C'est durant cette fin de mois de juillet 2022, période estivale propice aux voyages en territoire inconnu, saison chaude et ensoleillée propice aux perenigrations extérieures, éphémère pause avant la rentrée propice aux activités extra-professionnelles...que je me suis décidé à entamer sur PS5, ce fameux "MGS V: Grounds Zero", sortie en 2014, édité par Konami et toujours développé par Kojima Productions, bien qu'ayant fini "The Phantom Pain" en début d'année, sur PC...curieux par ce qu'il semble être, à savoir une démo technique bien complète que davantage de jeu...par ce qu'il semble raconter, à savoir les prémices scénaristiques et les ramifications de son illustre prédécesseur...par ce qu'il semble m'offrir, à savoir une mission fondatrice et traumatisante pour une de mes icones favorites...
C'est a peine la galette dans la console, la manette à la main, l'enceinte volume à fond, l'écran bien positionné, le cul vissé sur le canapé...des textes apparaissant, relatant des faits historiques arrivés il y a peu, dépeignant des actes qui ont changé le monde, racontant succinctement un précédent volet de la saga...permettant à chacun de comprendre les enjeux, les trames inhérentes à cette franchise, expert ou non initié...et puis, une lumière aveuglante, une pluie incessante, une caméra tremblotante, une son écrasant, une vibration continue...des silhouettes se dessinent, des voix se font entendre, des sous-titres se dévoilent, des sonorités environnementales s'expriment, des indices se révèlent, des protagonistes se présentent...tout est flou, étrange, complexe, suggéré...nous laissant égaré, perturbé, questionné...simple spectateur d'un film...un générique, une musique, un titre, une voix, un personnage apparaissent...un message nous entant directement envoyé, sans concession...un interlocuteur nous guide...un objet nous informe...un objectif nous est attribué...un monde nous attend...nous immergeant immédiatement dans une partie de Cuba sous occupation américaine, une zone rocailleuse de bord de mer, une solide base militaire lourdement armée, un camp d'emprisonnement maintenu secret...une usine sécurisée en fond, des baraquements de fortune au premier plan, des entrepots en son cœur, des cages à peine recouvertes sa droite, des monticules de dechets et un bidonville sa gauche, des tours de garde cyclique, des rondes véhiculées, des aller-retours constants, des miradors scrutant l'horizon, des check-points surveillant la moindre arrivée, des caméras épiant le moindre signe de vie...dépeignant ici avec effroi et horreur, la brutalité et la souffrance humaine...les dérives militaires et sécuritaire propre à ce pays et aux drames historiques dont il a du faire face...mais qui dans son fond pourrait très bien se conjuguer à bien d'autres territoires moins lointains, ou faits sociétaux bien connu de tous...renforçant l'engagement et la détermination du joueur, du personnage principal...sentiment sublimé par ce moteur graphique intemporel...le Fox Engine, ces plans de caméras cinématographiques, ces sonorités environnementales immersives, ces jeux de lumières envoûtants, cette palette colorimétrique riche, ce chara-design emblématique, cette finesse architecturale, ces textures élégantes, ces focales superbes, son jeu d'acteurs iconique et cette diversité musicale, dont la chanson phare "Here's To You", sortie en 1971, dont le thème s'inscrit parfaitement au contexte ici dépeint...usufruit de la vision artistique de ce créateur, evocateur de ce que sera sa suite...mais rendu digeste ici par son minimalisme, sa sobriété...donnant à ce petit bout des Caraïbes corps et âmes, et une identité singulière, loin de tout exotisme et fantasme...
C'est donc au sein de cet archipel cubain crépusculaire, ce décorum champêtre malaisant, ce théâtre tropical morose...que nôtre principal incarnant, Boss se voit attribué la lourde et unique tâche de sauver deux cibles, d'exfiltrer deux enfants...le temps d'une seule et unique journée, le temps d'une seule et unique mission...seul, presque nu..avec peu d'informations, d'armes et d'outils...devant constamment analyser, comprendre, observer, entendre, lire, explorer, afin d'apprendre, de digérer, de maîtriser...les différents codes, règles, cycles, routines inhérent à ce lieu unique et a ses résidents...demandant patience, sérénité, abnégation et engagement afin d'outre-passer ceux-ci...nous plongeant immédiatement dans un puzzle géant, une énigme insulaire, une enquête à coeur ouvert, un pistage à multiples embranchements, un bac à sable numérique...s'adaptant suprenamment à chacun de nos choix et actions, évoluant toujours selon notre parcours, nous mettant toujours au défi, jouant constamment avec nos acquis, troublant en permanence notre intelligence...sans gain de compétence, d'arbre de talent, de niveau d'expérience, de structure de quête, d'inventaire interminable...dépassant allègrement son statut de jeu d'infiltration ou de shoot...sublimé par ce level-design permissif et ouvert, cette affordance visuelle et sonore, ce sens du rythme et situation, ce gameplay adaptatif et malléable...où l'échec est acceptable...où la réussite est gratifiante...où la persévérance est récompensée...où tout est logique...où tout à du sens...où tout est à disposition...où chacun trouve son compte...où chacun se construit son jeu...usufruit de la vision ludique de ce créateur, evocateur de ce que sera sa suite...mais rendu digeste ici par une simplification, une mesure, une accessibilité volontaire...donnant à cette petite expérience une profondeur et une singularité, loin de toute surenchère et prétention...
C'est donc au sein de cette relecture de cette état insulaire, de ce théâtre oppressant mais ludique, dans la peau de se charismatique personnage, dans se minimalisme volontaire...que le récit s'écrit...où plutôt que nôtre récit s'écrit...démarrant à partir de rien, établi sur un terrain vierge, d'où le titre de l'œuvre...car fortement indexé à nos choix, à notre exploration, à nos actions et à notre parcours...pouvant tout autant être court et simpliste...comme long et labyrinthique...ne se dévoilant qu'au gré de notre engagement...ne se comprenant qu'au gré de nos découvertes...ne s'expliquant qu'au gré de nos collectes...ne trouvant du sens qu'au gré de notre complétion...une flexibilité jamais égalée...pouvant juste être une simple histoire de sauvetage pleine d'héroïsme et de virilité...un grand foutoir énigmatique et alambiqué digne d'un roman d'espionnage...une métaphore sur les dérives politiques et humaines...une remise en question sur l'acte de tuer et les conséquences qu'il implique...une réflexion sur le ludisme et les plaisirs qu'il provoque...une satire de ce média et de sa conception...une critique de son modèle économique et structurel...entre réalité et fantasmes...entre passé et présent...entre dit et suggéré...entre vu et écouté...entre l'environnement et la trame scénaristique...entre jeu et cinématique...entre acteur et spectateur...entre légerté et drame...entre grandiloquence et sobriété...entre linéaire et destructuré...entre vérité et mensonge...dans la droite lignée de la vision narrative de ce créateur, evocateur de ce que sera sa suite...mais nécessaire pour mieux la comprendre et en maîtriser ses codes...
C'est donc après un dernier sauvetage bien préparé, un dernier au revoir à cette Cuba crépusculaire devenue mienne, un dernier panorama sur ce camp vidé de toute menace, une dernière cinématique justifiant le titre de sa suite, un dernier ressenti expliquant cette fameuse douleur, un générique de fin toujours aussi long, un long texte faisant office de pédagogie, un funeste récapitulatif de mon parcours, un Boss éreinté, usé et le visage ensanglanté fruit de mes choix...la manette humide, dû à mon entêtement, le cerveau un peu H.S, usufruit de mes différentes réflexions, les sentiments bousculés, du fait de mon parcours, la tension évacuée, héritage de ma vision de ce personnage mais revigoré par cette éphémère pause dans mon quotidien, cette mission que j'aurais bouclé avec professionnalisme, cette perenigration tropical sous une pluie battante, cette incarnation très émotive, au point de n'avoir pas vu le temps passé, les heures défiler, le soleil se coucher, laissé une clope mourrir seule au bord de mon cendrier et d'omettre de me doucher, heureux d'avoir oser tenter par cette préquelle, satisfait de l'avoir terminé, attristé de devoir la quitter, surpris par sa singularité, interloqué par sa conception, étonné par sa redéfinition d'un genre, amoureux par ce qu'elle ose, attaché à la défendre, admiratif par le génie de ce créateur, subjugué par ces deux volets d'une même histoire, d'un même personnage, convaincu qu'ils sont tout deux intemporels et obligatoires, assuré que d'autres devraient s'en inspiré, avide de retrouver Kojima sous d'autres prismes vidéo-ludique, sûr qu'il saura bien faire, curieux de revoir un jour Boss, mais pas forcément pressé au vue du magnifique travail effectué à travers ce cinquième épisode...bref un véritable coup de cœur personnel...renforçant mon amour pour ce jeu en deux volumes...un duo...entre ludisme et réflexion, entre amusement et dégoût...jamais gravé dans mon esprit...un chef-d'œuvre en deux temps.......