Qu'il est tentant de comparer Metroid Fusion à son illustre ancêtre Super Metroid. Et que la comparaison semble difficile au premier abord pour le premier nommé...
- C'est très bavard au début, on fait un briefing de mission à Samus, ça discute, y'a des cinématiques : le jeu s'annonce déjà plus scénarisé. (pas un mal en soi)
- Du coup, on est très encadré par le jeu (au travers de l'ordinateur de bord), qui indique constamment à Samus où aller, pourquoi, comment récupérer tel power-up, débloquer telle porte, etc.
- Et puis le jeu est divisé en 6 "mondes" bien distincts, tous plus ou moins liés à un élément (eau/feu/glace/plante/nuit ?), ce qui est de prime abord assez scolaire.
Premier constat : le jeu est plus scénarisé, encadré et donc dirigiste. En ce sens, il perd l'une des qualités principales de Super Metroid : sa liberté, et l'émerveillement qui est pleinement laissé au joueur dans sa découverte du monde. De fait, le level-design de Fusion est moins intéressant, puisqu'il est toujours indiqué précisément où aller pour rencontrer le boss, effectuer une mission ou récupérer un nouveau pouvoir. Et puis la plupart du temps, les "missions" confiées à Samus ne sont pas d'un grand intérêt : aller nettoyer la chaudière du Secteur 1, tuer quelques ennemis dans le Secteur 3, ouvrir une porte dans le Secteur 4, bref, de prime abord le choix de faire primer la narration sur la liberté semble décevant.
Et puis, tout au long des trois/quatre heures que nécessite l'aventure, ce choix finit par faire sens. A défaut d'être passionnante, l'histoire est relativement discrète, et intervient intelligemment au cours du jeu, au travers du gameplay, avec des séquences laissant Samus sans information, des ascenseurs en panne, des gros monstres soudain annoncés dans le secteur et dont on voit les traces de destruction et surtout la présence du SA-X, ennemi terrifiant et véritable Némésis pour Samus. En soi, ce qu'apporte Fusion à la série, c'est une narration qui développe le background, et qui justifie le gameplay. Mais qui, fatalement, sacrifie la liberté (souvent de manière artificielle, avec des portes bloquées "parce que Samus ne peut pas encore y aller") pour mieux scripter certaines situations/rencontres et impacter davantage le joueur.
Ça fonctionne plutôt bien, et le jeu est doté de nombreuses séquences assez marquantes, et d'une grande variété d'environnements/de situations. Bien qu'on puisse déplorer la fadeur globale de l'univers montré, la station de recherche SR-X étant assez neutre et classique pour de la Science-Fiction, et tous les différents niveaux étant "artificiels" (ils sont supposés reproduire les conditions de vie des environnements explorés par Samus dans le passé), on ne ressent jamais la sensation d'exploration d'un univers abandonné, d'une civilisation.
En revanche, le virus X, principal antagoniste de Samus dans cet épisode, capable de copier la structure de toute entité organique, permet quelques possibilités scénaristiques sympathiques, et est aussi exploité par le gameplay, les X "en liberté" pouvant créer de nouveaux ennemis ou redonner vie et combustibles à Samus si elle les récupère assez tôt.
Et puis, l'infection de Samus dès l'introduction l'a également rendue plus souple, et ça se ressent dans la jouabilité, le jeu est plus permissif dans ses timings (pour le saut spatial par exemple), et la possibilité de s'agripper au mur rend les phases de plate-forme bien moins crispantes. Dans l'ensemble, le jeu est plus accessible dans son gameplay (pour l'aspect plate-forme/exploration), mais est paradoxalement bien plus exigeant dans ses phases d'action. Les ennemis font mal, réapparaissent si on n'absorbe pas les X qui les génèrent, on récupère relativement peu de vie en explorant et les boss sont nombreux et puissants. Quand ceux de Super Metroid étaient résistants, mais très redondants, ceux de Fusion sont dynamiques, bougent dans tous les sens, ont plusieurs attaques différentes et nécessitent parfois une fine compréhension de leur moveset et de leurs patterns afin d'être vaincus (rien que le bien-nommé Cauchemar explose en difficulté tous les boss de Super Metroid).
Et donc si le jeu n'est pas bien long, il est intense, truffé de bonnes idées et parvient assez bien à mélanger l'héritage de la série et particularités qui lui sont propres (introspection de Samus, scénario plus développé, véritable sentiment de menace constant, péripéties très scriptées qui amènent de l'intensité et de très nombreux boss). Avec pour contrepartie un level-design moins ingénieux, moins interconnecté, et un peu plus prévisible. Mais ça reste très bon, au point qu'on ne peut que déplorer que cet opus sorti il y a déjà 13 ans ne soit le dernier épisode en 2D. Un jour peut-être, après Metroid Prime : Federation Force...