« Les personnes atteintes du syndrome de l'imposteur, appelé aussi syndrome de l'autodidacte, expriment une forme de doute maladif qui consiste essentiellement à nier la propriété de tout accomplissement personnel. »
Voici donc le nom exacte de la sensation qui m’a accompagné durant ces quelques heures de Metro Exodus, à sillonner ces environnements froids où l’on m’avait dit, semble-t-il, que je devais y incarner un héros prêt à accomplir quelques exploits pour son peuple.
La sensation ressentie fut pourtant tout l’inverse. La faute au caractère passif du personnage, qui est pourtant dépeint comme un héros – et qui, donc, devrait posséder des propriétés actives. Cette opposition dans les termes est troublant à plusieurs égards, et ne manque pas de soulever une sensation d’incohérence. Les personnages s’adressent à un héros muet, et continuent parfois de parler tandis que le joueur s’éloigne. Autant parler au vent ! Artyom est un mythe que personne n'aura la possibilité d'incarner : une enveloppe vide, un archétype qui ne rencontre aucun dilemme, et ne se concrétisera donc jamais à travers ses choix personnels.
La romance est établie dès le départ, sans aucun rebondissement. Le joueur est invité à tristement suivre l’histoire comme à bord d'un train qui glisse sur des rails, sans jamais s’investir de lui-même ni ressentir d’enjeux personnels. Est-ce si compliqué de faire comprendre au joueur qu’il faut qu’il agisse pour obtenir ce qu’il veut ? Voici pourtant la définition de l'héroïsme. Encore faut-il qu'il y ait du désir ; point sur lequel Exodus échoue complètement, donnant à ses personnages l'épaisseur d'une feuille en aluminium. Gentils lorsqu’ils sont de pauvres villageois en détresse, méchants lorsqu’ils sont des bandits ou des fascistes (je croyais cette mode manichéenne passée, mais il faut croire que non), les personnages deviennent tous plus ou moins embarrassants à écouter.
Sauf si l'auteur avait délibérément conçu son personnage principal comme un imposteur (ou un héros sans personnalité, purement désigné par sa communauté – ironiquement russe !), nous pouvons assez facilement affirmer que l’approche scénaristique de cet opus est ratée. Et pour un Metro, cet échec laisse un goût particulièrement décevant dans la bouche.
Du reste, si Exodus échoue à dépeindre les hommes, il lui reste les monstres. Souvent la créativité, lorsqu’elle est bridée par une éthique trop contraignante, trouve son exutoire dans le genre fantastique, qui l’éloigne des problématiques liées au consentement moral. A ce titre le jeu propose quelques séquences réjouissantes, mais dont l’intérêt peine à sauver le sentiment d'imposture qui constitue le reste du jeu.