Apprivoiser la mort
Critique publiée à l'origine sur le site Etoile-et-champignon.fr La mention « Merci d’avoir joué » apparait à la fin du générique de Necrobarista, mais on a plutôt l’impression d’avoir simplement...
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le 18 févr. 2021
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Critique publiée à l'origine sur le site Etoile-et-champignon.fr
La mention « Merci d’avoir joué » apparait à la fin du générique de Necrobarista, mais on a plutôt l’impression d’avoir simplement suivi son histoire : on n’y interagit en effet que de façon sommaire, dans les brèves scènes de déambulation en vue subjective qui relient ses chapitres. C’est voulu : Necrobarista s’inscrit dans le genre du « visual novel », aux récits linéaires et sans choix, qui se racontent d’habitude en dialogues illustrés par les dessins de personnages dans leurs différentes expressions. A cette formule, le projet de Studio 54 applique une forme un peu plus visuelle : décors et personnages y sont modélisés en 3D pour permettre une mise en scène tout en plans et changement d’angles, à la manière d’un animé.
On se situe donc à la marge de ce que c’est que de jouer, ce qui n’est pas forcément un problème : il suffit d’accepter l’étiquette du jeu-vidéo comme un fourre-tout d’expériences diverses, et d’aimer se voir raconter des histoires. Encore faut-il qu’elles soient intéressantes ; c’est globalement le cas dans Necrobarista. On y suit une journée dans la vie de Maddy, barmaid dans un établissement officiant comme dernier arrêt pour les âmes récemment défuntes avant leur grand voyage. À ses côtés, l’ancien gérant n’a pas voulu partir : il s’est accroché au monde des mortels comme à leur amitié, et lui sert depuis de mentor au quotidien. Un certain Kishan les rejoint, tout aussi terrifié à l’idée du grand saut, émotion qu’il tentera d’évacuer dans de longues discussions mêlant évocations du passé, cafés serrés et élans angoissés à l’approche du moment fatidique.
L’histoire progresse ainsi sur un ton doux-amer, par une série de dialogues servant moins à pousser des bouts de réflexions philosophiques qu’à extérioriser toute une gamme d’émotions liées à la mort. Angoissé par le temps qu’il lui reste, et l’impression de s’étioler chaque minute un peu plus, Kishan passera par tous les états : des questionnements sans réponse, l’impatience, la colère ; quant à Maddie, représentante du camps de ceux qui survivent, elle aura si peur de perdre ceux qu’elle aime et de se retrouver seule qu’elle se lancera dans d’illégales séances de nécromancie, dans l’espoir d’obtenir quelques rallonges de vie pour le compte de ses proches. Les scènes qui les montrent emportés par un vent de panique sont les moments forts de l’histoire, au plus près du vertige que peut induire la pensée de la mort et son cortège d’émotion (le deuil, la tristesse, la peur). A l’autre bout du spectre, le récit est beaucoup moins convaincant dans ses quelques détours comiques tentés en fins de chapitre, qui font à chaque fois sortir des enjeux.
Necrobarista sait heureusement revenir à son sujet par la marge dans ses scènes moins intenses, concentrées sur le détail des émotions, où les personnages se parlent simplement de tout et de rien. Ces moments anodins, que l’on vit au départ comme un peu tièdes et anecdotiques, finissent par prendre leur sens en tant que sas d’apaisements suivant les crises, et menant à une forme d’acceptation de la mort : plus l’histoire avance, plus on y sent les personnages conscients de l’imminence de leur séparation, et rayonner d’une sorte de plaisir simple d’être ensemble, sans qu’il y ait besoin de tout se dire ni d’en rajouter. La retenue dont fait preuve l’écriture dans ces jolis moments suspendus témoigne de sa précision en matière d’émotions, qu’il s’agisse d’évoquer celles, intenses et hors-contrôle, des moments de panique, où celles plus subtiles et pudiques d’amitiés en train d’advenir. C’est cette teneur affective du récit qui fait le charme de Necrobarista, un « jeu » qui au final, nous a quand même bien embarqué dans son projet : celui de tenter d’apprivoiser la mort par l’expression des émotions qu’elle fait naitre.
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le 18 févr. 2021
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