Plus le temps passait à Possum Springs, plus la comparaison de Night in the Woods avec Life is Strange me paraissait évidente :
Nous suivons une ado/adu-lescente qui rentre au bercail, avec laquelle nous allons partager une tranche de vie, teintée de paranormal, marquée de la rencontre de vieilles connaissances et le tissage de nouvelles relations. Mais là où LiS est poussif, mièvre et bien trop premier degré, NitW est drôle, pétillant, coloré, quand il ne nous met pas plus sérieusement face à nos propres doutes et illusions.
Le propos y est mature, et les sujets sensibles y sont traités avec justesse (schizophrénie, homosexualité, deuil…). Chaque personnage, qu’il soit principal ou secondaire, est travaillé et peut, ne serait-ce qu’en quelques lignes, véhiculer tout un tas d’émotions au joueur. Ces animaux anthropomorphisés sont on ne peut plus humains : faillibles.
Mais les conversations graves sont contrebalancées dans un parfait équilibre par un humour efficace, une direction artistique et musicale de toute beauté, et une ambiance empreinte de bienveillance et de nostalgie. Possum Springs est un vestige d’une époque révolue, mais c’est notre vestige, et ses habitants sont bel et bien vivants. Entre répètes du groupe de rock, soirées pizzas et recherche d’étoiles, Mae tente tant bien que mal de trouver du positif dans sa vie, et ça nous le ressentons.
L’ambiance si particulière du titre tient aussi au rythme des journées que l’on vit : on quitte la maison, on va en ville (vers la gauche, très important, j’y reviens après), on discute avec les autochtones puis on passe la soirée avec un pote au choix. Et rebelote. C’est dans ce quotidien répétitif que NitW trouve sa force : on connaît la ville dans ses moindres recoins, les habitants ont une vie qui leur est propre et que l’on peut voir évoluer au jour le jour. Possum Springs, et tout ce qu’elle incarne, devient le personnage principal du jeu, relayant Mae au rang de spectateur. Et c’est là que je vais vous parler du scénario : il est simple mais prenant, et n’a pour but que de représenter la déliquescence de la ville, parallèle à celle de Mae. Mae et Possum Springs sont toutes bloquées dans le passé, incapables de tourner la page, d’un mouvement de recul perpétuel elles se percutent enfin.
Je reviens d’ailleurs sur un point important : lorsque l’on quitte sa maison tous les matins, on se situe à l’extrémité droite de la ville, et nos errances nous mènent toujours vers la gauche. Cela va contre tout ce que l’on connaît depuis notre naissance : lecture, écriture, représentation du temps, jeux-vidéos ; toujours de la gauche vers la droite. Mais dès le départ du jeu et votre arrivé à la station de bus de Possum Springs, on vous montre un chemin à rebours, toujours vers la gauche, toujours vers le passé (un peu l’inverse d’un Snowpiercer et ces plans gauche-droite). Je vous invite d’ailleurs à regarder cette vidéo de Super Bunnyhop sur le sujet
Je me rends bien compte que cette critique n’est pas forcément bien structurée, mais tout comme Mae se cherche, les mots pour exprimer mon amour pour ce jeu se bousculent. J’en ai fait des walking simulator ou des jeux « tranche de vie », mais rarement un ne m’aura paru si juste, avec une galerie de personnages si vivants et si attachants. J’y ai joué il y a 3 mois, et pourtant sa force est toujours intacte.
Life is Strange et ses émos fleur-bleue peuvent aller se rhabiller, Gregg Rulez OK !