Persona 3: Reload
8.2
Persona 3: Reload

Jeu de Atlus et Xeen (2024PC)

Sorti à l'origine sur PS2, comme le 4ème opus, Persona 3 a fait l'objet d'un remake complet qui le place techniquement à un niveau similaire à celui de Persona 5, la flamboyance en moins. Ce côté "terne" ne résulte pas d'un défaut de conception mais plutôt de l'identité du jeu et de son propos. Là où Persona 5 mettait en scène des casses rocambolesques qui justifiaient une direction artistique haute en couleurs, P3 Reload aborde la question du désir de vivre, du trauma, de la dépression, du deuil et donc de la mort. Ce contraste marquant entre les deux jeux m'a d'abord donné la sensation que P3 n'était pas à la hauteur de son étincelant descendant, mais en vérité, c'est simplement qu'il aborde des thèmes qui exigent un peu (beaucoup) plus de pudeur.


Ce que j'aime avec cette série, c'est sa façon de construire une aventure dense autour d'un thème central qui sert de fil rouge à tout le jeu, que ce soit le scénario, le script, les personnages, la direction artistique, les musiques, etc. Dans Persona 4, tout était selon moi articulé autour de la question de l'acceptation, celle de soi surtout, ou comment s'accepter comme on est malgré nos contradictions, nos errances et nos gloires, malgré la pression extérieure, malgré le regard des autres, mais aussi l'acceptation de la réalité et de la vérité, malgré les apparences, les certitudes trompeuses et les faux semblants.


Persona 5 lui, nous contait une quête existentielle, celle qui consiste à trouver sa voie, son essence, pour reprendre les termes de Jean Paul Sartre, pour qui nous ne sommes vraiment libre et heureux que lorsque nous trouvons ce qui nous anime, et que nous y consacrons avec ferveur ce que nous sommes.


Le plus ancien des trois opus aborde lui la question du désir de vivre, et donc par extension celle de l'acceptation de notre finitude et l'échéance implacable de la mort. Par extension, l'aventure est donc beaucoup plus sombre que celle des épisodes suivants, en ce sens qu'elle aborde régulièrement des thématiques lourdes et mortuaires. Pas de plot armor pour les protagonistes ici, ce qui est un point fort pour une écriture nekketsuesque qui a tendance, dans d'autres œuvres, à surprotéger ses héros. Si l'écriture s'avère parfois plus grossière et maladroite que celle de Persona 5, elle fait mouche malgré tout, et emporte assez facilement dans des questionnements sur notre rapport à la vie et à la mort, comme pouvait le faire en son temps Final Fantasy 9 (avec bien plus de poésie, mais moins de réalisme).


Le jeu tout entier est donc teinté d'une certaine mélancolie. Les personnages luttent contre la fatalité / se cherchent une raison de vivre malgré cette voix qui nous poussent tous et toutes un jour ou l'autre à nous demander "à quoi bon". Bien sur, comme dans tout bon shonen, la réponse tiendra souvent dans les liens tissés avec les autres, dans l'amitié et l'amour, mais si on occulte ce discours vu et revu, le jeu propose de temps à autre quelques fulgurances d'écriture qui poussent à la réflexion. Il en est de même pour les héros et héroïnes, qui reprennent presque toutes et tous des archétypes vu et revu: Le loser attachant (ou lourdingue) au grand coeur (Junpei, Yosuke, Ryuji), la jeune fille débrouillarde et combative (Yukari, Chie, Ann), la fille hyper timide et serviable (Fuuka, Yukiko, Haru), la mascotte (Koromaru, Teddie, Morgana)... etc. De votre tolérance à ces lieux communs dépendera surement votre capacité à rentrer ou non dans cette longue aventure de plus de 60 heures environ, pour un premier run.


C'est peut être d'ailleurs là la plus grande faiblesse de ce P3 comparativement à ses successeurs. Les personnages ne sortent pas beaucoup de leur rôle et de leur caractérisation, ce qui les rend parfois assez plats, assez convenus, et bien moins mémorables que certains coups de coeur des opus suivants (Naoto, Chie, Makoto, Futaba, etc). N'hésitez d'ailleurs pas à dire en commentaire quels sont pour vous les personnages les plus mémorables de la saga, je suis curieux de savoir si ce sont les mêmes noms qui reviennent.


Reste que quand l'aventure se termine, comme dans tout bon Persona, on s'est attaché à cette bande avec laquelle on a traversé des doutes, des questions existentielles, des épreuves, des bossfight compliqués et des montagnes de dialogues. Et puis, il y a tout l'enrobage. La mise à jour technique est très réussie, la DA fonctionne, comme le gameplay. Surtout, il y a les musiques, dont le mémorable "color your night" qui donne cette petite touche unique à la saga, un goût de "je suis plus cool que le plus cool de tes jeux préférés".


Un très bon JRPG, et un très bon jeu donc, pour qui n'est pas allergique au nekketsu.

Jok85
8
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le 26 févr. 2024

Critique lue 352 fois

7 j'aime

Jok85

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