Le joueur ne fait rien, et pourtant tout ne se passe que sous son regard. Même privé de bras, limité à un simple regard, il reste le dieu de l'univers virtuel crée par le jeu. Quand bien même on se contente de suivre les dialogues à contre-temps, on éprouve en jouant à Michigan une liberté assez paradoxale. La liberté de cadrer, de zoomer, de composer le long plan-séquence entre deux écrans de chargement (qui ne peuvent être que des mires TV). Evidemment, le jeu nous guide : regardez sous les jupes, laissez votre journaliste mourir, ou cadrez le personnage qui parle, on vous donnera des points érotiques, d'immoralité ou de suspense. Mais c'est pour rire. Faites ce que vous voulez. Explorez du regard les bureaux. Cadrez le jean de votre preneur de son. En nous embarquant dans ce voyage infernal, Michigan nous laisse la liberté de réaliser notre propre film de série Z. Notre propre reportage dans ce monde mal branlé, ou des tarées armées d'un micro explosent à coup de fusil à pompe des monstres rougeâtres avant d'aller prendre une douche et de tout oublier. Cela suffit pour qu'on joue le jeu : on s'efforce de bon gré de trouver le meilleur angle de vue, on zoome un max sur les fesses de la journaliste qui se baisse (il faut penser à l'audience), on cadre le lustre qui menace de tomber. En pratique, la proposition s'avère passionnante, elle demanderait à être exploitée avec plus de moyens, on se prendrait presque à rêver de la naissance d'un genre... Mais Michigan perdrait de sa singularité, lui qui se présente nu et brut à nos yeux un peu éberlués. Contentons-nous de profiter de cet étrange non-jeu, qui délaisse la tension habituelle pour nous plonger dans un malaise ludique, l'impression absurde de n'avoir rien à faire là, mais de rester fasciné. On accepte d'autant plus facilement ses propositions voyeuristes qu'il n'y a pas grand chose à voir. Comme si le jeu voulait signifier que la violence, le sexe ne sont pas sur l'écran mais en nous, dans le regard que nous portons sur des textures, des polygones absolument neutres..

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le 16 mai 2011

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