Cruelle ironie pour la licence : Metroid gagne à ne pas être développé par des Japonais. Ce Other M sorti en 2010 est enterré, n'en déplaise à Vanguard, par un Prime sorti presque dix ans plus tôt, et ce dans tous les domaines même, de façon assez surprenante, au niveau du scénario.
Samus Aran échappait à la base au cliché basique et macho de l'héroïne de jeu vidéo, c'était la jolie fille qui se cachait derrière son armure, qui gardait ses pensées (qu'on supposait profondes) pour elle, et était d'autant plus impressionnante qu'elle restait pro en toute circonstances. Elle était de ceux qui ne se plaignent jamais, peu importent le danger et les tracas. Un problème surgit, elle n'hésite pas une seconde, traverse la galaxie, se rend où personne d'autre ne veut aller. Frôlant la mort (dans Fusion), elle reprend le travail presto subito.
Nintendo jouait intelligemment avec le caractère féminin du personnage - notamment avec les fameux endings légèrement déshabillés des jeux 2D. Retro respectait encore plus cette tradition en arrêtant totalement d'instrumentaliser le corps de la belle, ne faisant que distiller de très subtils rappels de son identité sexuelle (la finesse d'un bras actionnant une commande, le reflet de son regard dans la visière...).
Avec la Team Ninja, Samus devient une attention whore bavarde et décérébrée, avec un complexe maternel un poil glauque envers les Metroid et un comportement de japanime girl parfaitement caricatural. Avec la Team Ninja, elle devient quasiment Vanille de Final Fantasy XIII, on a droit à des gros plans sur sa combinaison moulante, et à d'interminables tartines d'états d'âme inintéressants.
Non, je suis désolé, mais Samus n'est pas la blonde de service, elle ne devrait pas être ce mélange de soldate et d'émo bien foutue, et elle ne fait pas de gestes stupides avec ses pouces. Pour un peu elle aurait eu des couettes et se prendrait en photo dans la vitre de son vaisseau avec la bouche en coeur ; n'en jetez plus.
Il y a selon moi plusieurs moyens de réussir la narration d'un Metroid : le plus utilisé consiste à jouer sur le sentiment de solitude et d'isolement du joueur pour stimuler son imagination et lui faire retrouver son âme d'explorateur voire d'archéologue (Prime, Zero Mission) ; un autre s'attache davantage à l'urgence, la peur, trouve ses racines directement dans l'Alien de Ridley Scott (Super Metroid, Fusion). Telle Ripley de ce dernier (et de ses suites), Samus est une héroïne torturée, plusieurs fois abîmée par ses aventures (altérée dans son corps dans Fusion, rendue presque schizophrène par le phazon dans Metroid Prime III). Elle ne fait pas des checks avec ses potes en se rappelant du bon vieux temps sur Citédufutur-Lambdapolis ; elle tue de sang-froid, à la chaîne, des dizaines de pirates de l'espace. Ces mêmes pirates de l'espace qui ont tué ses parents, détruit sa colonie natale.
Metroid n'est pas tant un space opera à deux sous qu'une histoire de vengeance, dont l'héroïne n'est pas guidée par des motivations si pures qu'elles n'y paraissent. Mais c'est ce qui la rend intéressante ; et j'attends encore le Metroid V qui fouillera davantage les parties sombres de son caractère. Quelque chose me dit que je peux attendre longtemps.