Un peu d'histoire
1964, au petit matin, un avion américain survole le ciel soviétique en toute illégalité. A l'arrière de l'appareil, on y retrouve Snake cigare au bec, se préparant, attendant le signal de son supérieur Major Zero. Et soudant, la cale s'ouvre bruyamment, invite la lumière du soleil à prendre place dans l'appareil. Le vent s'y engouffre. Le cigare, fraîchement écrasé, profite de la bourrasque pour s'envoler. Snake, lui, s'approche du vide en tâtonnant doucement. « Spread your wings and fly god be with you! » Les mots de Major Zero en tête, se laissant aller en avant, Snake fait le grand saut dans ce qui sera une aventure qui bouleversera définitivement sa vie, et par la même occasion la notre, celle de joueur.
C'est pendant le Halo de Snake (un saut en très haute altitude) qu'on apprend sa mission en territoire ennemi. Sokolov, un brillant scientifique russe, est tenu prisonnier. Il y a quelques années, en pleine crise de conscience, il était passé à l'ouest avec sa famille grâce à l'aide des américains. Mais en 1961, ils furent dans l'obligation de le restituer aux russes évitant ainsi que la crise de Cuba ne s'aggrave.
Contre son gré, Sokolov doit alors poursuivre son travail consacré à une arme secrète de destruction massive : le Shagohod. Une fois achevé, ce tank nucléaire changerait la face du monde. C'est pourquoi Snake, agent d'élite du groupe FOX, se doit d'agir vite et efficacement. Mais bientôt, il découvrira qu'il est très loin d'être le seul à vouloir mettre la main sur le scientifique.
Armé jusqu'aux dents
Comme dans les épisodes précédents, Snake a droit à un arsenal assez impressionnant pour un seul homme. On se demande où il cache tout ça. La magie du jeu vidéo me direz-vous. Ce qui diffère de Metal Gear Solid 2, c'est l'époque. 1964, pas d'armes sophistiquées comme le Nikita ou le Stinger. Par exemple, le radar n'est pas utilisable continuellement. Il faudra faire attention à sa batterie. Le silencieux du MK22 a aussi une durée de vie limitée. Il faudra économiser et ne pas tirer à tout va. Snake peut également monter aux arbres (limités malheureusement), de se tenir aux branches sur un bras et tirer de l'autre, ou assommer les ennemis en leur tombant dessus.
Mais la véritable nouveauté est l'apparition du CQC (Close Quarters Combat). C'est une technique de combat de corps à corps classe mais risquée. Parfaite pour désarmer l'ennemi, lui soutirer de force des infos, de s'en servir comme bouclier humain, de l'assommer en le projetant au sol, ou de lui couper la gorge dans le silence le plus complet. Les animaux chassés vivants peuvent être également une "arme" redoutable. Il est tout à fait possible de lancer un serpent aux pieds d'un ennemi trop attentif pour s'en débarrasser.
L'intelligence artificielle déçoit un peu. Elle est dans la même lignée que MGS2, seulement les années ont passées, et elle n'a pas vraiment changée. Il suffit de comprendre son mécanisme pour ne plus du tout être surpris. Une fois Snake, découvert, certes il est très difficile de se débarrasser des gardes, si on joue le jeu. Mais ils ont souvent la mémoire courte. Passer d'une zone à une autre peut largement permettre de se tirer d'affaire, si on sait comment si prendre. Du moins, en mode normal. Mais là, je chipote beaucoup.
J'ai glissé chef !
Après une fusillade, une chute d'un arbre, ou même une mauvaise rencontre avec un animal, Snake peut être plus ou moins blessé : fracture, coupures, brûlures,... C'est pourquoi il dispose, dans son sac, d'une série de médicament (pansements, aiguille, attelles, désinfectant, anti-inflammatoires, sérum, etc.). Un menu clair nous permet de le guérir. Bien sûr, il faudra prendre en compte de ce qu'il a besoin suivant sa blessure. Une morsure de serpent peut affecter sa précision si Snake ne se soigne pas...
Encore une fois Kojima et son équipe ont apporté ce souci du détail propre à la série. Il y a tellement de chose à expérimenter, à découvrir qu'il est impossible de tout voir lors de sa première partie. Car même si le jeu n'est pas exempt de défauts, il est incroyablement riche. Par exemple, si Snake s'est empoisonné, il est possible de le faire vomir pour le sortir de ce mauvais pas. Fallait y penser ! Graphiquement, Snake Eater ne déçoit pas du tout. Mais il arrive que pendant des phases de jeu, ou de cinématiques, le frame rate chute dangereusement. C'est clair, MGS 3 pousse la PS2 dans ses derniers retranchements. Cependant, nier que la réalisation est tout simplement magnifique serait être d'une mauvaise foi crasse.
La modélisation, surtout des visages, est superbe. Les environnements sont très variés, alternants extérieurs et intérieurs, le jour et la nuit, pour notre plus grand plaisir.
Au service du scénario, les cinématiques sont toujours menées de mains de maître. Certaines proposent même un autre angle en nous invitant à appuyer sur la touche R1. Très sympathique ! Le doublage américain est de très bonne facture. Les acteurs sonnent juste. On se souviendra du doublage sur Twin Snakes ou David Hayter avait tendance à trop en faire pour Solid Snake. Certains propos en devenaient ridicules. La mise en scène est efficace et parfaitement compréhensible. D'ailleurs, le scénario aussi. Il n'est pas aussi complexe que l'est Sons of Liberty. On le comprend dès la fin de la première partie. Pas de prise de tête possible. Et puis, Snake Eater ne se prend pas vraiment au sérieux. C'est une sorte d'énorme clin d'oil aux premiers James Bond dont Kojima est très friand. Pour s'en convaincre, le générique à la manière de Maurice Binder en est une preuve indéniable. Il arrive même que cet épisode se parodie lui-même avec beaucoup d'humour. MGS 3 est très second degré en somme.
Le scénario se passant avant MGS et MGS2, la plupart des personnages sont totalement inédits. On retrouvera le jeune Ocelot très maladroit et son amour pour les Colts Single Action Army ; Big Boss, bien sûr, dont on comprendra enfin sa déchéance. On regretta cependant des boss moins charismatiques, à l'exception de The End, qui propose tout simplement l'un des meilleurs duels de la série. A souligner aussi la rencontre inoubliable et tourmentée avec The Sorrow. Le scénario débouchera sur une fin inoubliable. Kojima raconte même qu' « En Corée du Sud, 90% des joueurs qui ont terminé le jeu avouent avoir pleuré à la fin. » Et on comprend bien pourquoi !
Comme en vrai !
A noter que, sous la direction de Motosada Mori (le conseiller militaire), Kojima et son équipe ont suivit une formation militaire. Un petit tour dans la galerie s'impose pour voir cette manière originale de se documenter. Maintenant, on sait d'ou vient le réalisme de MGS 3...
Pour résumer
Snake Eater est un incontournable. On regrettera la caméra qui se fait vieille aujourd'hui, mais la réalisation est d'une si grande qualité qu'on serait presque en voie de tout pardonner à Kojima. Le gameplay est toujours aussi riche et apporte son petit lot de nouveauté. Après un petit moment d'adaptation, Snake répond au doigt et à l'oeil. Le scénario parsemé de très nombreux rebondissements, est très compréhensible et débouche sur une apothéose rarement vu dans un jeu vidéo (la larme ! la larme !). Bref, si vous n'avez pas encore fait ce jeu fascinant, je vous envie à en mourir.