Voilà un moment que je me suis fait un marathon des séries Metroid principales (à l'exception du tout dernier sorti, Dread, et de Prime Hunter), et Fusion a bien entendu fait partie de la liste. J'étais préparé pourtant, je savais très bien que c'était un opus bien plus linéaire que Super Metroid, mais je dois me rendre à l'évidence qui ne va sans doute pas m'amener que des amis au sein des fans de la série : je n'aime pas Metroid Fusion.
Pire, je suis convaincu que c'était une fausse route absolue, la preuve que Nintendo n'avait rien compris à ce qui faisait de Super Metroid un tel chef d'oeuvre au retentissement encore d'actualité, incompréhension qui aura plus tard causer du tort à la saga. Metroid, ce qui a marqué dès le premier opus qui donnait pourtant déjà toutes les bases, c'est l'isolation, le tâtonnement, la galère absolue qui mènent à une gratification sans égale quand on trouve enfin un moyen de progresser dans ce milieu hostile, quand on se familiarise avec cette planète qui nous était inconnu, quand on ouvre petit à petit toutes les portes de cette cage labyrinthique qu'est le jeu. En un mot : le metroidvania.
Eh bien Fusion, c'est quasiment l'anti-à peu près tout ce que je viens de dire. L'isolation et la perte de repère ? Samus est bel et bien la seule humaine au bord de la station, mais elle a la Fédération qui veille sur elle en permanence, avec une IA qui lui sert de backseat ambulant pour lui expliquer étape par étape sa mission, et même lui larguer quelques power-ups au passage. Le tâtonnement ? Le jeu a une structure beaucoup plus linéaire, dont on voyait déjà les prémices dans le remake de Metroid 1, qui vous pointait sur la map l'endroit exact où vous deviez vous rendre. Mais là c'est poussé encore une étape plus loin, avec le jeu lui-même qui vous bloque et débloque les zones où vous pouvez (où plutôt, où vous devez) vous rendre. Pas avant, pas après. Toute la gratification de la progression, Metroid Fusion la prend et vous la met aux chiottes, d'autant que si la difficulté du jeu est un minimum présente au moins pour les boss (globalement réussis cela dit), on est pas non plus sur un niveau qui vous fera saigner les pouces au point d'en souffler de contentement quand vous en viendrez à bout.
Mais bon, tout ça, je m'y attendais encore une fois. On m'avait dit que Fusion n'avait rien du metroidvania, et ça aurait pu être pardonné si la promesse qu'on m'avait faite sur le jeu n'était pas la plus grosse déception : l'ambiance. Dans le jeu, Samus est supposée être plus vulnérable que jamais suite à la perte d'une couche de sa combinaison, et le jeu nous introduit très vite un ennemi qui, à l'inverse, possède absolument tout ses pouvoirs, et face auquel elle ne peut rien pendant quasiment toute l'aventure, et qu'elle devra donc fuir : le SA-X. Sur le papier, l'idée d'un ennemi quasiment invincible qui peut faire de nous sa petite pute en deux coups de blaster, et qui nous suivra jusque dans le placard à balais s'il le faut pour nous plier en 4 est dantesque. Dans l'exécution, c'est sous-exploité. Ok, les mises en scène où le SA-X apparaît sont vraiment bien foutues, entre le silence absolu, les bruits de pas en écho, pour de la GBA c'est de la balle. Mais ces moments sont vraiment beaucoup trop rares pour justifier à eux seuls l'ambiance du jeu. Si encore le SA-X pouvait vraiment nous tomber dessus à tout instant pendant qu'on explore un secteur de la station, j'aurais tout pardonné, mais non, il n'est exploité que dans de trop rares phases conçues pour ça. Et le combat final, absolument merdique pour le coup, n'aide vraiment pas. Du reste, à part deux ou trois phases, l'ambiance du jeu n'a rien d'horrifique. La vulnérabilité de Samus n'est finalement pas plus exploitée que dans n'importe quel opus, à la différence près qu'encore une fois, elle n'est factuellement pas seule dans sa mission.
Le problème de Fusion, c'est que le jeu a pensé que sacrifier l'exploration pouvait se justifier si l'ambiance était plus soignée. Sauf que le raisonnement est foireux, parce que l'ambiance découle de la composante de l'exploration. Ne pas laisser le joueur se perdre, se faire surprendre, découvrir pas à pas la station spatiale, le prendre par la main en permanence pour lui dire où aller, lui donner une présence avec laquelle il communique, régler le tempo auquel il va progresser, tout ça minimise grandement la terreur qu'il cherche à inspirer. On peut me rétorquer à tout ce que j'ai dit jusque-là que Metroid Fusion n'a jamais prétendu être un metroidvania, et en temps normal je serais d'accord. Mais le problème est qu'en ne voulant pas être un metroidvania, Fusion gâche paradoxalement ce qu'il essaye d'être, et ça c'est condamnable.
Et c'est con, parce que le potentiel est là. Metroid Fusion n'est pas un mauvais jeu au-delà de ces ratés, de cet énorme malentendu entre Nintendo et sa propre série. En mise en scène, il y a de sacrés moments d'efficacité, qui joue presque à un degré "méta", comme le fait que Samus tenue dans son rôle de protagoniste silencieuse pendant un très long moment brise soudainement ce rôle en prenant la parole (pour la première fois de la série en plus, si je ne me trompe pas). En tant que jeu d'action/plate-forme, c'est du solide sur lequel il n'y a rien à redire.
Mais je n'arrive pas à m'empêcher de voir dans Fusion quasiment tout ce qui sera reproché à Other M par la suite, avec la mise en stase de la série qui a suivi : un jeu trop bavard, bouffé par une dimension narrative dont la série se passe très bien (et l'excellent Metroid Prime 1 sorti la même année le confirme), et qui n'a juste pas compris ce qu'il aurait du être.