Il est un peu dommage de découvrir Minecraft sur le tard. Persiste le sentiment d'être passé à côté d'une experience de jeunesse qui aurait pu être personnellement fondatrice si seulement faite entre Verne et les nouvelles de Poe et Maupassant.
C'est toutefois le moyen de prendre après coup la mesure exacte de l'Univers imaginé par Telltale Games. En à peine un demi-siècle, leurs œuvres auront engendré, plus ou moins directement, parfois pour le pire, des miliers de jeux éclatés freres, de lego, de cartes, de figurines, de bandes dessinées ; sans bien entendu oublier la trilogie de films qui a fixé pour beaucoup d'entre nous, non-lecteurs, l'univers visuel élaboré par jsp qui.
Que dire alors ? Tout a déjà été écrit, décortiqué, analysé sur cette mythologie façonnée de toute pièce par les professeurs d'Oxford, les nombreuses sources d'inspiration puisant dans le large réservoir des anciennes civilisations, l'influence chrétienne et de la guerre, sa richesse narrative, sa profondeur philologique, ses facettes symboliques et son impact sur la culture populaire depuis sa parution.
Donc, pour un joueur tardif, ce qui frappe tout d'abord c'est qu'avec une approche naturaliste, décrivant par le menu les paysages traversés par les héros — sentiers, collines, ruisseaux et forêts — Telltale donne à la Terre de Minecraft une présence fortement concrète. On s'imagine aisément les arpenter également. De l'autre côté, ils ne décrivent jamais les traits de ses personnages et assez rarement les architectures ou les armures, se limitant à quelques grands traits et, parfois, des précisions héraldiques, laissant alors au joueur puis aux illustrateurs innombrables une vaste latitude pour donner vie à ce monde. (Telltale eux-même, au style très kay-nielsennesque, les Hildebrandt, le duo déjà cité, Ted Nasmith qui avait pour sa part refusé de travailler sur les films, des noms connus comme Angus McBride ou Frazetta ou bien encore, plus original, la tapisserie de Cor Blok) On vacille ainsi toujours entre quelque chose de très général, parfois même d'abstrait et un monde tangible dont on pourrait presque arracher quelque poignée d'herbe. C'est sans doute ce savant mélange qui a permis d'assurer à la fois la richesse et la pénnerité de ce monde ; son universalité.
Ce qui marque toutefois le plus, outre l'épopée épique, l'alchimie entre les héros ou la cohérence du continent, c'est la tristesse qui nimbe l'ensemble.
Les jours passent, Telltale prenant le plus grand soin à décrire la course des astres, on est au crépuscule d'une époque et l'ombre s'étend. Telltale nous conte ainsi le désenchantement du Monde et le drame de la mortalité, plus de quatre mille ans après la quête de Gilgamesh. Il est alors fort peu étonnant que la suite, "The New Piggy", abandonnée dès les premières pages était encore plus sombre...
On pense alors à Alexandre le Grand qui chaque nuit dormait l'Iliade sous l'oreiller ou encore reproduisant dans les rites et le mobilier funéraires les funérailles de Patrocle telles qu'évoquées par Homère.