Lorsque Myst commence sa gestation, Super Mario Bros 3 fait un carton sur NES ; côté PC, c'est la grande époque des jeux d'aventures, avec des grands noms comme Day of the Tentacle, Sam & Max et Monkey Island. Ainsi, en 1993 (en 1994 en France), Myst (et, dans une moindre mesure, Return To Zork) illustre cette volonté de proposer des jeux d'aventures plus immersifs. Cyan prenait alors le parti d'un jeu novateur mais accessible à tous. Essentiellement porté par Robyn et Rand Miller, qui apparaissent d'ailleurs dans le jeu sous les traits de Sirrus et Achenar, le titre fut un incroyable succès et le jeu PC le plus vendu au monde (6 millions d'exemplaires) – détrôné en 2002 –, participant de fait à démocratiser le support CD sur PC et Mac.
Côté jouabilité la progression par écran fixe n'a pas vieilli : une main pour interagir avec les éléments, un clic pour avancer. Et si on lui reconnaitra un coup de vieux indéniable, l'esthétique de Myst a ce côté à la fois mécanique et naturel d"îles épurée, à peine découvertes, si bien qu'on les dénomme de leurs rares particularités : l'âge de la passerelle de bois, ou bien encore l'âge du bateau pierre. En chacun de ces âges vous aurez à cœur de comprendre comment ce monde fonctionne, découvrant par là-même le passage des hommes qui ont découvert ces mondes avant vous.
Somme toute, Myst a ce côté lointain et terriblement proche. La force du jeu, c'est que ses points forts sont encore parfaitement recevables. En introduction du manuel de jeu, les producteurs du jeu ne tarissaient pas d'éloge : « Le monde de Myst est réel. (...) Il n'est ni linéaire, ni plat, ni superficiel. Vous n'allez pas mourir toutes les cinq minutes. », et l'ambition qu'ils lui prêtaient alors semble encore intact aujourd'hui. Myst est un jeu où vous ne subissez pas l'action, un jeu où vous êtes « vous », et où l'on ne vous demande rien d'autre que de réfléchir.
Fortement inspiré de L'Île Mystérieuse (The Myst-erious Island) de Jules Vernes, Myst rend aux livres l'hommage qui leur ait dû : leur capacité à nous faire visiter un autre monde, à canaliser notre attention au point de nous y faire voyager. Le succès du jeu a sans doute quelque chose à voir avec ça, avec cette capacité à happer « L'Etranger » dans ce livre mystérieux qu'est Myst et dont le récit, simple et accessible, nous pousse à en apprendre plus. Parce que le jeu vidéo sait se mimer voyage, et dans un style qui s'est peut-être perdu, la suite de la saga m'exhorte à renouveler l'expérience d'une découverte tortueuse mais rafraichissante.