjà un problème dans les précédents jeux, la fin est toujours un gigantesque pavé de texte avec des plot twists plus ou moins gratuits, mais ça commence à prendre des proportions ridicules. Et c'est dommage, parce que le reste du jeu a une assez bonne balance entre cinématiques et gameplay.
Surtout que le speech final est étonnamment proche de celui de MGS1 ("Tu es libre, l'ADN ne fait pas tout."), ça devient très répétitif.
Graphiquement, c'est assez fou de se dire que MGS2 est sorti à peine un an et demi après la PS2 quand on voit à quel point le jeu est beau. Comme dans le premier épisode, la mise en scène est réussie et l'ambiance qui se dégage des cinématiques est vraiment qualitative. Je sais que je joue à la version HD, mais les modèles et les animations restent tout à fait convaincants encore aujourd'hui.
Allez, ça manque un peu de détails dans les environnements (et de diversité aussi, le jeu se passe dans un cargo puis une plate-forme pétrolière, ça donne des lieux très semblables et froids), mais ce sera vraiment mon seul reproche sur les graphismes. On oublie parfois à quel point l'ère 128-bits était un énorme pas en avant sur ce point, des jeux de début de vie comme MGS2 sont là pour nous le rappeler.
J'avais oublié de mentionner un défaut à MGS1 et ce jeu-ci le conserve donc allons-y : je n'aime pas la surutilisation de ralentis et d'after-images dans les cinématiques les plus orientées action. Ca a extrêmement mal vieilli et c'est très laid en plus d'être parfois illisible, j'espère que Kojima reverra sa copie sur ce point dans les prochains jeux.
Niveau gameplay en revanche, c'est quasiment un sans-fautes. Tous les défauts que je reprochais à MGS sont corrigés, en particulier en ce qui concerne les affrontements qui sont beaucoup plus simples à gérer grâce à la vue à la première personne et à l'introduction des headshots, qui permettent de tuer/endormir un ennemi en un coup. Jouer avec un stick aide également considérablement la précision et l'introduction d'une manoeuvre d'esquive (à utiliser plutôt comme un boost) permet d'échapper de peu à un garde un peu trop observateur.
MGS2 est aussi beaucoup plus orienté infiltration et relègue ses phases d'action à la dernière heure du jeu (donc si vous enlevez les cinématiques, ce serait plutôt les 15 dernières minutes). Il y a plus de gardes, ils ont une IA plus développée (ils donnent l'alerte s'ils voient un cadavre, font de temps en temps des rapports radio à leurs supérieurs qui enverront donc une équipe enquêter s'il y a un silence radio trop long…), des nouveaux outils comme le Cypher (ce qui rend son utilisation par Snake dans Smash Bros assez drôle)... Raiden est aussi légèrement incapacité lors de sa première traversée de chaque zone puisque son radar sera HS jusqu'à ce qu'il trouve un terminal pour le mettre à jour, ce qui force à être très prudent puisqu'on n'a pas d'info sur ce qui nous entoure.
Notons aussi l'introduction d'un pistolet à seringues hypodermiques, qui permet d'endormir des gardes et non de les tuer, ce qui vous aidera si vous comptez faire une run pacifiste (chose que j'ai tentée de faire, jusqu'à la dernière section où il y a beaucoup trop d'ennemis à fois). Vous pouvez même tenter de battre des boss avec cette arme (dans ce cas vous ne baissez pas sa barre de vie mais sa barre d'endurance), mais j'avoue que je n'ai pas compris ce que ça apportait puisque les personnages mouraient quand même lors de la cinématique suivante. Bonne idée du coup, mais exécution bancale.
Le principal problème du jeu est peut-être son trop petit espace. Dans la première moitié, on explore les sept mêmes petites salles en boucle avec très peu de variations entre chaque visite, et la seconde partie ne nous donne accès qu'à quelques étages supplémentaires. En découle un gros sentiment de répétitivité, l'île de Shadow Moses paraissait plus grande, et pourtant elle-même semblait plus restreinte que les zones de jeu des épisodes MSX2.
On peut aussi noter que quelques mécaniques sont sous-utilisées, je pense au Nikita qui ne sert que dans une seule section (pas très intéressante) et qui semble n'avoir été placé là que parce que c'était dans le cahier des charges de la série (MG et MGS l'utilisaient mieux, ou en tout cas plus souvent).
C'est contre-balancé par la présence de nouvelles séquences vraiment cools, comme la plongée sous-marine (qui aurait gagné à avoir des contrôles verticaux inversés cela dit) ou surtout la session de sniper où il faut aider notre alliée à traverser un pont sans trop de bobo. Bonne tension dans cette phase, et on peut même demander à Snake de nous aider si on galère (ah oui au fait, il n'était pas mort, si vous aviez un doute).
Oh, et putain, on n'a plus besoin d'appeler un random au Codec pour avancer dans le jeu, merci seigneur Kojima ! Le Codec est désormais réservé aux séquences scriptées ou à des dialogues optionnels, ça me le rend beaucoup plus sympathique (même si les conversations gnangnan avec Rose, bon, faut se les farcir). Le jeu récompense vraiment l'exploration et la déduction.
Notons aussi la présence de missions annexes, plus difficiles, non canoniques et qui nous mettent dans la peau de Snake (rajoutées deux ans après la sortie du jeu, pour calmer les plaintes causées par Raiden). Intéressantes mais pas indispensables, elles sont aussi assez dures par rapport au jeu de base donc vous devriez en avoir pour votre argent si vous tentez le 100%.
Du coup, MGS2 est le premier épisode de la série où je me suis vraiment amusé et où je n'ai pas eu à recourir à un guide à intervalles réguliers. Il a des problèmes, surtout au niveau de l'écriture (trop présente dans la dernière heure de jeu et finalement assez contre-productive) et il aurait clairement gagné à avoir une plus grande zone de jeu, mais il donne à une série relativement archaïque un gameplay moderne et intéressant. Qu'il paraît loin le temps où MGS me demandait de faire deux aller-retours inintéressants juste avant le boss final !
MGS3 n'a plus qu'à transformer l'essai… Et ne pas faire 10 plot twists en trente minutes !