L'aloi du sentier
Le J-RPG, c'est un peu comme la moutarde ou le hip-hop : certains le préfèreront toujours à l'ancienne. Maintenant que la rusticité des Dragon Quest n'effraie plus l'Occident, Square Enix a jugé bon...
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le 2 août 2018
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Après des années à lorgner sur le titre, j’ai enfin sauté le pas, et je me suis lancé dans Octopath Traveler, le JRPG développé par Acquire, et édité par Square Enix, d’abord sur switch en 2018, puis le jeu est arrivé sur PC et sur Xbox par la suite. Ce jeu se veut etre une sorte d’hommage aux Final Fantasy de la super nintendo ( 4,5,6), avec une particularité, l’utilisation de la 2,5 hd. Le jeu est donc comme à l’époque, et en plus beau. Il faut savoir aussi que Octopath Traveler s’inspire du système de combat de Bravely Default.
Le jeu proposait une histoire « originale » en incarnant 8 personnages donc la première lettre du prénom forme le nom Octopath : Olbric le guerrier déchu, Cyrus l’érudit, Tressa la marchande, Ophilia la prêtresse, Primrose la danseuse, Alfyn l’apothicaire, Therion le voleur et H’annit la chasseuse.
Chaque histoire est indépendante l’une de l’autre, et en meme temps pas tant que ça, je vais revenir en détails sur cet aspect du jeu qui laisse un peu à désirer. Octopath Traveler, un jeu à la fois excellent et décevant, c’est ce que nous allons voir.
1) Narration à huit voix, échec critique ?
Le principe de vivre huit histoires est intéressant, et cependant son exploitation est limitée dans le jeu. Grosso modo, vous allez commencer l’aventure en choisissant votre personnage principal parmi les huit, le mien étant Tressa la marchande. Vous aller vivre avec ce personnage son « premier chapitre », il y en a 4 par personnages.
L’histoire de Tressa est basique au possible. Une adolescente veut se lancer dans un tour du monde du continent d’Osterra, suite à sa découverte d’un journal intime d’un voyageur. A l’inverse, certains autres personnages, comme Olberic ou Primrose, ont une histoire avec un « fil rouge ». Souvent une quête de vengeance.
Le problème dans Octopath Traveler, c’est l’impossibilité d’enchainer une histoire d’un trait. En effet, à chaque chapitre, le niveau demandé augmente. Chapitre 2 demande un niveau 20, chapitre 3 un niveau 30 et chapitre 4 un niveau 40 environ. Et donc du coup, ce que vous allez faire dans un premier temps, c’est de « collecter » les autres personnages en faisant leur premier chapitre.
Chaque chapitre possède malheureusement une structure scénaristique « faiblarde » et « répétitive », à l’exception d’un ou deux chapitres ( comme le chapitre 2 d’Olberic). Vous arrivez dans un endroit, vous faites quelques actions avec votre personnage, cinématique, petit donjon expéditif ( 2 ou 3 coffres à ouvrir, un ou deux combats puis boss), cinématique et merci au revoir, la suite au prochain épisode.
Le pire, c’est que certains « chapitre » s’apparentent vraiment à des fillers par moment. Je pense au chapitre 2 de Alfyn, ou la moitié de l’aventure de Tressa. C’est pas très intéressant, c’est pas fulgurant. Certaines conclusions laissent à désirer, certains twists scénaristiques tombent à plat, je pense à Primrose et la « révélation » de l’identité du grand méchant, ça fait peu sens.
Au bout d’une quarantaine d’heures de jeu, une trame de fond plus grande se dessine derrière cette somme d’histoires individuelles. Il existe une sorte de chapitre 5 qui fait des corrélations entre les personnages, principaux et secondaires. Et c’est… caché. Si vous ne faites pas certaines quetes annexes dans un certain ordre, vous n’arriverez pas à ce chapitre 5 caché qui offre un donjon final, avec les huit boss finaux du chapitre 4 en version maléfique + entre chaque combat, un texte qui vous expliquera les tenants et aboutissants du scénario.
Et bien sur, sans point de sauvegarde, et en se tapant ensuite le vrai boss final en deux phases, pour avoir ensuite un petit texte de « félicitations, l’histoire est vraiment finie ». Jamais aucun JRPG n’a fait des trucs comme ça. C’est bien beau de teaser un chapitre 5 via les huit histoires, mais si c’est pour faire un truc aussi difficile, tant dans le challenge que dans son accessibilité, je ne vois pas en quoi c’est plaisant.
2) Gameplay plaisant, difficulté ahurissante ?
Le système de combat d’Octopath Traveler est très bien conçu. Vous pouvez comme dans un Final Fantasy X, voir l’ordre des tour qui va arriver. Et votre but principal sera de provoquer une « faille » chez l’ennemi, pour lui faire perdre des tours d’actions et lui infliger plus de dégâts. Il existe plusieurs types d’armes, épée, dague, lance, arc, hache, bâton, et 6 éléments, feu, électricité, glace, ombre, vent, lumière. Il est possible en fonction des « techniques » des personnages, de frapper plusieurs fois le bouclier de l’adversaire, pour le faire tomber en faille.
Système hérité de Bravely Default, l’exaltation, qui est grosso modo le système Brave, vous pouvez gagner des points d’exaltation à chaque tour ( ou via des objets, ou via des techniques, ou autre) et ça vous permettra d’attaquer plusieurs fois, et de faire plus de dégâts, via la gâchette L.
La totalité des PE sera consommé lorsque vous lancerez vos techniques ultimes de classes. Il y en a 8, chaque personnage possède une classe par défaut, et ne peut pas la changer. Par contre, vous pourrez trouver les huit classes des autres personnages. Cela vous permettra ainsi de mixer un guerrier avec un mage blanc, ou un érudit avec danseur, ou une chasseuse avec un marchand.
Vous gagnez des PC, points de compétences, qui vous permettent d’apprendre des compétences qui débloquent des aptitudes secondaires attribuables (4 emplacements). Une aptitude vous permettra d’éviter les combats, une autre augmentera votre attaque… Ce qui est cool, c’est que vous pouvez changer de classe secondaire autant de fois que vous souhaitez, et chaque aptitude apprise reste à vie. Imaginons Tressa, elle est marchande, je lui ai mis la classe secondaire guerrière puis mage blanc, je peux mixer des bonus d’aptitudes des trois classes.
Il est également possible de débloquer 4 classes divines, qui vont vraiment vous être très utiles, ces classes sont cachées, dans des temples, et il y a un boss à combattre pour l’obtenir. Je vous conseille vivement la classe enchanteur, la magie dans le jeu étant de toute manière, l’aptitude la plus efficace.
En effet, le jeu est déséquilibré, les classes prêtres, érudit, guerrier ou marchand sont vraiment recommandées, la classe voleur ne sert quasiment à rien, j’ai très peu utilisé la classe chasseur également. Ce déséquilibre se retrouve dans la difficulté. Vous allez vraiment par moment, péter des câbles sur une difficulté très mal dosée. Ne faites pas confiance au « level conseillé » indiqué par le jeu, si on vous conseille un niveau 20, venez avec un niveau 25, et surtout, venez avec une équipe de 4.
Parce que par moments, certains boss tapent extrêmement dur, et de nombreuses fois à la suite. J’ai un boss qui a enchainé jusqu’à 6 tours de suite avant que je puisse agir. Je me suis fait littéralement défoncer. La difficulté est mal gérée dans ce jeu. Soit c’est trop difficile, et ça te force à farmer de l’argent, des PC, de l’XP, des équipements plus forts, et tu vas revenir plus fort, tellement plus fort que du coup tu vas toujours utiliser les mêmes personnages pour avancer plus facilement. Soit ça devient trop facile, quand tu as farmé, quand tu as la classe enchanteur, tu vas tuer en un coup les ennemis de « base ».
Grosso modo, j’ai fait les 4 boss divins pour obtenir leur classe, et 3/4 des boss facultatifs. Au bout de 60h de jeu, j’ai eu la flemme de me dire que je devais farmer encore et encore, pour me faire les boss du donjon final ou encore le loup géant qui a plus de 200 000 HP, et qui tape minimum de 2500 à chaque tour, alors que tes personnages ont une vie de à peine 4000-5000 HP. J’ai donc lâche le « chapitre 5 ».
Le problème dans ce jeu, c’est que seuls les combats rapportent de l’XP et des PC. Vous aurez des quêtes secondaires à faire, en utilisant les aptitudes des personnages ( en passant, elles sont les memes, guider, acheter, défier ou questionner, avec leur alternative coté « dark », séduire, voler, défier avec un animal, scruter. Je ne vois pas la différence entre les 2, le but est le même à la fin, il n’y a aucune répercussion ou presque). Oui, les quetes secondaires vont permettre parfois de « développer » le lore du jeu, de tisser des liens entre les personnages secondaires, et cependant on gagne seulement de l’argent ou des objets. Quel utilité de les faire, dans ce cas ? Au bout de 40 h, j’ai atteint un premier pallier avec ce jeu. Au bout de 60 h de jeu, je me suis vraiment dit que passer 20-30h de jeu supplémentaires, ne valait pas la peine.
3- Direction artistique et OST : du bon travail
La partie qui sera la plus rapide et expédiée dans cette critique. La direction artistique est très bonne, et je vous conseille néanmoins de désactiver dans les options le système « d’ombres ». Il faut un temps pour s’adapter, et cependant l’univers est vraiment très sympathique. Entre le désert, les environnements sous la neige, les environnements montagneux ou encore du littoral, vous en aurez pour vos mirettes.
Le character design est très réussi, beaucoup plus que l’écriture malheureusement. Les doublages anglais font le boulot, et les musiques sont vraiment excellentes. Chaque personnage à son thème, chaque ville à sa musique, et vous allez vraiment apprécier l’OST. J’ai adoré le thème du générique de fin. Comme d’habitude, quelques morceaux qui valent le coup que je vous partage :
Conclusion
Octopath Traveler est définitivement moins pire que je ne l’imaginais. J’ai passé un très bon moment sur le titre, entrecoupé de phases de frustration. Frustration de me dire que l’histoire aurait pu etre tellement mieux, et qu’elle se rejoint de manière bizarre par moment. Frustration par sa difficulté ultra mal dosée.
Et en mème temps, un système de combat vraiment efficace, un univers et une direction artistique au top, un character design des personnages cool et quelques passages d’histoire plus prenants que d’autres.
Malheureusement, Octopath Traveler n’est pas le JRPG de cette génération, ni le meilleur JRPG de la switch. Xenoblade chronicles I et II trônent toujours fièrement sur le podium. D’une certaine manière en comparaison avec d’autres JRPG que j’ai pu faire dernièrement, j’aurai tendance à dire que Octopath est meilleur qu’un FF 7 remake, meilleur qu’un Trails of Cold Steel 4, et que je l’ai peut être plus apprécié qu’un Fire Emblem Three Houses, parce que définitivement, j’adore les JRPG au tour par tour.
Les bases sont là. Project Triangle Strategy qui arriverait en 2022, Bravely Default 2 en 2021. Acquire est en train de prendre du galon, le jeu octopath traveler est actuellement décliné en jeu mobile au Japon, on sent que, véritablement, un Octopath Traveler 2 pourrait décidément mettre tout le monde d’accord.
Avec une histoire à huit voix vraiment liée, une difficulté mieux dosée, un univers plus grand, quelques ajouts et rééquilibrages dans le système de combat, on pourrait avoir un JRPG sensationnel. J’espère revoir un jour Octopath Traveler sur switch ou ailleurs, et dans une meilleure version que celle ci.
Je conseille le jeu, plutôt en occasion qu’au prix fort, et en sachant dans quoi vous vous lancez. Si vous aimez les JRPG, allez y, mais faites la démo avant pour vraiment vous faire une idée.
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Créée
le 6 mai 2021
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