Pour apprécier NieR:Automata il ne faut surtout pas s'arrêter et décortiquer ce qui le constitue. Sinon on constate que le gameplay est très limité et brouillon, que son monde ouvert n'est qu'une suite de plateaux vides, que ses quêtes annexes se résument essentiellement à du Fedex et que son propos philosophique ne vole pas beaucoup plus haut que le tout venant JRPG et s'embourbe dans un sentimentalisme parfois pas loin d'être grossier.
Faire fonctionner N:A, c'est faire l'effort de le prendre comme un tout ; une expérience audiovisuelle, narrative et interactive efficace, dont chacun des termes ne doit pas prendre le pas sur les autres, au risque de dévoiler ses limites. N:A m'a gonflé lorsqu'il s'agissait de se battre trop longtemps (les combats manquent de profondeur et d'impact, il suffit de mitrailler le bouton d'esquive et de se barder de puces de soin pour devenir un Dieu immortel), lorsque j'ai voulu enchainer les quêtes annexes (dont les résolutions offrent parfois de très beaux moments narratifs, mais au prix de multiples corvées fedex), ou lorsque les moments narratifs prenaient trop de place (et finissaient parfois par appuyer trop lourdement sur les sous-entendus très entendus), ou encore lorsque je passais trop de temps à me déplacer dans ses environnements certes jolis dans leur genre désaturé, mais si vides que chaque saut de puce de notre personnage (trop vif pour son propre bien) ne faisait que faire grandir le vide en moi. Les petits malins me diront que c'est pour mieux me faire ressentir la fatigue existentielle de son cast. Mais c'est au contraire lorsque le rythme s'est montré efficace, à disposer un ptit bout de combat, une ptite scénette, une ptite découverte de zone, un ptit twist et une astuce narrative méta en cerise sur le gâteau, que j'ai vraiment été pris par le jeu et que j'ai eu envie de croire à ce qu'il essayait de me faire gober.
Tout dans la structure de N:A trahit l'intention des développeurs de distraire le joueur pour mieux lui éviter d'inspecter de trop près ses coutures (ça devient évident dès le deuxième scénario, lorsqu'on contrôle 9S et qu'on nous invite à hacker les adversaires par le biais d'un mini jeu de shoot 'em up pour bypass les combats classiques devenus d'autant plus relous à cause du moveset limité de 9S). Ça sonne comme un reproche mais sur une bonne partie du jeu ça n'en est pas un ; pour la simple raison que ça fonctionne. On oublie que les pièces détachées de N:A sont parfois médiocres car la colle qui les fait tenir est souple et solide à la fois. La bande originale aide aussi (les musiques en elles-mêmes ainsi que leurs variations dynamiques selon le lieu où on se trouve), surtout lorsqu'il s'agit de parcourir la map. Cependant l'épuisement du jeu se fait fort sentir sur la fin, lors de phases de combat interminables (censées représenter la fièvre meurtrière d'un protagoniste jusqu'à nous insensibiliser à cette marée de violence, j'en ai bien conscience) qui accessoirement confirment une bonne fois pour toute que l'aspect sh'm'up n'a pas été pensé pour fonctionner avec le gameplay de combat (là où les phases de hack sont plus fun car mieux calibrées, quoique répétitives à la longue).
Et au fond, derrière son philo-namedroping à un degré cinq, NieR:Automata est surtout bon lorsqu'il fait simplement résonner les voix artificielles chevrotantes de ses machines rondouillardes perdues en pleine crise existentielle.